Les médias et le public raffolent de ces histoires. Le bon et le méchant. Michael Phelps et Milorad Cavic. L'Américain chouchou contre le Serbe. Le «vieil» équipement contre le maillot de la quatrième dimension. L'ultime champion olympique contre le sprinter arrogant. Le fils à maman contre la grande gueule. Bref, la lutte WWE n'aurait pas fait mieux.

Le duel a été à la hauteur des attentes. Et même un peu plus.

Généralement, le bon finit par l'emporter quand on le croit enterré. Même si le scénario n'était pas écrit à l'avance, Michael Phelps a produit le happy ending auquel plusieurs ne croyaient plus, remportant de façon dramatique le 100 mètres papillon des Championnats du monde FINA de Rome, samedi soir.

Phelps a touché au mur en 49,82 pour devenir le premier homme à franchir la barrière des 50 secondes sur la distance. Cavic fut le deuxième, arrêtant le chrono à 49,95.

Comment avoir pu douter de Phelps après ses victoires à l'arraché dans la même épreuve aux Jeux olympiques d'Athènes et de Pékin? Ou après l'avoir vu, un mois plus tôt, nager en 50,48, barbe au menton, à la piscine olympique de Montréal, dans une compétition sans enjeu pour lui?

«Une course extraordinaire», a lancé l'entraîneur Benoît Lebrun, joint à Rome, hier, entre les séries et les finales de la dernière journée de ces 13es Mondiaux.

Cavic a mis la table avant même le départ, offrant une image miroir de Phelps, le toisant, un pied posé sur le bloc, exactement comme à Pékin, où l'Américain l'avait battu par un centième. Silence complet dans le Foro Italico. Deux cowboys prêts pour le duel ultime.

Sans surprise, Cavic, un pur sprinter, a pris la tête avant même la première traction. Au virage, il détenait une priorité de sept dixièmes. «Oh! oh! ce n'est pas assez», a-t-il compris en voyant Phelps culbuter sous l'eau.

Le guépard a ensuite fondu sur la gazelle. «Au bout de quatre tractions, je me suis dit: oups, il y a quelque chose de pas correct, a relaté Lebrun. Le style de Cavic commençait à raccourcir. À chaque traction, Phelps avançait d'un tiers de plus. Cavic savait qu'il était vulnérable. Il a regardé à droite pour voir où Phelps en était. Il était fait.»

Phelps a célébré comme jamais. Rageur, il s'est assis sur le câble pour montrer son maillot Speedo à la face du monde... et à Cavic. La veille, dans l'optique d'une confrontation plus équitable, le Serbe avait offert à l'Américain de lui fournir «dans l'heure» un maillot tout polyuréthane comme le sien.

Les médias américains ont fait grand cas de cette prétendue bravade de la part de Cavic. L'entraîneur Bob Bowman, fin motivateur qui connaît Phelps par coeur, s'en est habilement servi, comme à Pékin quand Cavic avait déclaré que ce serait «bon pour le sport» de la natation si Phelps perdait, ne serait-ce qu'une fois.

Réputation sulfureuse

Milorad Cavic - «Mike» dans le monde de la natation - est né en Californie de parents serbes. Détenant la double citoyenneté, il a décidé de représenter la Yougoslavie pour participer aux Jeux de Sydney en 2000. Il s'est développé aux États-Unis sous la tutelle de deux des plus grands entraîneurs de sprint, Dave Salo puis Mike Bottom.

Ce dernier fut l'entraîneur de Gary Hall fils, la plus grande gueule de l'histoire de la natation. Hall fils a déjà raconté avoir donné quelques leçons de trash talk à Cavic à l'époque où les deux s'entraînaient au Race Club, en Floride.

Cavic, qui s'entraîne maintenant en Italie, s'est fait connaître en portant un t-shirt sur lequel était inscrit le «Kosovo est serbe» aux Championnats d'Europe de mars 2008. Son geste lui a valu une suspension pour le reste de la compétition.

Depuis, il traîne une réputation sulfureuse. Étiquette surfaite, selon ceux qui le connaissent, comme le Montréalais Thomas Kindler, qui s'est entraîné avec lui au Race Club l'an dernier.

D'ailleurs, Cavic a été bon prince dans la défaite, samedi. «You're the man», a-t-il lancé à Phelps après la course. Puis, en entrevue à NBC, il a rappelé que tout était toujours question d'interprétation. Et que, de toute façon, la natation avait bien besoin de ce genre de confrontation pour espérer générer un niveau d'intérêt approchant celui de l'athlétisme.

Ou de la lutte professionnelle.