À l'été 2005, la plongeuse Roseline Filion s'est révélée en remportant, avec Meaghan Benfeito, une médaille de bronze surprise en synchro aux Championnats du monde de Montréal. La suite a été moins glorieuse. Autour des bassins, certains demandaient en chuchotant si elle faisait les sacrifices nécessaires pour retrouver les sommets.

Anne Montminy fait partie du lot. La double médaillée olympique à la tour parle même de complaisance, de contentement à simplement voyager aux quatre coins du monde avec un manteau de l'équipe canadienne sur le dos.

«Roseline et Meaghan, elles ont beaucoup de talent. Tu as le sentiment qu'elles peuvent être meilleures. Je ne vois juste pas la même soif de victoires», a expliqué Montminy, analyste pour la CBC à la Coupe Canada de plongeon, qui s'est conclue hier au Parc olympique de Montréal.

Montminy sait qu'un tel commentaire sera mal reçu, qu'elle passera pour la «méchante» de service. Mais l'avocate de 36 ans, mère de deux enfants, vit aux États-Unis depuis une dizaine d'années, loin du milieu du plongeon, à qui elle n'a pas de comptes à rendre. «Tu me poses des questions, je te réponds», dit la Montréalaise.

Deux heures plus tard, Filion a répondu à sa façon. La plongeuse lavalloise a réussi la compétition de sa vie pour décrocher, à la surprise générale et à la sienne, la médaille d'or à la plateforme de 10 m.

Les Chinoises s'effondrent

À l'annonce du résultat final, Filion est restée bouche bée. Ses entraîneurs Cesar Henderson et Aaron Dziver exultaient en la soulevant de terre. Sa jeune coéquipière Jennifer Abel pleurait à chaudes larmes en lui tombant dans les bras.

«C'est le choc, a admis Filion quelques minutes plus tard. Je ne savais pas comment réagir. Je voyais tout le monde commencer à pleurer. C'était un feeling incroyable, indescriptible.»

Le déroulement de la compétition a été tout aussi renversant. Filion occupait le troisième rang derrière les grandes favorites, les très jeunes et minuscules Chinoises Huixia Liu et Sinuo Ma. Contre toute attente, ces dernières ont raté coup sur coup leur avant-dernier plongeon, tombant carrément sur le dos, à la stupéfaction des nombreux Sino-Montréalais venus les encourager. Les notes de 3 et 4 sont tombées.

Propulsée en tête, Filion a su garder son calme avant d'exécuter son dernier plongeon, son meilleur de l'épreuve, qui lui a valu des notes de 8 et 8,5. «J'ai entendu que les Chinoises avaient fait des erreurs, mais je ne savais pas à quel point ça pouvait me donner l'occasion de gagner. Il me restait quand même un dernier plongeon. Avec l'adrénaline et la nervosité, c'est facile de dépasser la verticale. Je suis donc extrêmement contente d'avoir su bien gérer mon stress.»

Fiévreuse, Benfeito a dû se contenter du sixième et dernier rang de la finale.

Avec 379,05 points, une marque personnelle, Filion a devancé les Chinoises par 9 et 20 points. L'athlète de 23 ans a ainsi signé sa deuxième victoire individuelle sur le circuit Grand Prix, la première devant des compétitrices chinoises.

Même si la Chine n'a pas présenté sa meilleure équipe à Montréal, la Québécoise ne cachait pas son plaisir. «Que ce soit l'équipe A, B ou C, les plongeuses chinoises sont toujours très bonnes, a rappelé Filion. Elles peuvent faire des 400 points. On a vu plus tôt cette semaine qu'elles avaient obtenu des notes de 9 et 9,5 en préliminaires et en demi-finale. C'est donc toujours gratifiant pour moi de gagner devant des Chinoises.»

Filion attribue sa résurgence aux efforts supplémentaires consentis à l'entraînement depuis septembre dernier. Dans l'eau, en salle de musculation et dans les classes de ballet: «J'ai augmenté l'entraînement d'environ trois à quatre heures par semaine, justement pour rattraper les Chinoises. C'est sûr que ça fait une différence.»

Filion a également amélioré sa condition physique et perdu du poids, ce qui lui a permis d'intégrer un plongeon plus payant à sa liste, le trois et demi retourné. Sa réussite à la Coupe Canada met la table pour la suite. «Pour augmenter mes chances, il fallait que je passe à l'autre étape, a dit Filion. On va continuer dans cette direction jusqu'aux Jeux olympiques de Londres.»