Le Projet Baseball Montréal de Warren Cromartie en fait sourire plus d'un. Plusieurs doutent encore que le retour du baseball majeur à Montréal soit possible. Si certains appuient l'ex-voltigeur des Expos sans réserve, d'autres le regardent sourire en coin, un peu comme s'ils avaient devant eux un illuminé.

L'homme de 60 ans - il a fêté son anniversaire le 29 septembre dernier - n'a pourtant rien d'un illuminé. Ce projet, il y croit plus que jamais. Pour lui, ce n'est rien de moins que le projet de sa vie, a-t-il récemment déclaré lors d'un passage à Montréal.

«C'est ma destinée. Je me lève le matin en y pensant et je me couche le soir en y pensant, a confirmé celui qui a porté l'uniforme des Expos pendant un peu plus de sept saisons, entre 1974 et 1983, dans un entretien accordé à La Presse Canadienne. C'est le bon moment pour mettre en marche ce projet. Il y a deux ans, ça aurait été impensable.»

Aux yeux de Cromartie, plus que la situation économique de Montréal et la force de la devise canadienne, c'est le décès de Gary Carter, le 16 février 2012, qui aura changé la donne.

«Malheureusement, c'est au décès du ''Kid'', il y a un peu plus d'un an, que les Montréalais ont vraiment réalisé ce qu'ils avaient et ce qu'ils ont perdu. Je pense qu'ils ont été un peu gênés de voir qu'ils ne pouvaient pas rendre hommage comme il se doit à Gary, alors que les Mets (de New York, où Carter a aussi évolué) préparaient d'importantes cérémonies. Personnellement, moi, j'ai été insulté que Montréal ne puisse rien faire.»

La ville a depuis renommé un bout de la rue Faillon, près de l'actuel stade Uniprix, au nom de Carter, mais pour Cromartie, ça prend quelque chose de plus significatif.

«Qu'est-ce qui arrivera quand Andre Dawson mourra? On ne pourra pas plus lui rendre hommage. C'est là que j'ai réalisé qu'on doit faire quelque chose.»

Cromartie a des liens très solides avec le Québec. Arrivé en 1974, il a évolué avec les Carnavals de Québec, alors club-école AA des Expos. C'est là qu'il a fait la rencontre de Carole Ringuette, qui a partagé la vie de «Cro» pendant 14 ans.

Celle qui connaît Cromartie depuis 40 ans ne se rappelle pas d'un projet qu'il n'a pas mené à terme.

«S'il a décidé que c'était son projet, rien ne lui fera lâcher le morceau.»

Mais Cromartie n'allongera pas les centaines de millions de dollars nécessaires au retour du baseball. C'est pourquoi il s'est associé à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain pour l'étude de faisabilité, dont les résultats devraient être divulgués à la mi-novembre. Une fois ces résultats connus, il restera toujours trois problèmes de taille à surmonter: trouver les fonds nécessaires, une équipe, mais d'abord et surtout, un stade.

«Laissez-moi mettre une chose au clair: le Baseball majeur veut des stades au centre-ville dans un quartier pensé pour y attirer les gens, a indiqué Cromartie. Nous voulons bâtir ce quartier et ce stade.»

Cromartie a indiqué que son groupe a identifié trois terrains potentiels pour y accueillir le baseball. Il a aussi entamé des discussions avec la même firme d'architectes, Provencher Roy & Associés, qui avait dessiné les plans du stade Labatt, en 1999, mais aucun plan n'a encore été officiellement commandé.

C'est d'ailleurs au sujet du stade que Cromartie et son projet soulèvent le plus de doute. Si plusieurs peuvent encore croire au retour du Baseball majeur - qui est retourné dans les villes qu'il a quittées jusqu'ici: Seattle, Milwaukee, Washington ou New York -, plusieurs se demandent où l'équipe jouerait.

Il faut oublier le Stade olympique: même avec les améliorations qui y seront apportées pour la tenue des deux matchs préparatoires des Blue Jays de Toronto en mars, pour le Baseball majeur, il ne pourra jamais être plus qu'une solution temporaire, en attendant la fin des travaux d'un nouveau domicile.

Maintenant, qui paierait cet éventuel nouveau stade?

Cromartie croit qu'il devra être acquitté par des fonds privés. Tony Tavares, président des Expos de 2002 à 2004, ne croit pas cela possible.

«C'est là où ce projet a du plomb dans l'aile, a-t-il dit de sa résidence de Floride. Une somme de cette ampleur dans une ville de la taille de Montréal, c'est voué à l'échec. À moins d'avoir une quelconque assistance des gouvernements, vous n'aurez pas les moyens de bâtir le stade uniquement avec des fonds privés.»

Pourtant, San Francisco, une ville comptant près de la moitié de la population de Montréal, l'a réussi: le stade où évoluent les Giants a été entièrement financé par des fonds privés. Malgré tout, Tavares n'y croit pas.

«Au mieux, (le retour du baseball à Montréal) doit être perçu comme une lointaine possibilité.»

Jacques Ménard, président du conseil d'administration de BMO Nesbitt Burns et président de BMO groupe financier pour le Québec, est plus optimiste. Celui qui a fait partie du consortium de propriétaires des Expos rappelle que le Centre Molson, aujourd'hui le Centre Bell, a été entièrement construit avec des fonds privés.

Reste maintenant à convaincre le Baseball majeur. Officiellement, on ne parle pas d'expansion et la haute direction du Baseball majeur dit ne pas avoir reçu de demande de délocalisation de la part d'aucune de ses équipes.

Le cas des Rays de Tampa Bay fait jaser depuis quelques années. Alors que l'organisation obtient des succès constants sur le terrain, les ventes de billets ne suivent pas. Avec une moyenne de 18 645 billets par match, les Rays, qui ont atteint les séries pour la quatrième fois depuis 2008, occupent le dernier rang de tout le baseball en 2013.

Son propriétaire majoritaire, Stuart Sternberg, tente également de déménager du Tropicana Field, à St. Petersburg, afin de gagner la région de Tampa - dans un stade à ciel ouvert.

«On ne vend pas beaucoup de billets dans notre comté, qui compte environ un million d'habitants, a déclaré un dirigeant de l'équipe à La Presse Canadienne. À Tampa Bay, notre bassin compterait entre 2,8 et 3,2 millions d'habitants.»

Plusieurs columnists américains réputés ont invoqué depuis deux ans le déménagement des Rays vers Montréal. Des rumeurs ont même circulé selon lesquelles le propriétaire des Rays serait venu visiter le Stade olympique afin de voir de quelle façon il pourrait accommoder temporairement son club, ce que l'équipe nie.

Cette semaine, un dirigeant d'une équipe de l'Américaine a déclaré au Boston Globe qu'un retour à Montréal ferait bien du sens pour le Baseball majeur.

«À Montréal, avec un stade à ciel ouvert, une équipe pourrait attirer facilement de 2 à 2,5 millions de spectateurs annuellement», a indiqué un autre haut dirigeant d'équipe rejoint par La Presse Canadienne.

«Il y a encore beaucoup de chemin à franchir, mais on a l'oreille de tout le monde dans ce dossier: autant de la communauté des affaires montréalaise que de la direction du Baseball majeur, conclut Cromartie. Je ne tente pas d'être un héros, mais le moment est propice. Ramenons le baseball à Montréal.»