«Un des documents les plus importants de l'histoire des droits civiques.» «N'eût été le Canada français, le mouvement des droits civiques n'aurait peut-être jamais vu le jour.»

Chacun sera libre de trancher s'il y a eu enflure verbale hier à l'hôtel de ville de Montréal, à l'occasion de la tournée d'un collectionneur qui vient d'acquérir ce qui serait le dernier exemplaire des contrats de Jackie Robinson avec les Royaux de Montréal et les Dodgers de Brooklyn.

Ce collectionneur, c'est Mykalai Kontilai, à la tête de Collectors Cafe, qu'il décrit comme un réseau de collectionneurs. Selon Seth Kaller, expert des documents historiques, les contrats de Jackie Robinson vaudraient 36 millions de dollars.

C'est donc véritablement un cadeau du ciel qui est parvenu à Kontilai quand son entreprise a acquis ces deux documents, que les Montréalais pourront voir à l'hôtel de ville aujourd'hui, de 8h à 19h.

«J'ai reçu un appel d'un associé qui m'a dit: "Tu ne me croiras jamais. Un des documents les plus importants de l'histoire des droits civiques vient de réapparaître." Mais on l'a reçu, on a mené de longues et rigoureuses recherches pendant près d'un an, et nous les avons acquis», a raconté Kontilai.

«Je ne peux pas dévoiler le montant exact, car j'ai une entente de non-divulgation avec le vendeur. Mais c'est dans les millions de dollars, et ils valent bien plus que ce que j'ai payé. À mes yeux, ils n'ont pas de prix.»

«Ce que l'on sait assurément, c'est qu'ils ont été acquis, peu après leur signature, par un historien de Brooklyn. On a une déclaration sous serment de sa famille qui confirme qu'il les a acquis. Il a décidé - c'était une erreur - de ranger les documents et de ne pas en parler à qui que ce soit. N'oublions pas que lorsque Jackie a signé ça, il était un paria, il subissait beaucoup de racisme. On ne se doutait jamais qu'il deviendrait un visage des droits civiques. Maintenant qu'on les a acquis, on souhaite les montrer au monde, pour souligner l'apport de Jackie Robinson.»

Kontilai a donc amorcé une tournée nord-américaine avec ces documents, en attendant de trouver un acheteur. Car ils ont beau n'avoir «pas de prix», il entend tout de même saisir sa chance.

«J'ai été très clair: ces contrats ne sont pas à vendre à n'importe qui. Ça doit être une entreprise, une fondation ou un lieu spécial du gouvernement où les gens pourront les voir gratuitement, pour toujours. Je suis sûr que le Temple de la renommée, le Smithsonian Institute ou un musée du Canada va nous contacter pour les acheter. Mais ils ne sont pas donnés, ils nous appartiennent, et d'ici là, on va continuer notre tournée.»



Photo André Pichette, La Presse

Les contrats originaux signés par Jackie Robinson avec les Royaux de Montréal et les Dodgers de Brooklyn sont en exposition à l'hôtel de ville aujourd’hui, de 8 h à 19 h.

Souvenirs de Claude Raymond...

Les années passent, et les contemporains de Jackie Robinson sont de plus en plus rares. Ceux qui ont connu les États-Unis d'avant le Civil Rights Act de 1964 aussi. Mais hier, il y en avait deux qui ont bien connu le premier Noir à avoir joué dans le baseball majeur et son époque.

Claude Raymond avait 25 ans la première fois qu'il a rencontré le célèbre numéro 42. Son équipe, les Braves de Milwaukee, participait au traditionnel match du Temple de la renommée, à Cooperstown. Et c'était en 1962, année de l'intronisation de Robinson.

«J'étais le dernier à embarquer dans l'autobus qui nous ramenait à l'hôtel. Le siège en avant était réservé au gérant, tu n'avais pas le droit de t'asseoir là, a raconté M. Raymond. Mais comme j'étais le dernier, j'en ai profité, je me suis assis là, et quand je me suis retourné, Jackie était assis à ma gauche avec son épouse Rachel!»

