Pour un soir, les journalistes britanniques ont délaissé le foot et le sort de Frank Lampard, la vedette de Chelsea en guerre avec son entraîneur. Ils étaient près d'une cinquantaine dans la zone d'entrevues du Centre aquatique de Londres après la finale du 10 mètres synchronisé, hier soir. Magnétophone à la main, ils attendaient Tom Daley, le petit prince du plongeon britannique.

Daley a été consacré vedette instantanée en 2009, en devenant le plus jeune plongeur à remporter un titre mondial à la plateforme, à l'âge de 15 ans. L'été précédent, à Pékin, il était le cadet de l'équipe olympique britannique, terminant 7e à la tour de 10 mètres.

Sur le bord des bassins, on le compare à Alexandre Despatie, qui fut d'ailleurs son idole de jeunesse.

Affichant une belle gueule, sympathique, drôle, Daley aime les caméras et celles-ci le lui rendent bien. La venue des Jeux olympiques à Londres n'a fait que décupler sa renommée. D'un seul coup, une nation s'est intéressée au plongeon.

Au même titre que le cycliste Mark Cavendish, le coureur Mo Farah ou la nageuse Rebecca Adlington, Daley doit faire gagner son pays.

Despatie peine à imaginer la pression qui peut incomber à Daley. «On connaît le vedettariat ici, soulignait le plongeur québécois en début de semaine. À l'entraînement, il n'a pas l'air stressé, ça n'a pas l'air lourd pour lui. Ça, c'est ce qu'on voit de l'extérieur. Je suis curieux de savoir comment il se sent vraiment en dedans. Avec toute la pression, l'attention, les attentes.»

À la Coupe du monde, Daley a choisi de ne pas s'aligner au 10 mètres individuel, préférant se concentrer sur sa préparation au synchro avec son partenaire Peter Waterfield, avec qui il a fini 7e, hier soir.

Son choix a fait sourciller, d'autant qu'il a été annoncé quelques jours après un avertissement brutal du directeur technique de British Diving, le Russe Alexei Evangulov. Celui-ci a conseillé à Daley de consacrer moins de temps à ses engagements médiatiques s'il espérait compétitionner avec ses rivaux chinois, qui s'entraînent «trois fois plus fort».

Daley, qui aura 18 ans dans trois mois, a dû réagir par communiqué, balayant les critiques du revers de la main. Il a soutenu qu'il ne consacre qu'un dixième de son temps à ses obligations médiatiques.

Très actif dans les médias sociaux, le jeune plongeur a diffusé une vidéo, vite devenu virale, où il danse avec ses coéquipiers sur le succès de LMFAO I'm Sexy and I Know It.

«Je m'assure d'avoir du plaisir»

«Quand je fais quelque chose, je m'assure d'avoir du plaisir, a expliqué Daley hier soir. J'adore le plongeon et j'en fais parce que je m'amuse et que je veux bien faire. C'est la seule raison.»

Selon l'Australien Matthew Mitcham, champion olympique, Daley veut «le beurre et l'argent du beurre» en contribuant à son statut de vedette tout en réduisant les attentes. «Tu ne peux pas être le poster boy des Jeux olympiques, obtenir tous les commanditaires et récolter toutes les récompenses, et te défiler de tes responsabilités et des attentes», a confié Mitcham plus tôt cette semaine.

Daley a élégamment contourné les questions à ce sujet, prétendant ne pas comprendre ce que Mitcham voulait dire.

À une échelle évidemment moindre, Despatie a dû lui aussi composer avec des attentes élevées dans les mois précédant la présentation des Mondiaux de Montréal, en 2005. Il avait largement contribué aux succès de l'événement en perdition en remportant deux médailles d'or.

Despatie aimerait bien avoir l'occasion de discuter avec Daley. Il aurait au moins un conseil à lui donner: «Ne jamais oublier qu'il plonge pour lui avant toute chose. Il ne plonge pas pour son coach, il ne plonge pas pour ses parents, il ne plonge pas pour ses amis. Et il ne plonge surtout pas pour son pays. C'est la seule manière pour lui de rester concentré sur lui et sur son affaire. Sinon, il est fait.»

Et les journalistes britanniques ne sont pas réputés pour leur compassion.