Selon le réseau ESPN, les Colts d'Indianapolis ont tranché : ils annonceront mercredi qu'ils libèreront Peyton Manning en refusant de lui verser le bonus de 28 millions qu'il devait recevoir au cours des prochains jours.

Le propriétaire Jim Irsay et Manning participeront conjointement à une conférence de presse à Indianapolis afin de confirmer leur divorce. En excluant la dernière, qu'il a ratée en raison de sa blessure au cou, Manning aura disputé 13 saisons avec les Colts.

On n'apprécie pas ce qu'on possède jusqu'à ce qu'on le perde. Vous excuserez le simplisme, mais l'expression résume parfaitement ce qui s'est déroulé avec Manning au cours des six derniers mois. En raison de sa blessure, qui a nécessité plusieurs interventions chirurgicales, on ne sait toujours pas avec certitude si Manning foulera à nouveau un terrain de la NFL un jour. Espérons-le.

Il y a un peu plus d'un mois, l'acteur Rob Lowe, un ami d'Irsay, a soutenu dans un tweet controversé que la carrière de Manning était bel et bien terminée. Heureusement pour la NFL et ses millions de fidèles, il est de plus en plus clair que Lowe parlait à travers son chapeau.

À la lumière des informations qui ont émané du campus de l'Université Duke, où s'entraîne régulièrement Manning, la carrière du numéro 18 n'est probablement pas finie. La puissance de ses passes se serait améliorée de façon considérable dernièrement.

Mais sa carrière avec les Colts, elle, est sur le point de prendre fin. Compte tenu de son état de santé, il aurait été extrêmement étonnant qu'Irsay accepte de débourser une fortune à Manning, d'autant plus qu'il est acquis que les Colts repêcheront Andrew Luck ou Robert Griffin III avec la première sélection du repêchage d'avril prochain.

N'empêche que les Colts ont douloureusement constaté la valeur de Manning, en 2011. Plutôt que d'aspirer à disputer le Super Bowl devant leurs partisans au stade Lucas Oil, ils ont perdu leurs 13 premiers matchs. Ça ne les empêchera pas pour autant de tourner la page.

Steve Young a attendu son tour derrière Joe Montana chez les 49ers de San Francisco, et Aaron Rodgers est resté sur le banc lors des trois dernières saisons de Brett Favre avec les Packers de Green Bay. Alors pourquoi n'aurait-il pas pu en être ainsi avec Manning et Luck ou Griffin ? Parce que les Colts choisiront fort probablement Luck, et que l'ancien porte-couleur de l'Université Stanford est prêt à être lancé dans la mêlée comme peu de jeunes quarts l'auront été dans l'histoire. Ironiquement, le dernier était peut-être Manning.

L'équipe sur ses épaules

Bien sûr, le risque de laisser partir une légende comme Manning est immense. Irsay et ses lieutenants risquent d'ailleurs d'être pris de vertige en confirmant leur décision. Si les Colts ont repris leur place au sein de l'élite du football américain, c'est entièrement grâce à Manning. Avec ce que l'on a vu l'automne dernier, il n'y a plus le moindre doute.

Les statistiques du quart parlent d'elles-mêmes : 64.9% de passes réussies; 54 828 verges; deux fois plus de touchés que d'interceptions (399 contre 198); coefficient d'efficacité de 94.9. Or, c'est la fiche des Colts qui est la plus révélatrice. Depuis 1978, leur dossier sans Manning est de 116-211-1 (95 matchs sous la barre des .500). Avec lui, elle est de 141-67 (74 matchs au dessus de .500) - et ça tient compte de sa saison recrue de 3-13, en 1998.

Apprécions le spectacle

Il n'y a pas seulement les Colts et les amateurs qui se sont ennuyés de Manning, la saison dernière. La ligue, aussi.

Son frère Eli a atteint un autre niveau en connaissant la meilleure de ses huit campagnes; Drew Brees vient de battre le record de Dan Marino pour le total de verges en une saison; Tom Brady possède trois bagues du Super Bowl; et Aaron Rodgers trône maintenant au sommet de la hiérarchie des quarts. Mais le visage de la NFL, c'est Peyton. C'est lui qui nous fait rire dans des publicités. C'est lui qui anime Saturday Night Live.

À moins que les médecins lui interdissent, Manning aime trop son sport pour ne pas à tout le moins tenter un retour à la compétition. Et s'il revient au jeu, souhaitons qu'il soit apprécié à sa juste valeur. Souhaitons qu'il soit un peu moins question de sa fiche en séries et que les éternelles comparaisons avec le beau Tom cessent pour un temps.

Si on a la chance de le revoir à l'oeuvre, faudra plutôt savourer la façon dont il mène son attaque sans caucus, avec toutes ces simagrées qui le caractérisent. Faudra apprécier la façon dont il dépèce des défenses toujours en retard d'une seconde ou deux. Bref, faudra admirer le brio du surdoué qu'il est.