Le moins que l'on puisse dire, c'est que les Québécois pourront suivre à la trace leur compatriote Laurent Duvernay-Tardif la saison prochaine.

Ça commencera dès le 7 septembre, puisque les Chiefs de Kansas City auront l'honneur de participer au tout premier match de la saison 2017 de la NFL, contre les Patriots de la Nouvelle-Angleterre.

En octobre, on verra deux fois les Chiefs dans le match du lundi soir. Ajoutez à cela le match du dimanche soir lors de la cinquième semaine, et celui du jeudi soir deux semaines plus tard, en plus d'un samedi soir en fin de saison.

En tout, ce sont donc six matchs à heure de grande écoute (« prime-time ») que Duvernay-Tardif et les siens disputeront. Aucune autre équipe n'en disputera autant en 2017. Des matchs accessibles et suivis partout aux États-Unis, puisqu'aucun autre match n'est disputé en même temps. Bref, le genre de plage horaire souvent réservé aux Cowboys de Dallas ou aux Patriots...

« En tant qu'équipe qui vise le championnat, c'est ce que tu veux. Tu veux que les gens te reconnaissent en tant que bonne équipe. Pour être les meilleurs, tu dois battre les meilleurs », a dit Laurent Duvernay-Tardif, rencontré à l'Université McGill, hier.

C'est un peu la rançon de la gloire pour ces Chiefs, une équipe qui évolue certes dans un petit marché, mais qui a participé aux matchs éliminatoires trois fois au cours des quatre dernières années, tout en évoluant au sein de la division Ouest de la Conférence américaine, une des plus corsées de la NFL l'an dernier.

Le problème, c'est que les Chiefs n'ont jamais atteint la finale de conférence pendant cette période. En janvier dernier, leur saison a pris fin en finale de division, quand les Steelers de Pittsburgh l'ont emporté 18-16.

Début du camp

Duvernay-Tardif s'envole demain pour Kansas City, en vue du camp d'entraînement qui s'amorcera dès jeudi. Et cette défaite contre Pittsburgh lui a servi - et lui sert encore - de carburant pour la saison morte.

« Je vis mal avec ça, admet le futur médecin. Le football, tu ne joues pas un quatre de sept où tu peux te reprendre. C'est un match, 60 minutes, et tout se joue là. De perdre un match comme celui de l'an dernier contre les Steelers - ils n'ont pas marqué de touché et on perd par deux points -, ce sont des choses dures à avaler en tant qu'équipe et du point de vue personnel. Mais c'est aussi ce qui te motive. Tu reviens à Montréal, il fait froid, tu travailles à l'hôpital. C'est ce qui te motive à aller t'entraîner à 20 h 30 le soir au lieu d'aller te coucher. »

Nouvelle vedette

La position de joueur de ligne offensive est probablement une des plus anonymes du sport professionnel. Ces joueurs ne cumulent aucune statistique sur les sites de référence autre que le nombre de matchs auxquels ils participent.

Cela dit, dans cet univers parallèle, Duvernay-Tardif est en voie d'acquérir une relative notoriété après trois saisons, dont deux comme partant. En février, l'ancien des Redmen de McGill a signé un contrat de cinq ans d'une valeur de plus de 40 millions de dollars, ce qui fait de lui un des gardes les mieux payés de la NFL. Même si le contrat entre seulement en vigueur en 2018, il vient avec une certaine pression, et le jeune homme de 26 ans est en fort conscient.

« Mon jeu doit être à la hauteur de ma rémunération. Ça fait aussi en sorte que la constance est le nouveau mot d'ordre. Avant, réussir 9 jeux sur 10 était bon. Maintenant, c'est 9,5 sur 10. »

Il y a eu ce contrat, puis un article paru sur le site The Players Tribune, dans lequel il raconte son parcours vers la NFL. Les Québécois sont très rares sur ce site fondé par l'ancien des Yankees Derek Jeter. Mais en tant qu'étudiant en médecine qui deviendra officiellement médecin en 2018, Duvernay-Tardif pique assurément la curiosité des amateurs de sport.

« C'est comme pour le contrat : plus tu as de la visibilité, plus ça vient avec des responsabilités, estime le gentil géant. Faire une percée dans les médias américains, c'est difficile, parce que la position de joueur de ligne offensive n'est pas très prestigieuse. Mais quand l'aspect de la médecine vient avec, ça donne quelque chose de plus prestigieux. De plus en plus, les médias américains apprécient ça. C'est le fun, tu essaies de créer ton brand dans les médias. C'est important de le faire, parce que la NFL te donne un tremplin, une tribune pour parler de ce que tu crois important. Donc je peux parler de ma fondation, de mon parcours, de la promotion des saines habitudes de vie. »

Pendant son plus récent stage en médecine, il a même été suivi par des caméras de NFL Network et de CBS Sports.

Un talent exceptionnel, un bagage qui l'est tout autant, une équipe bien en vue et un charisme certain en entrevue : Duvernay-Tardif a tous les outils pour sortir de l'anonymat auquel sa position le destinait.

Médecin en 2018 ?

Laurent Duvernay-Tardif rencontrait les médias québécois, hier, pour la dernière fois avant son départ vers Kansas City. Il vient de conclure la dernière rotation clinique de sa formation et devrait officiellement devenir médecin l'an prochain, avec quelques années de retard sur ses anciens camarades de classe, bien sûr. « Le plus dur, c'est de revenir à McGill, de voir des résidents de troisième année avec qui j'ai commencé mes études. Je devrais être avec eux. Le décalage d'une année est difficile, mais en même temps, je pense que j'ai une bonne excuse ! J'ai hâte de graduer, je m'étais promis de le faire. Je me rends compte que je suis proche, et j'ai terminé mon dernier shift à l'hôpital en tant qu'étudiant. La prochaine fois que je vais entrer dans un hôpital, ce sera en tant que médecin. »

Le vulgarisateur

Les joueurs des Chiefs sont maintenant bien au fait du parcours de Duvernay-Tardif. Il est évidemment tentant pour eux de solliciter leur coéquipier pour des diagnostics. Mais le Québécois refuse de se substituer aux médecins de l'équipe. « Mon travail, c'est de jouer au football, rappelle-t-il. Avant de faire des diagnostics, mon rôle est de vulgariser, d'expliquer au joueur ce que telle blessure aura comme conséquences sur sa mobilité, sa biomécanique. »