Que les juges se le tiennent pour dit, le Canada a repris sa place parmi les puissances mondiales en nage synchronisée. Un nouveau statut à reconfirmer dans trois semaines, à la Coupe du monde de Changshu, en Chine, point culminant de la saison 2010. Crochet par l'île Sainte-Hélène, hier matin, pour voir ce que les 12 nageuses canadiennes mijotent avant leur départ pour un dernier camp en Malaisie.

Est-ce bien du Metallica qui résonne dans les haut-parleurs? Non, on ne s'est pas trompé d'endroit, ce sont bel et bien Marie-Pier Boudreau-Gagnon et Chloé Isaac qui offrent un aperçu de leur nouveau programme libre dans la piscine de l'île Sainte-Hélène. Bang, bang, bang, leurs bras frappent l'eau au rythme de Master of Puppets. Puis voilà qu'elles disparaissent sous la surface pour mieux remonter, le sourire aux lèvres, 30 secondes plus tard.

Ouf, la nage synchronisée a bien changé.

Après un purgatoire de huit ans, le Canada est prêt à reconquérir le monde, foi de Julie Sauvé. Et ça se fera autant par les qualités athlétiques que par la créativité et l'innovation, quitte à secouer les chastes oreilles des juges de l'auguste FINA, la fédération internationale.

«J'étais tannée du maudit classique», insiste l'éternelle entraîneuse, grande fan de Metallica comme Boudreau-Gagnon. «Ça passe ou ça casse, mais si ça casse, ce n'est pas plus grave, on jette à la poubelle et on recommence.»

Mais Sauvé, qui a ses antennes à la FINA, résultat d'une carrière de 30 ans (et d'une personnalité pour le moins affirmée...), sait que la rumeur est bonne. Les résultats le confirment aussi: deux médailles de bronze aux Championnats du monde de Rome l'été dernier, victoire au Trophée mondial de la FINÀ l'automne dernier à Montréal et des podiums en Chine et au Japon cette année.

Maintenant, tout est à recommencer à la Coupe du monde de Changshu, en Chine, du 16 au 19 septembre, principal rendez-vous de la saison 2010, placé à mi-chemin du cycle olympique menant aux Jeux de Londres, en 2012.

«La Coupe du monde, c'est un tremplin pour les Jeux, un tournant», espère Ève Lamoureux, cocapitaine de l'équipe de 12 nageuses, dont 11 Québécoises.

Marquer des points

Et Lamoureux ne s'en cache pas, il est impératif de marquer des points avant l'échéance olympique. «C'est comme pour tous les autres sports jugés, le patinage artistique ou même le plongeon, souligne la Montréalaise de 20 ans. On ne peut pas gagner de médaille si on n'a pas montré nos capacités avant.»

Il y a eu le bronze en combo à Rome, mais la Russie, principale puissance mondiale, brillait par son absence dans cette épreuve en ce rendez-vous post-Pékin. D'où la double importance de la Coupe du monde. «Si possible, on veut finir troisièmes, sinon se rapprocher des troisièmes», dit Lamoureux. Outre la Russie, que le Canada a battue au Trophée mondial, l'Espagne et la Chine composent le trio de tête.

Chose certaine, la confiance règne chez les Canadiennes, galvanisées par leurs récents succès à l'Open du Japon, où Boudreau-Gagnon a gagné deux fois l'or en solo, devançant chaque fois l'Espagnole Andrea Fuentes, vice-championne olympique.

«Au Japon, il y avait du monde à nos pratiques, c'était fou, alors qu'avant on passait un peu plus inaperçues», note l'athlète de Rivière-du-Loup, médaillée de bronze au solo technique aux dernier Mondiaux. «Là, on fait peur au monde un peu. On est là pour semer le doute.»

Une équipe solide

Julie Sauvé compare son équipe à un «roc» inébranlable, qui s'est solidifié davantage lors d'un camp de 42 jours avant les Championnats du monde de Rome, l'été dernier: «Ce sont 12 filles qui vivaient, nageaient, dormaient et mangeaient ensemble. Elles auraient pu se grafigner. En sortant de là, elles étaient devenues 12 soeurs.»

Ève Lamoureux parle d'une «espèce de pacte» jusqu'aux JO de 2012. «L'ambiance est débile», dit-elle. «Tout le monde est content, on est très business, renchérit sa coéquipière Chloé Isaac. On est capables de nous dire nos quatre vérités en pleine face, en étant toujours respectueuses. On est comme une famille.»

Avec comme mère Julie Sauvé qui, après une heure de rencontre médiatique, invite d'ailleurs ses «petits enfants» à sauter à l'eau de nouveau. Ouste les journalistes, y a encore du travail à faire.