Mathieu Bois s'était juré de battre ses rivaux sur la base de ses valeurs athlétiques. Malgré toute sa bonne volonté, le brasseur de Saint-Hubert n'a pu résister au tsunami Jaked. Il devra donc regarder le 200 mètres brasse des Championnats du monde de Rome depuis les gradins.

«Peut-être que les gars ont fait une performance extraordinaire et qu'ils n'ont jamais nagé comme ça de leur vie. Mais connaissant leur historique, ça me surprendrait vraiment», a soupiré Bois, hier soir, en essayant de digérer une décevante troisième place au 200 mètres brasse des sélections canadiennes pour les Mondiaux de Rome.

 

Eh oui, le maillot Jaked a encore mêlé les cartes au Complexe aquatique de l'île Sainte-Hélène. Équipés d'un pantalon en polyuréthane, Scott Dickens (2:11.40) et Paul Kornfeld (2:11.72), davantage reconnus pour leurs résultats sur 100 mètres, ont terminé respectivement premier et deuxième, privant Bois, auteur d'un meilleur chrono à vie de 2:12.00, d'un départ dans cette épreuve aux Mondiaux.

«Je sais pertinemment que c'est le maillot. Les deux gars m'ont battu à cause de ça. C'est simple comme ça», a jugé Bois, qui a représenté le Canada dans cette épreuve aux derniers Jeux olympiques de Pékin.

Certes, cette polémique des maillots devient redondante, mais jamais l'effet Jaked n'a été aussi flagrant que sur ce 200 mètres brasse à Montréal.

Avant cette compétition, Dickens et Kornfeld n'avaient jamais fait mieux que 2:14 sur la distance. Deuxième au dernier virage, Bois, qui nageait avec le Speedo LZR Racer, a été incapable de résister à la remontée de Kornfeld.

«Sur vidéo, ça se voit très bien qu'ils glissent beaucoup plus que moi dans l'eau», a souligné le Québécois de 21 ans.

La veille, sur 100 mètres brasse, Bois avait pu emprunter le pantalon Jaked d'un ami nageur, Simon Dupuis. Il avait assuré sa qualification pour Rome en finissant deuxième. Hier, c'est Dupuis, quatrième de la finale, qui portait son maillot commandé par internet dans le couloir voisin de Bois... Meilleure chance la prochaine fois. «C'est sûr que je suis fâché, mais je ne peux rien faire, a conclu Bois. Quand bien même je garrocherais une barrière dans l'eau, ça ne changera rien. Les règles sont les règles.»

Bois et ses collègues du Centre d'excellence des sports aquatiques du Québec (CÉSAQ) n'ont toujours pas reçu la commande de maillots Jaked passée en Italie, il y a deux semaines, au moment où la FINA les a autorisés. «Je ne pensais jamais qu'ils seraient réadmis», a reconnu l'entraîneur Benoit Lebrun, qui a été pris de court.

À l'inverse, le maillot Jaked a bien failli être payant pour le Montréalais Thomas Kindler, qui en a obtenu un il y a plusieurs semaines. Pur sprinteur, jamais l'athlète de 29 ans n'avait fini un 100 mètres papillon avec autant de force. Deuxième en 52.92, son meilleur temps à vie, il a cependant raté sa sélection par six petits centièmes. Joe Bartoch, premier en 52.70, sera donc l'unique représentant canadien à Rome.

Audrey Lacroix, elle, n'a pas eu besoin de maillot en polyuréthane pour se qualifier au 100 mètres papillon. La nageuse de Pont-Rouge (59.40) a réussi une touche finale que Michael Phelps n'aurait pas reniée pour devancer Kendra Chernoff par huit centièmes. Chernoff a établi un record canadien de 58.70 en matinée, mais son temps en finale ne lui permettra pas de nager à Rome.

Qualifiée la veille au 100 mètres dos, Gabrielle Soucisse a poursuivi sa bonne semaine avec une victoire au 50 mètres dos. Grande déception pour sa coéquipière Stéphanie Horner, qui a dû se contenter du quatrième rang au 400 mètres libre. Elle avait fini 11e à Pékin. De son côté, la prometteuse Barbara Jardin, 17 ans, a fini troisième... comme la veille au 400 mètres quatre nages.

La course de la soirée a encore une fois été l'oeuvre d'Annamay Pierse. La petite bombe d'Edmonton a survolé le 200 mètres brasse en 2:20.71, s'arrêtant à moins de cinq dixièmes de la marque mondiale. La nouvelle star de la natation canadienne visera rien de moins que l'or et le record du monde à Rome.