Émilie Heymans a abordé sa conversion au tremplin de trois mètres presque sur la pointe des pieds. Beaucoup de travail à faire, pas de pression, pas de grandes attentes, prévenait la plongeuse de Saint-Lambert.

Mais que ce soit du haut d'une plateforme ou au bout d'un tremplin, Heymans est une compétitrice hors pair. La triple médaillée olympique l'a prouvé une fois de plus, hier, en gagnant l'argent à l'épreuve du trois mètres aux Championnats du monde de la FINA à Rome.

«C'est une très grande satisfaction. Ça fait seulement six mois que j'ai recommencé à plonger au tremplin de trois mètres. Je ne pouvais pas demander tellement mieux», a commenté Heymans en téléconférence.

Auteure de 346,45 points, Heymans n'a été devancée que par la grande vedette chinoise Guo Jingjing (388,20), qui a obtenu une cinquième couronne mondiale consécutive. L'héroïne locale, l'Italienne Tania Cagnotto, a complété le podium grâce à une récolte de 336,65 points.

Heymans est devenue la toute première plongeuse canadienne à monter sur le podium au tremplin de trois mètres dans le cadre des Mondiaux de la FINA, qui en sont à leur 13e présentation. Malgré une brillante carrière, Blythe Hartley, qui a pris sa retraite après les Jeux olympiques de Pékin, n'y était jamais parvenue.

L'exploit d'Heymans est particulier dans la mesure où il survient quelques mois seulement après son retour au trois mètres à la suite d'une remarquable carrière à la tour qui s'est conclue par une médaille d'argent à Pékin.

À l'entraînement depuis la mi-janvier, l'athlète de 27 ans s'est appliquée à apprivoiser un nouveau saut d'appel, qu'elle ne maîtrise pas encore totalement, de son propre aveu. L'objectif était de construire en vue des Jeux de Londres, en 2012.

«C'est presque du jamais vu», a souligné Mitch Geller, chef principal technique à Plongeon Canada, joint à Rome en fin de soirée. «Plusieurs grands plongeurs sont passés de la tour au trois mètres, comme He Chong, Guo Jingjing ou Dmitry Sautin. Mais on ne les a pas vus dominer aussi rapidement. Ça leur a pris quelques années avant d'être performants dans cette épreuve.»

De fait, Heymans ne s'attendait pas à pouvoir monter sur le podium avant d'arriver à Rome. Malgré une feuille de route éloquente - finales olympiques et mondiales et, ne l'oublions pas, médaille d'argent à la Coupe du monde de 1999 -, la Québécoise ne s'était pas mesurée à l'élite de la discipline depuis plus de deux ans. En plus, elle estimait que sa liste de plongeons, moins difficile, ne lui permettrait «pas de rivaliser avec les meilleures plongeuses du moment», comme elle l'a écrit sur son site internet.

Ses ambitions ont changé après les préliminaires (neuvième) et les demi-finales (dixième) de lundi, persuadée qu'elle pouvait largement s'améliorer. «Je me suis rendu compte que le podium était très accessible», a expliqué la nouvelle vice-championne mondiale, qui s'est débrouillée à Rome sans l'aide de son entraîneuse habituelle, Yihua Li.

Heureuse de cette récompense inattendue, Heymans prévoit maintenant transformer deux plongeons groupés en carpés afin de d'augmenter son coefficient de difficulté total la saison prochaine. Ce ne sera pas une mince tâche pour une plongeuse de sa taille, en particulier pour le plongeon avant. «Mes notes baisseront peut-être un peu l'an prochain si j'ai de la difficulté à les maîtriser», a indiqué Heymans, qui s'est déjà attelée à la tâche.

La Lavalloise Jennifer Abel a pour sa part connu un parcours romain à l'exact opposé de sa coéquipière Heymans. Deuxième de la demi-finale, la recrue de 17 ans a raté ses deux premiers plongeons en finale. Elle a terminé 11e avec 265,55 points.

Abel refusait de se laisser gagner par la déception. «Je suis très satisfaite, a-t-elle dit. Mon but ici était de faire de mon mieux. J'ai atteint la finale, que j'avais manquée aux Jeux olympiques. J'ai aussi réussi mon record personnel en demi-finale (351,65). L'expérience acquise en finale me servira pour les prochaines compétitions.»

Médaillé de bronze en synchro lundi, Alexandre Despatie participera aujourd'hui à l'épreuve individuelle du tremplin de trois mètres. Le vice-champion olympique de la spécialité sera le 37e des 51 compétiteurs à s'élancer en préliminaires.