La politique antidopage de la Ligue canadienne de football (LCF) manque cruellement de sévérité, dénonce la Dre Christiane Ayotte. Son indignation est telle qu'elle refuse de procéder aux tests de dépistage chez les joueurs du circuit puisque les éventuels fautifs ne s'exposent à aucune sanction immédiate.

La directrice du laboratoire de contrôle du dopage du Centre INRS-Institut Armand-Frappier, seul laboratoire antidopage permanent au Canada approuvé par l'Agence mondiale antidopage, a tiré à boulets rouges sur le programme de la LCF à l'antenne de la radio de la CBC plus tôt cette semaine, avant de réitérer ses doléances en entrevue avec La Presse jeudi.

«Je ne suis pas intéressée à donner de la crédibilité à un programme basé sur l'éducation seulement», laisse-t-elle tomber.

Selon elle, le programme de la Ligue «n'a pas de dents». Elle déplore également l'attitude du circuit qui, à son avis, donne l'impression de «posséder la vérité» en laissant entendre que sa politique en matière de dopage est supérieure à celle de toutes les autres ligues professionnelles.

Adoptée en 2010, la politique antidopage de la LCF ne prévoit aucune pénalité pour un joueur pris en défaut une première fois afin de lui permettre de profiter de programmes d'aide et d'évaluation personnelle. Il sera suspendu pour trois matchs dans le cas d'une deuxième offense et pour un an lors d'une troisième. Si le même joueur est fautif une quatrième fois, il sera banni à vie de la ligue.

«Le public ne sait pas combien de joueurs ont été testés, et on ne connaît pas les résultats. Il n'y a pas de gestion indépendante [du programme], et personne n'est au courant», décrit la Dre Ayotte.

La goutte qui a fait déborder le vase, à ses yeux, est venue lorsque trois des cinq joueurs universitaires qui avaient été contrôlés positifs pour des stéroïdes anabolisants lors du dernier camp d'évaluation de la LCF, au mois de mars, ont malgré tout été repêchés.

Les cinq athlètes - quatre de l'Université Saint Mary's à Halifax et l'autre de l'Université Laval - avaient tous été expulsés du football universitaire au préalable pour une période de quatre ans.

«Le message est clair: tu peux te doper et tu vas atteindre les plus hauts sommets», regrette-t-elle.

L'éducation d'abord

Dans un communiqué envoyé en soirée mercredi, le commissaire de la LCF, Jeffrey Orridge, et le président de l'Association des joueurs, Scott Flory, ont défendu cette réglementation en notant qu'«il s'agit d'une politique conjointe qui fonctionne pour notre ligue» et que «sa structure met l'accent sur l'éducation, la prévention et la réhabilitation».

«Nous croyons que le programme fonctionne: alors que nous amorçons notre cinquième saison sous l'égide de cette politique, aucun joueur n'a été suspendu, puisqu'aucun joueur n'a été pris en défaut une deuxième fois», ont-ils ajouté, tout en précisant avoir des discussions afin de trouver des façons de l'améliorer.

Lorsqu'on lui fait part de cet argument de la Ligue et des joueurs, la Dre Ayotte ne tarde pas à le descendre en flammes.

«Pensez-vous qu'on aurait réussi à réduire les comportements d'alcool au volant si on avait misé uniquement sur l'éducation? demande-t-elle. C'est la même chose avec la cigarette. Il a fallu rendre ça inacceptable socialement.»

«Le plan fonctionne»

Invité à commenter la question, le président des Alouettes, Mark Weightman, a préféré jouer de prudence. Rappelant que le programme a été élaboré en partenariat entre la Ligue et l'Association des joueurs, il dit le considérer efficace et adapté à la réalité du circuit.

«Quelqu'un peut critiquer en disant que les sanctions ne sont pas sévères, mais on voit que le plan fonctionne. Il est fait pour la LCF et pour les joueurs», résume-t-il.

Weightman reconnaît néanmoins que certains éléments de la politique antidopage du circuit pourraient être améliorés, notamment pour éviter que des situations comme celle impliquant les joueurs universitaires mentionnés plus haut se reproduisent.

«C'est un peu problématique si on crée une perception selon laquelle la politique n'est pas appliquée à tous les niveaux. Cependant, il faut comprendre que la politique s'étend aux gens qui sont dans la ligue au moment où l'infraction est commise», observe-t-il.

«L'important est de créer un environnement où la santé et la sécurité des joueurs prennent le dessus sur les décisions que nous prenons afin de placer tout le monde sur un pied d'égalité», conclut le président des Alouettes.