Il y a tellement de figures importantes au sein de l'attaque des Alouettes - Calvillo, Cahoon, Watkins, Richardson, la ligne, Trestman - qu'on en vient parfois à oublier l'impact qu'a eu Avon Cobourne.

Souvenez-vous de 2007. Le porteur de ballon Robert Edwards n'avait plus les jambes pour l'emploi et son successeur Jarrett Payton avait de sérieux ennuis en protection - du quart et du ballon. Quand l'entraîneur-chef Mark Trestman est arrivé, en 2008, il a rapidement vu que Cobourne était le demi à l'attaque idéal pour son système. Polyvalent, solide en protection, bon coureur. Et un coeur gros comme ça.

 

Cobourne ne craint pas grand-chose sur un terrain de football, une attitude qu'on peut attribuer à son enfance et aux années passées à Camden, sa ville natale, une banlieue de Philadelphie reconnue pour son haut taux de ciminalité.

«D'avoir grandi dans une ville comme Camden a effectivement eu une influence sur mon style de jeu. Les gens craintifs, qui sont un peu faibles entre les deux oreilles, font toujours profiter d'eux dans ces quartiers», dit Cobourne qui, comme tous les jeunes Afro-Américains issus des quartiers défavorisés, en a vu de toutes les couleurs pendant son enfance et son adolescence.

«Il y avait des gens qui mouraient, qui se faisaient abattre, ou qui se retrouvaient en prison. C'est un cercle vicieux, et j'en suis sorti. Je suis chanceux, béni. Je me plains parfois pour un ci ou un ça, mais lorsque je songe d'où j'arrive, je me dis toujours que je devrais me taire.»

Une transition difficile

L'histoire de Cobourne ressemble à celle de Michael Oher, le récent choix de première ronde des Ravens de Baltimore et le principal sujet du livre The Blind Side, de Michael Lewis.

Le joueur des Alouettes a emménagé dans le domicile d'une famille de Blancs, ce qui lui a permis de quitter les rues de Camden et de poursuivre une carrière au football.

«Je vivais une enfance assez belle jusqu'à ce que mes parents commencent à consommer de la drogue. C'est à partir de ce moment que les choses sont devenues instables. Mais ma grand-mère avait une maison à Cherry Hill, où le réseau scolaire était supérieur à celui de Camden. J'ai donc habité chez elle pendant une année. Ed Mebs, qui avait été l'un de mes entraîneurs dans les petites ligues de football, dirigeait l'équipe de l'école secondaire. Et c'est à partir de ce moment que les choses ont changé pour moi», raconte Cobourne.

Un an après que sa situation eut commencé à s'améliorer, il a toutefois été obligé de quitter Cherry Hill.

«Ma grand-mère a perdu possession de sa maison, alors je suis retourné vivre à Camden. On s'est retrouvés dans un refuge. Mais je continuais tout de même d'aller à l'école à Cherry Hill, illégalement parce que je n'habitais plus dans ce district. L'école a fini par l'apprendre et c'est là que M. Mebs a tout changé pour moi. Je lui ai demandé si je pouvais utiliser son adresse afin de continuer de fréquenter la même école et il m'a répondu qu'il devrait en discuter avec sa femme. Quelques jours plus tard, ils m'ont dit qu'ils ne voyaient aucun inconvénient à ce que j'emménage chez eux.»

Mebs, dont le fils était le quart-arrière à Cherry Hill, est devenu le tuteur de Cobourne.

«Ils prenaient tout un risque. J'arrivais du 'hood, de la rue, et ils étaient prêts à m'accueillir dans leur maison, sans trop me connaître. Mais lorsqu'on est un enfant, on est incapable de dissimuler son vrai visage, alors il faut croire qu'Ed considérait que j'étais un bon jeune.»

Comme on peut l'imaginer, la transition ne s'est pas faite sans heurt.

«Ça n'a pas été facile. Premièrement, c'était une famille de Blancs, alors que j'arrivais du 'hood, où il n'y a rien d'autre que des Noirs. Puis il y avait beaucoup de discipline, beaucoup plus de structure que dans ma famille. Par exemple, je devais toujours les aviser d'où je me trouvais, ce que je n'avais jamais eu à faire auparavant. Il y a eu plusieurs ajustements.»

Les Mountaineers, sans trop y croire

Après Cherry Hill et un séjour dans une école privée, Cobourne a reçu une offre des Mountaineers de l'Université West Virginia. Il l'a acceptée, tout en doutant de l'intérêt réel des Mountaineers.

«Je croyais qu'on m'offrait une bourse par pitié. Je venais de subir une sérieuse blessure à un genou, et mon entraîneur précédent avait déjà été à l'emploi de cette université. Je croyais que c'était une histoire de référence. Mon plan était d'obtenir un diplôme, puis de voir comment les choses se dérouleraient par la suite», explique celui qui est devenu le meneur de l'histoire des Moutaineers pour les verges au sol.

«Je manquais de confiance en arrivant à West Virginia. Je savais qu'il y avait des porteurs plus rapides que moi. Je savais que je devais travailler encore plus fort sur certains aspects, d'ailleurs je pense que c'est pourquoi je suis devenu un joueur polyvalent», estime Cobourne, qui a obtenu une majeure en marketing et une mineure en communications.

Après quelques matchs avec les Lions de Detroit en 2003, Cobourne s'est retrouvé à Cologne dans la NFL Europe l'année suivante. Il est arrivé à Montréal en 2006, à la suite d'un bref séjour chez les Dolphins de Miami. Un parcours qu'on aurait jugé improbable il y a une vingtaine d'années.

«Mon jeune frère s'est attiré des problèmes il y a environ un an, et c'est en lui parlant de ce que j'avais réussi que ça m'a ouvert les yeux. J'ai habité en Allemagne, je joue à Montréal, au Canada. Je vois des endroits que je n'aurais jamais pensé voir un jour. Je ne pensais même pas sortir de Camden... J'ai perdu quelques amis, certains ont été abattus. Je ne le comprenais pas à cette époque, mais on me répétait à quel point j'étais chanceux de pouvoir quitter Camden. Qu'à tout le moins, j'obtiendrais la chance d'accomplir quelque chose. Aujourd'hui, je le saisis plus que jamais.»

Cobourne retourne rarement à Camden. «J'y vais à l'occasion afin de visiter des amis, mais je n'y suis plus dans mon élément. Je ne connais presque plus personne, alors que je connaissais tout le monde quand je grandissais. Ça fait tellement longtemps que je l'ai quitté que j'ai de la difficulté à m'identifier au hood. Mais lorsqu'on a grandi à l'intérieur, on n'oublie jamais ce que c'est.»