C'est un homme transformé qui s'est présenté au camp des Alouettes, en juin. La maladie de sa femme Alexia a tout remis en perspective chez Anthony Calvillo. L'arrivée à Montréal de Marc Trestman, elle, a permis à la carrière du vétéran passeur de connaître un deuxième souffle. L'occasion de faire taire ses détracteurs une fois pour toutes n'aura jamais été aussi belle que dimanche soir et Calvillo le comprend très bien.

J'ai reçu un appel d'un journaliste mexicain cette semaine. Il croyait que je parlais espagnol - pas le cas - et voulait savoir comment contacter Anthony Calvillo.

Dans le ROC, il y a habituellement un papier dans tous les journaux de la ville lorsque Calvillo est de passage. Comme une grande star.

À Montréal? Ç'a toujours été plus mitigé. On commence à réaliser que notre quart n'est pas vilain du tout, mais on n'a jamais eu l'impression qu'il avait entièrement la cote. Sauf à un endroit, celui qui compte vraiment.

Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que ce n'est pas toujours l'harmonie au sein de l'organisation des Alouettes. Sauf lorsqu'il est question de Calvillo, le rare dossier qui fait toujours l'unanimité. Personne ne dit un mot quand vient le temps de signer ses chèques, qui sont évidemment les plus élevés de l'équipe.

D'ailleurs, le souvenir d'une citation particulière du DG Jim Popp reste bien gravé. C'était lors d'un point de presse à Toronto l'année dernière alors qu'A.C. connaissait une saison plus difficile.

«Qui sait, Anthony jouera peut-être aussi longtemps que Damon Allen», avait lancé Popp. J'avais presque pouffé de rire croyant que le Jim plaisantait, mais il était sérieux comme un prof de catéchèse. Calvillo avait 35 ans, Allen a accroché ses crampons à 44... Mais Popp est toujours allé au front pour son quart.

Ce qu'on ne savait pas à ce moment, c'est que la carrière de Calvillo allait presque prendre fin quelques mois plus tard. Pour une raison que personne n'aurait pu envisager.

On a su que quelque chose n'allait pas lorsque Calvillo s'est absenté d'un entraînement. Popp et Ben Cahoon ont discuté à l'écart du reste de l'équipe pendant de longues minutes. Tout le monde avait le visage long et il n'y avait plus un son à l'intérieur du Stade olympique, chez les joueurs, comme les journalistes.

La première rencontre qu'a eue Calvillo avec les médias après la terrible nouvelle était d'une profonde tristesse. De la grisaille partout, dans les regards, dans le ciel d'automne. Les larmes qui jaillissaient une après l'autre de ses yeux noirs, Calvillo ressemblait plus à un garçon qu'à un quart étoile. Que pouvait-on bien dire à un homme qui venait d'apprendre que sa jeune épouse était atteinte d'un cancer, alors qu'elle avait accouché du deuxième enfant du couple deux semaines plus tôt?

La saison burlesque que connaissait les Alouettes devenait encore plus triviale.

Force et courage

«Elle doit passer des tests sanguins à tous les deux mois, et à chaque fois, ça me met les nerfs en boule», raconte Calvillo. Vous aurez compris qu'Alexia Calvillo va mieux. Elle a terminé ses traitements de chimiothérapie et de radiothérapie et les médecins sont satisfaits de ce qu'ils observent. On se croise les doigts.

Les choses sont lentement revenues à la normale, mais Anthony Calvillo, lui, n'est plus tout à fait le même homme que celui qui a quitté l'équipe l'année dernière afin d'être au chevet de sa femme et de s'occuper de leurs deux jeunes enfants. Ce n'est pas tomber dans la facilité, pas plus que ça ne sert à embellir cette histoire : Calvillo est un homme changé. On le serait à moins, mais il le semble profondément.

«Je ne vois plus les choses du même oeil. J'apprécie et chéris chaque petit moment, chaque match, ce qui n'était pas le cas avant», a candidement avoué le meneur des Alouettes, plus tôt cette semaine.

Calvillo n'a jamais joué avec autant de passion, d'assurance et de détermination. Il y a un déclic qui s'est produit. Le discours de Calvillo après qu'il eut été nommé le joueur par excellence de la ligue, jeudi soir, était aussi révélateur que touchant.

«Enfin, j'aimerais remercier la personne la plus importante, celle qui m'a montré ce qu'était le courage et la force. Je remercie Dieu de nous permettre de pouvoir passer plus de temps sur cette terre», a conclu Calvillo, les yeux humides, mais cette fois pour une tout autre raison.

Calvillo a parlé de retraite cette semaine. «Une année à la fois», répète-t-il depuis plus d'un an. Mais Calvillo n'a jamais subi de blessure grave, semble dans la meilleure condition physique de sa carrière, et il a une grande complicité avec Marc Trestman. Il pourrait jouer trois autres saisons s'il l'entendait.

Et ceux qui pensent que c'est impossible que Calvillo puisse dépasser Damon Allen pour le nombre de verges et tout le reste - il est deuxième dans presque toutes les catégories d'importance -, allez jeter un petit coup d'oeil sur ce qu'a accompli Trestman avec un Rich Gannon en fin de carrière à Oakland.

La consécration?

On est rendu là. Une victoire et une belle performance devant plus de 60 000 partisans ce soir, puis Calvillo prendra sa juste place aux côtés des grands quarts de l'histoire du football canadien. Si ça ne vient pas, les critiques referont surface dès que le dernier coup de sifflet sera fera entendre.

J'ai demandé à Calvillo si le match d'aujourd'hui définirait sa carrière lors d'un déjeuner officiel de l'équipe, jeudi.

«Oui, a-t-il répondu sans ambages. On a une fiche de 1-4 en finale et je sais ce que les gens penseront si je me retrouve avec une fiche de 1-5. Mais si on gagne dimanche, plus personne n'en parlera. Je comprends très bien la situation.»

On peut reprocher certaines choses à Calvillo, mais on ne pourra jamais dire qu'il se défile.