Boire le Kool-Aid. Une expression propre au football, qui veut essentiellement dire que les joueurs adhèrent au modèle proposé par leur entraîneur-chef. Et décidément, Shea Emry raffole du Kool-Aid servi par Marc Trestman.

Dans sa récente autobiographie, Trestman énumère les trois conseils qu'il donne à ses joueurs au sujet de leur relation avec les médias: 1. ils ne sont pas vos amis; 2. «off the record» est un obscur concept qui n'existe pas; et 3. lorsqu'ils louangent vos performances individuelles, ramenez toujours ça à l'équipe.

 

Emry suit cette troisième consigne à la lettre. On a eu beau le relancer par trois fois sur ses exploits de la saison dernière, le secondeur a parlé de la défense dans des termes généraux les trois fois. Avez-vous été surpris de jouer aussi bien à votre première saison dans la formation régulière? «Tous les vétérans, Anwar Stewart, Eric Wilson et les autres, m'ont beaucoup aidé.» Au bout de trois fois, on appelle ça un retrait sur trois prises, et on retourne dans l'abri des joueurs.

Louanges méritées

Ses coéquipiers l'ont aidé, certes, mais même si Emry ne veut pas recevoir de louanges, il les mérite pleinement. Son jeu au milieu de la défense des Alouettes l'année dernière était aussi impressionnant qu'inattendu.

«Il y a plusieurs joueurs qui n'étaient pas convaincus qu'il serait en mesure d'être notre secondeur à l'intérieur régulier aussi tôt dans sa carrière, mais il a clairement démontré qu'il pouvait faire le travail - et pas à peu près!» a déclaré Étienne Boulay.

Un ancien quart-arrière, Emry a accompli ce que très peu de joueurs canadiens ont réussi en devenant un secondeur à l'intérieur régulier dès sa deuxième saison professionnelle. C'est un poste qui nécessite une bonne maîtrise de la défense, puisque le secondeur à l'intérieur est celui qui positionne habituellement les joueurs du front défensif.

«Il continuera de s'améliorer à ce niveau, mais il fait déjà un très bon travail pour ce qui est de diriger les joueurs dans le caucus. Sa lecture du jeu et ses instincts ne feront que s'améliorer au rythme de l'expérience qu'il prendra», pense le coordonnateur défensif, Tim Burke.

Les coéquipiers d'Emry partagent l'opinion de Burke et estiment que le potentiel du jeune secondeur est illimité.

«C'est un de nos meilleurs joueurs défensifs - canadiens et américains confondus. Il est dominant. Et c'est un gars qui étudie beaucoup. J'adore l'avoir comme coéquipier parce que c'est un passionné, il s'investit toujours à fond. Pas seulement pendant les matchs, lors des entraînements, aussi. Son avenir est très prometteur», dit Matthieu Proulx.

Fort et rapide

Si Emry a encore des aspects de son jeu à améliorer sur le plan mental, on ne peut rien lui reprocher au niveau physique.

«C'est très rare de voir un joueur aussi rapide qui plaque aussi bien. Lorsque je suis arrivé dans la LCF, il y a six ans, on retrouvait des joueurs imposants, mais ils ne plaquaient pas solidement comme ça. Je pense que c'est l'une des principales évolutions de notre ligue: les joueurs plus costauds sont de plus en plus rapides, et ils frappent de plus en plus fort. Et Shea est un très bel exemple de ce phénomène», a analysé Burke, qui espère avant tout que son secondeur évitera les blessures en 2010.

«C'est la clé dans son cas. Il a raté des matchs et a souvent joué en dépit de blessures à ses deux premières saisons. Lorsqu'il n'est pas en uniforme, on ne fait pas que perdre un joueur de bon calibre, ça entraîne des répercussions au niveau de notre ratio de joueurs canadiens. Et en plus de rarement quitter le terrain en défense, Shea est un joueur-clé de nos unités spéciales.»

Un leader est né

Après n'en avoir réussi que quatre, il y a deux ans, le natif de Richmond, en Colombie-Britannique, a terminé la dernière saison avec 52 plaqués, bon pour le deuxième rang de l'équipe derrière Chip Cox (81).

Son discours pendant la mi-temps du match de la Coupe Grey a semblé impressionner ses coéquipiers encore plus que ses coups d'épaule. On se rappellera qu'Emry est celui qui a secoué l'équipe en exigeant qu'elle élève son niveau d'intensité dans les 30 dernières minutes de jeu contre les Roughriders de la Saskatchewan. Venant d'un joueur aussi combatif, le message n'a pas eu de difficulté à se rendre.

«Shea est la définition même de l'intensité. Il y a un feu qui brûle à l'intérieur de ce gars-là. Et il est très intelligent, ce qui est assez rare chez les joueurs qui sont intenses à ce point. Il n'est jamais satisfait, et il veut toujours s'améliorer. C'est pourquoi il deviendra tout un joueur de football», a résumé Étienne Boulay.