Earl Weaver ne reculait jamais devant une discussion orageuse, surtout avec un arbitre.

À la moindre provocation, le «Comte de Baltimore» tournait la palette de sa casquette vers l'arrière, pointait son doigt en direction de la poitrine de l'officiel et lui disait sa façon de penser. Il pouvait même se chamailler avec ses propres joueurs, si nécessaire. Tout ça, de la part d'un homme ne mesurant même pas 1 m 70, qui détestait se faire remettre en question.

Bien que vilipendé par certains, Earl Weaver faisait l'objet d'un culte à Baltimore et est demeuré un Oriole jusqu'à la toute fin.

Le combatif gérant, élu au Temple de la renommée du baseball majeur en 1996, est décédé à l'âge de 82 ans pendant une croisière dans les Caraïbes associée aux Orioles de Baltimore, la seule formation qu'il n'ait jamais dirigée dans les ligues majeures. La nouvelle a été confirmée samedi par son relationniste, Dick Gordon.

Weaver a été à la tête des Orioles entre 1968 et 1982, et pendant un peu plus d'une saison, en 1985 et 1986. Durant ces 17 campagnes, il a mené l'équipe aux Séries mondiales en quatre occasions, mais n'a gagné qu'un seul titre, en 1970, en cinq matchs contre les Reds de Cincinnati.

Weaver a accumulé 1480 victoires en carrière, contre 1060 revers, et son pourcentage d'efficacité de ,583 le classe au cinquième rang parmi tous les gérants ayant oeuvré pendant au moins dix saisons pendant le 20e siècle.

«Earl a été un gérant aux teintes de noir et de blanc», a résumé Jim Palmer, un ancien as lanceur des Orioles, qui a longtemps joué sous ses ordres.

«Il vous décrivait le rôle que vous aviez à remplir et vous disait ensuite que si vous vouliez évoluer avec les Orioles, c'était ce que vous deviez faire. Et si vous ne pouviez le faire, il vous avisait qu'il irait chercher quelqu'un d'autre. Je sais que ça peut ressembler à de l'amour sans compromis, mais je ne connais personne à part Marianna, sa femme, qui le décrirait comme un homme chaleureux et doux.»

Selon Gordon, la femme de Weaver a expliqué que l'ancien gérant est retourné vers sa cabine après avoir mangé en soirée, et il aurait commencé à s'étouffer entre 22 h 30 et 23 h vendredi soir. Gordon a déclaré que la cause du décès n'était pas connue.

«C'est une triste journée. Earl a été un gérant sensationnel», a déclaré Dan Duquette, vice-président des opérations baseball chez les Orioles.

«La simplicité et la clarté de son leadership, et sa passion pour le baseball étaient inégalées. Chez les Orioles, il est un trésor. Il laisse derrière un merveilleux héritage de succès avec les Orioles, et nous lui devons beaucoup pour sa contribution. Cet héritage ne s'éteindra jamais.»

Weaver ne sera jamais oublié à Camden Yards, le stade des Orioles, où on lui a érigé une statue l'été dernier en compagnie des autres anciens membres de l'équipe ayant été intronisés au Temple de la renommée.

«Earl Weaver est sans conteste le meilleur gérant de l'histoire de l'organisation des Orioles, et l'un des plus grands de l'histoire du baseball», a affirmé le propriétaire de l'équipe, Peter Angelos. «Il s'agit d'un triste jour pour tous ceux qui l'ont connu et pour tous les fans des Orioles. Earl affichait sa passion pour les Orioles autant sur le terrain qu'à l'extérieur.»

Weaver était reconnu pour son langage épicé et sa tendance à privilégier le circuit de trois points plutôt que la conception d'un point en effectuant un amorti ou en volant un but. Si les puristes du baseball peuvent toujours contester sa façon de faire, ils ne peuvent nier ses résultats.

Weaver a acquis la réputation de gagnant, mais les arbitres ont aussi connu un gérant au caractère bouillant et au tempérament explosif. Il a été expulsé pas moins de 91 fois au cours de sa carrière, incluant lors des deux matchs d'un programme double!

Ses expulsions ont jeté de l'ombre sur ses cinq saisons d'au moins 100 victoires, ses six premières places de la section Est de la Ligue américaine et ses quatre championnats de la Ligue américaine.

L'ancien arbitre Don Denkinger a été d'office lors de l'un des derniers matchs dans les majeures.

«Il s'est présenté au marbre avant le match et il nous a dit «Messieurs, c'est terminé'. Il a ajouté que la seule raison pour laquelle il reviendrait, c'est un manque d'argent. Je lui ai répondu que si jamais il manquait d'argent, il n'avait qu'à appeler l'Association des arbitres, et que nous allions nous cotiser pour le garder le plus loin possible du terrain et de nous!»

Pendant les matchs, Weaver se cachait dans le corridor menant au vestiaire pour griller cigarette après cigarette. Il n'a jamais perdu cette habitude et a été victime d'une légère attaque cardiaque en août 1998.

«Je n'aurais jamais voulu lui parler s'il n'avait pas fumé pendant dix jours!», a déjà blagué Ray Miller, un ancien instructeur des lanceurs des Orioles sous les ordres de Weaver. «Il aurait probablement fallu l'attacher à une chaise!».

Weaver n'a jamais joué dans les Ligues majeures. Il a passé 13 saisons dans les mineures, dans l'organisation des Cardinals de St. Louis, au poste de deuxième but. Ça ne l'a pas empêché de faire sa marque comme gérant dans les majeures.

«Personne n'a dirigé une équipe ou un personnel de lanceurs comme Earl», a déclaré Davey Johnson, actuel gérant des Nationals de Washington, qui a joué sous les ordres de Weaver au début des années 70. «Il n'y a pas un match que je dirige où je n'applique pas un de ses conseils ou l'une de ses stratégies.»