Luc Brodeur-Jourdain se sait privilégié dans la vie. Le joueur des Alouettes de Montréal se fait d'ailleurs un devoir de s'impliquer dans la communauté. Une façon pour lui de redonner au suivant. Ce jeudi, c'est lui qui a reçu: la Ligue canadienne de football lui a décerné le trophée Jake-Gaudaur.

«Je n'ai jamais fait quoi que ce soit dans ma carrière pour mériter un trophée comme le Jake-Gaudaur. J'ai juste fait ce que je croyais être bien, a révélé le natif de Saint-Hyacinthe à La Presse canadienne, quelques heures avant de toucher officiellement son trophée. De recevoir une reconnaissance comme celle-là, ce n'est pas une chose à laquelle j'avais pensée. (...) C'est une grande marque de reconnaissance pour ce que j'essaie de faire sur le terrain, mais aussi de la façon dont je suis impliqué dans ma communauté.»

Cet honneur est remis chaque année depuis 2010 à un joueur canadien de la LCF qui affiche le mieux les attributs dont les vétérans ont fait preuve en temps de guerre, de conflit et de paix, soit la force, la persévérance, le courage, la camaraderie et l'implication communautaire. Ce trophée porte le nom de Jake Gaudaur, le commissaire ayant servi le plus longtemps dans la LCF et un vétéran de la Seconde Guerre mondiale.

C'est la deuxième année d'affilée que les Alouettes désignent Brodeur-Jourdain pour être finaliste. Le vétéran centre est leur troisième porte-couleurs à mériter cet honneur, après Shea Emry (2013) et Jeff Perrett (2015).

Brodeur-Jourdain «redonne au suivant» depuis longtemps. Il se rappelle que ses parents l'ont toujours encouragé à s'impliquer au sein de la communauté. Mais c'est une rencontre faite au secondaire qui a été l'élément déclencheur chez lui.

«Nous avions reçu la visite d'un humoriste alors pas très connu, qui portait des boucles d'oreilles, qui avait encore un petit peu de cheveux et qui portait des pantalons de cuir: Martin Matte!, sa rappelle-t-il en riant. Il nous avait dit à quel point c'était important de se donner une chance et de foncer pour réaliser ses passions, mais en même temps de se prévoir un plan B. Le message m'avait frappé.»

Une fois son plan A confirmé, Brodeur-Jourdain n'a pas hésité.

«À partir du moment où je suis devenu joueur professionnel, je me suis impliqué. J'ai embarqué dans le programme «Ensemble à l'école', avec lequel j'ai pu visiter des écoles et rencontrer des jeunes, donner des conférences pas seulement sur mon cheminement professionnel, mais sur des leçons de vie que j'ai reçues. Je me dis toujours que si le message parvient à une personne et que dans 20 ans, elle se retrouve à peu près dans ma situation, alors c'est ça le privilège.

«C'est un privilège que nous avons d'être invités à visiter des institutions scolaires ou des hôpitaux. Quand tu visites un hôpital et que tu vois des jeunes qui ont tellement de courage en eux, tellement d'expérience de vie en si peu de temps, c'est marquant. (...) Ce n'est pas une obligation, mais pour moi, c'est un honneur, un privilège et une responsabilité sociale. En tant qu'individu, dans la société, on a deux choix à faire: soit on donne de notre temps, soit on donne de l'argent. J'essaie de faire les deux!»

Les honneurs comme le trophée Jake-Gaudaur sont la plupart du temps attribués à des joueurs plus près de la fin de leur carrière. Après 10 saisons dans la LCF, Brodeur-Jourdain sait très bien que c'est son cas.

«Ça m'a traversé l'esprit, a-t-il admis. Mais je suis bien à l'aise avec ça. Je suis loin de m'enfoncer la tête dans le sable: je sais très bien où j'en suis. J'ai 35 ans, si je dispute la saison 2018, ce sera probablement ma dernière. J'ai connu des joueurs qui ont joué jusqu'à 40 ans, mais c'était exceptionnel. Il ne me reste qu'une très petite fenêtre.»

Cet honneur fait en sorte que Brodeur-Jourdain se retrouve impliqué dans les festivités entourant la tenue du match de la Coupe Grey. Malgré toute la fierté ressentie, il aurait préféré s'y trouver en tant que joueur de l'un des deux clubs devant s'affronter.

C'est le cas de plusieurs de ses anciens coéquipiers, et même de son ex-entraîneur Marc Trestman et de son ex-D.G., Jim Popp. Ça ne le dérange pas trop, mais... «C'est simple: je souhaite le meilleur à mes anciens coéquipiers, entraîneurs et directeur général. Mais à mes yeux, ce sont tous des gens qui ne portent pas les bonnes couleurs!»