La question était simple, mais on espérait une grande réponse de Peyton Manning. Quelque chose d'à la fois épique et poétique. Sauf que non, ce n'est pas ce qui est arrivé quand on lui a demandé d'évoquer son premier face à face avec Tom Brady.

«Je ne sais pas, je ne suis plus certain. Ça fait tellement longtemps, et je ne suis pas sûr de ce que cela ait à voir avec ce match-ci...»

Fin de la réponse. Merci, bonsoir.

On peut présumer que Peyton Manning est un peu tanné d'avoir à parler de Tom Brady. Malgré la saison record qu'il vient de s'offrir, malgré sa bague du Super Bowl et ses exploits hors du commun, Manning sera toujours comparé à Brady, son grand rival. Les deux hommes sont comme Richard et Howe, Ali et Frazier, Gretzky et Lemieux: inséparables dans leur immensité.

Manning en est conscient. Mais cette semaine, alors qu'il se préparait en vue de l'important match de dimanche, la finale de la Conférence américaine entre ses Broncos de Denver et les Patriots de la Nouvelle-Angleterre, Manning n'avait pas vraiment envie de jaser de l'autre gars. De ce Brady un peu trop parfait, qui l'accompagne depuis très longtemps sur la route qui mène au Temple de la renommée.

«Tom Brady est incroyablement compétitif, a ajouté Manning. Il a été à son mieux lors des matchs importants. Mais je ne suis pas celui qui dresse des listes sur les grands quarts de l'histoire. [...] Je sais que ces listes sont importantes pour beaucoup de gens, mais je crois avoir déjà dit tout le bien que je pense de Tom.»

Traduction: Peyton Manning aimerait qu'on passe à un autre appel, si possible.

Dans ce choc des titans, c'est le quart des Broncos qui semble faire figure de deuxième. Sa fiche contre Brady en séries est bien connue (une victoire contre deux défaites), et Manning, rappelons-le, est le deuxième quart du football américain dans la catégorie des passes complétées, des tentatives de passes et des gains par la passe en séries.

Deuxième... derrière vous savez qui.

«Les deux ont réussi tellement de choses dans cette ligue, a tenu à dire John Fox, l'entraîneur des Broncos. Mais tout ça n'est que du vent quand on arrive à un match aussi gros que celui-ci, et ils le savent.»

Dernier chapitre?

Que du vent? Disons qu'il s'agit d'un vent qui souffle fort. Parce qu'ici à Denver, on s'attend à ce que ce soit gros. Très gros. La direction des Broncos a confirmé que plus de 1400 journalistes de la presse écrite vont s'entasser sur la tribune dimanche, sans compter les gens de la radio et de la télé.

À la télé, justement, on prévoit des chiffres spectaculaires; en novembre, un match de saison régulière entre les deux clubs a attiré 26,5 millions de téléspectateurs sur les ondes de NBC.

Il y a aussi qu'on a l'impression d'arriver à la fin d'un grand récit. Les deux hommes, peut-on présumer, n'en ont plus pour bien longtemps. Brady a 36 ans, Manning a 37 ans. Le choc de dimanche pourrait être le dernier entre ces deux légendes du ballon ovale.

Mais cela ne semble pas trop émouvoir ce bon vieux John Fox, qui a passé la semaine à tenter de nous faire croire que la rencontre de dimanche n'est pas plus spéciale qu'une autre. D'ailleurs, le vestiaire des Broncos était étonnamment tranquille au cours des derniers jours. Pas de grande déclaration, pas de phrases spectaculaires au tableau.

Tout ce qu'il y avait, c'était un genre de silence froid, avec des murmures en filigrane. Sans oublier ces télés qui repassaient en boucle les différentes formations des Patriots.

«Nous abordons ce match comme rien qu'un autre match, a insisté l'entraîneur Fox. Le terrain sur lequel nous allons jouer ne sera pas différent. Il ne sera pas plus grand ou plus petit...»

S'il faut se fier aux matchs du passé entre Tom Brady et Peyton Manning, ce match ne sera pas qu'un autre match. Ce match sera mémorable. Comme il se doit.

Le match de dimanche sera le quatrième affrontement en séries entre les deux quarts légendaires. Face aux Patriots de Tom Brady, Peyton Manning a une fiche de 1-2 en séries, les trois rencontres ayant été disputées alors qu'il était le quart des Colts d'Indianapolis. Retour en arrière.

Brady et Manning en séries

Janvier 2004

Finale de la Conférence américaine : Patriots 24, Colts 14

Un match plutôt horrible pour Manning, qui a conclu la journée avec une seule passe de touché... contre quatre interceptions. Ty Law, demi de coin des Patriots, a intercepté trois passes de Manning à lui seul.

Janvier 2005

Finale de division : Patriots 20, Colts 3

L'attaque des Colts, qui marquait en moyenne 32,6 points par match cette saison-là, a dû se contenter d'un petit placement. Manning et ses rapides receveurs ont été incapables de trouver leur rythme dans le vent et la neige de Foxboro.

Janvier 2007

Finale de la Conférence américaine : Colts 38, Patriots 34

Enfin, Manning gagne le «gros» match et mène son club au Super Bowl, après que les Patriots eurent pris une avance de 21-6 à la mi-temps. Le quart des Colts obtient 349 verges de gains par la passe. L'image que l'on retiendra de ce match n'est toutefois pas celle de Manning, mais bien du receveur des Pats, Reche Caldwell, les yeux gros comme des pièces de 2$, qui échappe une passe cruciale à la fin.

Des fleurs de Foxboro

Pendant ce temps, à Foxboro, Tom Brady n'a pas hésité à lancer quelques fleurs à son rival cette semaine. «Il est un grand joueur, ils ont une grande équipe et l'une des meilleures attaques de l'histoire de cette ligue, a dit Brady. Ce que ça veut dire pour nous, c'est que nous ferions mieux d'être prêts à marquer des points, parce que c'est ce qu'ils font de mieux.»

Bill Belichick, l'entraîneur des Patriots, a une fiche de 11-6 contre les clubs de Peyton Manning depuis son arrivée à la tête des Patriots, en 2000. «Il est le meilleur entraîneur que j'ai eu à affronter, a admis Manning. Je crois qu'on peut dire qu'il sera éventuellement reconnu comme le meilleur entraîneur de tous les temps.»

Rappelons que les Broncos vont devoir affronter les Patriots sans l'aide de deux joueurs d'importance en défense, le secondeur Von Miller et le demi de coin Chris Harris, tous deux blessés.

Au fait, ce Bill Belichick est un type souvent irascible, mais il est parfois capable de grands moments d'humour involontaire. Ainsi, le Boston Globe nous a appris que coach-sourire a mis ses joueurs en garde quant aux boutiques spécialisées du Colorado, qui offrent dorénavant de la marijuana en vente libre. Ça ne s'invente pas. «Nous connaissons tous la réglementation de la NFL à ce sujet», s'est contenté de répondre Belichick à Foxboro.