«Je lui ai donné la main. Il me connaissait parce que c'était un amateur de baseball, il savait que je venais de Montréal, et tout de suite, il s'est mis à parler de Montréal.»

Claude Raymond a beau avoir joué après le passage de Jackie Robinson, il a tout de même connu le sport à une époque où la discrimination raciale sautait aux yeux.

«Quand on s'arrêtait pour manger, les Noirs de l'équipe restaient dans l'autobus et nous demandaient de leur rapporter un hamburger ou un hot-dog. J'ai connu cette époque. On allait à Houston en 1962, 1963. Il fallait déposer Hank Aaron à l'extérieur de la ville quand on allait au Rice Hotel. En tant que Canadien français qui avait vu Jackie faire sa place, ça me faisait beaucoup de peine.»

... et de Larry King

Larry King, lui, était sur place hier en sa qualité d'ambassadeur du Collectors Cafe. Il s'est décrit comme un grand amateur des Dodgers de Brooklyn, lui qui a grandi dans cet arrondissement de New York. «J'ai assisté à son premier match avec les Dodgers, j'avais 13 ans», se remémore King, en entrevue à La Presse.

Comme Claude Raymond, il a lui aussi connu l'époque où la ségrégation aux États-Unis se lisait jusque dans la signalétique.

«Quand je suis arrivé à Miami en 1957 pour mon premier emploi en journalisme, la première chose que j'ai vue en descendant de l'autobus, c'était une fontaine qui était annoncée pour Noirs seulement. J'ai tout de même bu dans la fontaine. Là où j'avais grandi, à Brooklyn, il n'y avait pas de préjugés.»

«Jackie a vécu de durs moments, notamment contre les Phillies et Ben Chapman, qui lui criaient des insultes racistes. Des gars comme Stan Musial et Hank Greenberg se sont tenus debout pour lui. Mais il est le grand responsable de ce qu'il a accompli. Il avait connu une très bonne saison à Montréal et avait aidé les Royaux à gagner la Petite Série mondiale. Ses coéquipiers l'avaient même porté en triomphe.»

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Photo André Pichette, La Presse

Mykalai Kontilai (deuxième à droite), propriétaire des contrats originaux signés par Jackie Robinson, entouré du célèbre Larry King, ambassadeur de Collectors Cafe, du maire de Montréal Denis Coderre et de l’ancien Expo Claude Raymond

Coderre en prospection

Un événement de baseball qui a lieu à l'hôtel de ville, c'est évidemment le prétexte parfait pour parler de l'avenir des Expos à Montréal. «Les Expos reviendront à Montréal», a d'ailleurs lancé Larry King à la foule, déclenchant des applaudissements. Visiblement, il savait sur quels boutons appuyer...

Le maire de Montréal, Denis Coderre, a évidemment été questionné sur l'avancement du dossier. «On sait qu'il faut attendre la fin de la convention collective du baseball majeur [qui expire en décembre]. M. Manfred [commissaire du baseball majeur] est tellement généreux pour le baseball et pour Montréal. On continue. Je suis en train de planifier la question de l'infrastructure. On travaille sur trois, quatre emplacements. S'il y a un stade, c'est parce qu'il y aura de l'accessibilité au niveau du transport. C'est important, c'est un sport familial, les gens doivent y avoir accès.»

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Larry King, amateur de hockey

Quand Larry King s'est entretenu avec La Presse, il a tenu à démontrer qu'il connaissait aussi son hockey. «J'étais dans le même avion que Mike Bossy pour venir à Montréal, a-t-il lancé d'entrée de jeu. J'ai toujours été un partisan des Capitals de Washington, et lui et les Islanders nous ont vraiment fait suer dans les années 80!» Pour la petite histoire, les Islanders ont effectivement éliminé les Capitals en 1983, 1984, 1985 et 1987...

Cela dit, King s'est aussi dit encouragé par la tenue des Capitals cette saison. «Alexander Ovechkin est le meilleur joueur de la ligue, a-t-il affirmé. C'est vraiment dommage que les Capitals n'aient pas gagné, mais les Penguins ont connu toute une fin de saison.»