Le mois de juillet 2010 sera éternellement synonyme de deuil pour l'organisation des Yankees de New York.

Deux jours après la mort du vénérable annonceur Bob Sheppard, la «voix de Dieu» qui aura résonné dans l'enceinte du Yankee Stadium pendant plus de cinq décennies, voilà que les Bombardiers du Bronx et leurs nombreux supporteurs pleurent la perte d'un autre «monument»: George Steinbrenner.

Celui qu'on surnommait The Boss pour ses méthodes de travail radicales et son bouillant caractère s'est effectivement éteint hier à Tampa, une crise cardiaque foudroyant ce richissime homme d'affaires qui venait de célébrer son 80e anniversaire de naissance.

Dès l'acquisition des Yankees pour moins de 10 millions de dollars en 1973, Steinbrenner s'était donné le mandat de redorer le blason d'une concession moribonde au passé glorieux, notamment en revampant le désuet Yankee Stadium, puis en embrassant la nouvelle réalité du baseball professionnel: le marché des joueurs autonomes.

La fameuse «clause de réserve» tombée au milieu des années 70, il n'en fallait pas davantage pour que Steinbrenner délie les cordons de la bourse et embauche à fort prix les vedettes - le lanceur Jim «Catfish» Hunter et le voltigeur Reggie Jackson, entre autres - qui permettraient aux Yankees, selon lui, de rapatrier le trophée de la Série mondiale.

Mission accomplie en 1977 et 1978.

Sauf que la recette s'est rapidement révélée un désastre. Colères, congédiements et multiplication de mouvements de personnel souvent injustifiés ont suivi, sans succès. Certainement l'un des propriétaires les plus flamboyants et controversés de l'histoire du baseball majeur, Steinbrenner s'est franchement fourvoyé en pensant qu'il pourrait constamment «acheter» le championnat.

Résultat: pendant 17 longues saisons, les joueurs des Yankees ont regardé passer la parade, jusqu'en 1996, quand la troupe dirigée par Joe Torre a remporté le premier de quatre titres en cinq saisons avec les nouvelles vedettes issues d'un réseau de filiales enfin revigoré.

Sous le règne des Steinbrenner (ses fils Hank et Hal dirigent l'embarcation depuis quelques années), les Yankees ont savouré 11 championnats de la Ligue américaine et sept conquêtes de la Série mondiale. L'équipe se présente aujourd'hui comme un véritable empire de la balle dure, dont la valeur avoisine 1,6 milliard de billets verts, selon le magazine Forbes.

Bouillant, disait-on du père Steinbrenner. Ses prises de bec avec Reggie Jackson et le gérant Billy Martin, embauché puis congédié cinq fois par le grand patron, demeurent légendaires.

Le cinéaste Ken Burns, dans le neuvième chapitre de son excellent documentaire Baseball, résume bien la carrière de George Steinbrenner, du moins avant sa suspension par le commissaire du baseball Fay Vincent au début des années 90 (Steinbrenner avait versé 40 000 $ à un certain Howie Spira pour dénicher des informations compromettantes sur le joueur Dave Winfield): «D'emblée, il a promis de ne pas s'ingérer dans les affaires de l'équipe, puis soudainement, il s'est retrouvé incapable d'en lâcher prise.»

Après tout, c'était lui, le Boss

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