Quand Brent Hayden est venu nager à Montréal au début du mois, il était loin de ressembler à un futur médaillé des Mondiaux. Fatigué, malade, il sortait d'une compétition particulièrement désastreuse en Californie. À la Coupe du Québec, il a réalisé un temps qui le maintenait à peine dans le top 20 mondial.

Poussif dans l'eau, pensif à l'extérieur, il avait joué le contentement devant les journalistes. Au fond, l'inquiétude commençait à le gagner à trois semaines des Championnats du monde de Shanghai. Pourtant, hier, Hayden a gagné la médaille d'argent du 100 m libre, offrant un deuxième podium au Canada après celui de Ryan Cochrane la veille au 800 m.

Comme quoi il ne faut jamais écarter le nageur britanno-colombien du groupe des prétendants. Quand l'enjeu est grand, il se transforme en Superman, dont il arbore d'ailleurs le sigle sur le pectoral gauche.

Mais ça n'a pas été simple.

D'avril à juin, Hayden s'est astreint à un régime d'entraînement colossal destiné à établir la fondation de sa préparation pour les Jeux olympiques de Londres. Le prix à payer: moins de compétitions, une grande fatigue et des chronos parfois faméliques, à des lunes de son 47,98 établi l'automne dernier aux Jeux du Commonwealth, temps qui l'avait installé en tête du classement de 2010.

«Sa motivation et son désir étaient pas mal bas, car il savait qu'il se trouvait dans un trou assez profond. Mais c'était voulu ainsi», a expliqué son entraîneur, Tom Johnson.

En arrivant à Shanghai, Hayden a vu James Magnussen réussir un chrono canon de 47,49 pour propulser l'Australie vers une victoire historique au relais 4x100 m. Le Canadien a alors compris que l'or était pratiquement hors de portée dans l'épreuve individuelle.

«La question est alors devenue: où allais-je me situer dans tout ça?, a raconté Hayden en téléconférence. Mon coach a essayé de me balancer un paquet de clichés, mais ce qui m'a vraiment motivé, c'est de voir en direct à la télé ma fiancée assise dans les gradins...»

Qualifié quatrième (48,30), Hayden occupait cette position au virage en finale. Fidèle à son habitude, il est revenu comme une balle pour toucher au mur en 47,95 secondes. Seul l'irrésistible Magnussen, 20 ans, a fait mieux, glanant l'or en 47,63. Médaillé de bronze en 48,00, William Meynard a sauvé l'honneur de la France, qui domine le sprint crawlé depuis quelques années.

Le Brésilien Cesar Cielo Filho, tenant du titre, a raté le bronze par un centième. À deux jours du début de la compétition, sa participation était en suspens en raison d'un test positif à un diurétique, que l'athlète attribue à un supplément contaminé. Le Tribunal arbitral du sport a finalement entériné la décision de la Fédération brésilienne de ne lui servir qu'un avertissement.

Départ canon

Hayden se félicitait particulièrement de son départ. Son temps de réaction, une véritable lacune dans le passé, l'a mis sur un pied d'égalité avec ses rivaux. Le nageur de 27 ans a souligné la contribution de B2Dix, organisme piloté par l'ancien skieur acrobatique Dominick Gauthier. B2Dix, qui est décidément partout, a fourni l'argent nécessaire pour acheter les nouveaux blocs de départ de type «athlétisme» et faire venir le champion olympique sud-africain Roland Schoeman pour une clinique à Vancouver.

À partir du moment où Hayden se maintient dans le peloton de tête, le podium est pratiquement dans le sac. «Ma stratégie est de partir assez vite et de maintenir ma vitesse le plus longtemps possible, a rappelé le médaillé d'argent. Magnussen est le meilleur exemple en ce sens. Stratégiquement, il reproduit ce que je fais depuis le début de ma carrière.»

Avec la médaille d'argent de Shanghai, Hayden confirme qu'il fait partie des meilleurs sprinters de sa génération: finaliste à Montréal en 2005, l'or à Melbourne en 2007, quatrième et seul finaliste sans le tout-polyuréthane à Rome en 2009, premier chrono mondial en 2010. «C'est un grand accomplissement que de rester à ce niveau dans le monde de la natation», a souligné, sur les ondes d'Eurosport UK, l'un des plus grands sprinters de l'histoire, le Néerlandais Pieter Van den Hoogenband.

Une seule tache noircit la feuille de route d'Hayden: son élimination en demi-finale aux derniers Jeux de Pékin. Sa participation au relais 4x200, disputé le même jour, avait été évoquée pour expliquer cet échec. À Londres, dans un an, il n'aura plus cette défaite. Quelqu'un pour parier contre lui?