Tout a commencé lors d'un voyage en Corse il y a quelques années. Sur la recommandation d'un ami, Marc-André Tratch s'était acheté un masque et un tuba pour explorer les fonds marins. Ça s'est transformé presque en une quête. À son retour, il a voulu améliorer sa capacité pulmonaire pour en voir plus lors d'un prochain voyage. Il a découvert l'existence du Club d'apnée sportive de Montréal et il a eu la piqûre.

«Lors de mes premières tentatives de retenir mon souffle, je me suis rendu compte que j'étais assez bon, dit Marc-André Tratch, 33 ans. Je suis un ancien nageur, je voulais performer et j'ai décidé de m'investir un peu plus dans le sport.»

Avec son ami Guillaume Filion, un ancien brasseur comme lui, Tratch représentera le Canada aux Championnats du monde d'apnée en profondeur, à Kalamata, en Grèce, du 15 au 22 septembre. Inscrits dans les trois disciplines (voir autre texte), les deux plongeurs veulent améliorer leurs marques personnelles.

60 mètres

Dans les eaux chaudes du golfe de Messénie, Tratch espère dépasser les 60 mètres. Moins expérimenté, Filion vise un peu en dessous (ou au-dessus, c'est selon).

Sanctionnée par l'Association internationale pour le développement de l'apnée (AIDA), la compétition réunira quelque 150 plongeurs provenant d'une vingtaine de pays. Les meilleurs du monde (Français, Italiens, Japonais) franchiront plus de 100 m.

«Guillaume et moi, si on passait deux mois en Grèce, avec le souffle qu'on a, on serait théoriquement capable d'aller à 70 ou 80 mètres, juge Tratch, architecte dans la vie de tous les jours. Au-delà de ça, ça prend du temps, une adaptation, des conditions particulières: être dans l'océan à longueur d'année ou le pratiquer depuis que tu es tout jeune.»

Au Québec, les lieux d'entraînement en eau libre sont peu nombreux.

Pour leur préparation, Tratch et Filion se sont rendus à quelques reprises à l'ancienne carrière d'amiante Flintkote, à Thetford Mines, lieu de plongée bien connu où le fond dépasse les 100 m.

Sinon, ils se sont exercés le plus souvent dans une ancienne carrière de Kahnawake, où ils sont limités à 30 m.

L'hiver, ils s'entraînent en piscine, où leurs longueurs sous l'eau font parfois frémir les sauveteurs, à tel point que la pratique est interdite à certains endroits. Des compétitions en piscine sont organisées et il existe même des championnats mondiaux.

L'une des épreuves en piscine consiste à retenir son souffle le plus longtemps possible (apnée statique). Tratch détient le record québécois en 6 min 4 s.

Sport confidentiel

«Le record canadien est de 7 min 28 s et je m'attaque à ça cette année», ambitionne celui qui a déjà retenu sa respiration pendant 7 min 3 s, chez lui, couché sur le sol. Avec un peu d'entraînement, il est facile de s'améliorer, jure-t-il.

Sport confidentiel, pratiqué par quelques centaines de personnes dans le monde, l'apnée en profondeur a connu son heure de gloire à la fin des années 80 avec Le grand bleu. Librement inspiré de la vie des plongeurs Jacques Mayol et Enzo Maiorca, le film de Luc Besson avait conféré une réputation un peu sulfureuse au sport, avec la mort de l'un des deux protagonistes.

Selon Tratch, l'apnée sportive ne comporte aucun danger si elle est pratiquée dans les règles de l'art, toujours en équipe. Aux Mondiaux, les compétiteurs sont suivis par des apnéistes de sécurité, aptes à détecter les signaux indiquant un problème. À leur retour à la surface, les plongeurs doivent se soumettre à un protocole comportant trois règles bien précises, sans quoi ils sont disqualifiés.

Pour Guillaume Filion, ancien détenteur du record québécois du 100 m brasse, l'apnée sportive est une suite logique à sa carrière de nageur. «Les feelings qu'on ressent en profondeur sont indescriptibles, insiste le policier à l'escouade antiémeute du SPVM. À 25-30 m, tu es seul avec toi-même, tu sens la pression sur ton corps, ton rythme cardiaque diminue. C'est la sérénité. C'est la vie!»