Samedi dernier, les Carabins de l'Université de Montréal ont causé la surprise en infligeant au puissant Rouge et Or de l'Université Laval sa première défaite de la saison, par le pointage de 17-12. Ce résultat inattendu, qui rachète en partie la saison en dents de scie des Bleus, n'était toutefois pas le fruit du hasard. Pour l'entraîneur Danny Maciocia et ses joueurs, il s'agissait plutôt du point culminant d'une longue semaine de préparatifs, dont La Presse a été le témoin privilégié.

Au détour d'une discussion sur Jon Gruden, ancien instructeur de la NFL devenu analyste pour ESPN, Danny Maciocia résume son rapport avec le métier d'entraîneur. «C'est une sensation forte d'être au coeur de l'action. C'est comme une drogue.»

Toxicomane du football depuis la fin des années 80, l'actuel entraîneur des Carabins de l'Université de Montréal a rapidement compris que la meilleure méthode pour remporter des championnats se trouvait dans l'étude des détails. Et que la connaissance approfondie de ses troupes et de ses adversaires comportait obligatoirement son lot de sacrifices.

Durant la saison de football universitaire, d'août à novembre, les journées de répit ne sont pas nombreuses. Pour un match disputé le samedi, Maciocia se met ainsi à la tâche dès le dimanche précédent en revoyant le match de la veille. Le lundi sert ensuite à préparer l'information qui sera livrée aux joueurs au cours d'une semaine d'entraînement qui atteint son pic entre le mardi et le jeudi.

Alors que le CEPSUM est encore enveloppé dans la brume d'un mardi matin d'automne, Maciocia a rendez-vous avec son meilleur compagnon. Un ami nommé DVSport, le logiciel qui lui permet d'accéder à une quantité astronomique de séquences vidéos en fonction de différents critères: formation, gains, pertes...

Dans la perspective du second match de la saison face au Rouge et or de l'Université Laval, il s'appuie sur les vidéos du duel précédent, le 10 septembre. À l'aide d'une télécommande, il revoit inlassablement la moindre remise, le moindre bloc. Jusqu'à échapper quelques jurons au moment d'étudier l'interception qui a conduit au premier touché de Laval.

À 9h, cette solitude matinale se brise avec une réunion avec le coordonnateur offensif, Marco Iadeluca. L'action se transporte de la télévision au tableau blanc sur lequel sont dessinées, depuis la veille, de nouvelles formations.

Pendant plus de deux heures et demie, les deux hommes discutent de leur pertinence et anticipent les ajustements probables de Laval sur chaque jeu. L'ancien membre des Eskimos d'Edmonton n'y va pas par quatre chemins. Il cherche «des gros jeux et pas seulement des gains de 5 ou 6 verges.» Un peu plus tard, il rappellera la nécessité de «créer du doute au sein de leur défense en montrant des choses qu'ils n'ont jamais vues.»

Malgré quelques interruptions, la discussion accouchera finalement de quatre nouvelles formations et d'une dizaine de nouveaux jeux qui pourront être combinés. L'un d'eux, un jeu truqué, a d'ailleurs remis les Carabins dans le sens de la marche lors du match face à Laval. En fin de troisième quart, le quart-arrière Alexandre Nadeau-Piuze a remis le ballon au receveur Philip Enchill qui a ensuite repéré François Leclerc sur 52 verges. Un placement égalisateur de 21 verges a suivi.

«Rester debout»

En début d'après-midi, les joueurs commencent à arriver dans la salle de visionnement située au bout d'un couloir bordé, à gauche, des bureaux des entraîneurs et, à droite, d'une vitrine où sont exposés des trophées individuels. Le ton, bon enfant jusque là, change radicalement sur les coups de 16h30.

Dans les entrailles du CEPSUM, Maciocia et ses adjoints retrouvent la soixantaine de joueurs, réunis dans une énorme salle de classe. L'entraîneur donne rapidement le ton de la semaine en qualifiant le choc contre Laval de «match pour hommes» et de «bon défi» et en exhortant ses joueurs à «rester debout» et à les «frapper comme jamais ils ne l'ont été.» Pour illustrer cet esprit de corps, il annonce, le lendemain, que la présentation individuelle des joueurs avant le match sera remplacée par une entrée collective. Ils acquiescent.

Après un discours qui, comme d'habitude, ne dépasse pas cinq minutes, l'équipe se scinde. Tandis que la défense travaille en compagnie du coordonnateur, Denis Touchette, les membres de l'attaque rejoignent les cinq quarts-arrière dans la salle de visionnement, au quatrième étage.

Sur un tableau blanc, Maciocia présente les différents jeux et formations imaginés plus tôt dans la journée. Loin d'être un cours magistral, la rencontre de 45 minutes est le théâtre d'un réel échange avec les joueurs. Le mercredi, les têtes se tournent davantage vers l'écran sur lequel sont diffusées les séquences choisies de Laval et du dernier entraînement des Carabins.

«On divise leur semaine en leur donnant chaque jour une portion du travail, explique l'entraîneur de 44 ans. On s'entraîne, on fait les corrections et on ajoute des choses. On fait ensuite un résumé le vendredi (walk-through) et on passe à l'action, samedi.»

Trente minutes après cette rencontre, les joueurs se retrouvent sur le terrain munis de leurs casques et de leurs épaulettes pour passer de la théorie à la pratique. Avec au menu, des étirements, du travail spécifique par secteur de jeu, des retours de bottés et bien sûr des simulations à la ligne de mêlée.

En plus des nouveaux jeux, les Bleus répètent alors leurs gammes habituelles: des situations de premier essai et dix verges à franchir, puis finalement de deuxième essai et long. Le contenu des séances évolue légèrement au fil de la semaine. Le mercredi et le jeudi, Maciocia met aussi l'accent sur les situations de court gain à obtenir lors de deuxième essai.

Sous un froid annonciateur de la fin de saison, l'entraînement s'achève autour de 20h30. Rituel immuable, Maciocia réunit ses joueurs dans la zone de buts pour un dernier discours de la journée. Il leur demande de rester concentrés sur la tâche à accomplir à quatre matchs de la fin du calendrier régulier et à quelques jours d'accueillir Laval.

Casquette sur la tête, l'entraîneur regagne alors son bureau qui donne directement sur le stade du CEPSUM. Demain est un autre jour. Pas tant que ça en fait, simplement un autre jour à tenter de régler une multitude de petits détails. Au nom d'une passion et de la victoire...