Dans un placard chez elle, Valérie Maltais, 27 ans, a une paire de patins de longue piste, prêts à utiliser, qu'elle rêve de sortir au quotidien, pour de bon. Ça lui trotte dans la tête depuis quelques années déjà. Cette fois, elle croit que le temps est venu de faire la transition, a-t-elle annoncé récemment. Sa participation au relais féminin, ce week-end, risque donc d'être sa dernière compétition sur courte piste. «C'est le temps de donner le tout pour le tout», dit-elle, sereine.

Toute l'année, elle a eu cette pensée en tête, tournée vers l'avenir, vers le changement. «Je ne suis pas prête à prendre ma retraite, loin de là. Si la transition fonctionne comme je le veux, je me sentirais très bien avec ça.»

La première fois qu'elle a essayé les patins de longue piste, elle a tout de suite aimé la sensation. Elle avait pensé faire le saut en 2014, mais s'était ravisée. «J'avais encore des choses à accomplir, je sentais que je n'étais pas allée au bout.» Depuis, elle a fait quatre ou cinq essais, tout au plus.

«Je ne sais même pas si je peux être bonne, mais je suis prête à relever de nouveaux défis», dit-elle avec humilité. «Je sais patiner, mais je veux patiner efficacement. Je suis compétitive, j'aime me donner à fond dans ce que je fais. Je prends cette décision très au sérieux.»

Sa relation amoureuse avec le patineur de vitesse sur longue piste Jordan Belchos (qui a terminé 5e au 10 000 m à PyeongChang) pèse dans la balance. Elle compte déménager à Calgary dans les prochains mois. Elle a aussi pris le pouls de patineurs (comme Alexandre St-Jean et Olivier Jean) qui ont fait le passage du courte piste au longue piste.

«Tout le monde me dit que la transition se fait bien, que les sensations sur la glace sont extraordinaires. L'anneau est plus grand, il y a plus d'espace et on me parle de cette sensation de liberté. Le fait d'être seule dans son couloir est un défi qui est complètement différent. Il faut savoir suivre des temps, être forte jusqu'à la fin de la course. Ce sont des qualités que j'ai en courte piste.»

Avant de prendre une décision définitive, Maltais prendra des vacances à Hawaii. Puis, elle rencontrera à tête reposée les gens de Patinage de vitesse Canada pour discuter des possibilités. «Après, je pourrai prendre une décision éclairée», dit-elle, prudente.

Elle sait qu'elle devra recommencer à zéro ou presque. «C'est beaucoup de travail, beaucoup de choses à apprendre. Je dois voir si j'ai le talent pour rejoindre l'équipe nationale, pour participer à des Coupes du monde. Je veux être performante, pas figurante, dans le sport. C'est beaucoup d'étapes à franchir.»

Dans le meilleur des scénarios, on pourrait la voir à Pékin à l'occasion des Jeux olympiques de 2022.

Tourner la page à Montréal

La patineuse d'expérience se laissera porter par l'énergie de la foule et celle de ses coéquipières à l'occasion de son dernier relais, une épreuve qu'elle adore. «Plusieurs choses vont me manquer, comme la vitesse dans les virages, les analyses de course. J'aime encore beaucoup le sport, je ne coupe pas les ponts. Et j'entends profiter du moment avec les filles.»

La dernière fois que les Championnats du monde ont été présentés à Montréal, en 2014, Maltais en est ressortie avec trois médailles (bronze au 1000 m, argent au 3000 m relais et bronze au 3000 m super finale), terminant troisième au classement cumulatif. Elle avait une première fois songé à passer au longue piste. «Je sentais que je voulais accomplir plus en courte piste et j'ai continué. Je n'étais pas allée au bout.»

À plusieurs occasions cette saison, la patineuse de Saguenay a réalisé qu'elle tournait la page. Elle en a discuté avec Marianne St-Gelais qui, elle, accroche ses patins. «De mon côté, je le voyais surtout comme une motivation.»

En octobre, Maltais a remporté une médaille d'argent sur 1500 m à la Coupe du monde de Dordrecht, aux Pays-Bas. Avec ses coéquipières, elle y a aussi mis la main sur le bronze au relais. Juste avant, elles avaient obtenu le bronze à la Coupe du monde de Budapest, en Hongrie. Ça semblait de bon augure pour PyeongChang.

Mais les Jeux, ses troisièmes et derniers en courte piste, ont été catastrophiques. Après avoir subi une entorse à la cheville (sa neuvième !) dès son arrivée en Corée du Sud, Maltais a pensé que ses Jeux étaient bousillés. «J'ai eu chaud, j'ai été un peu dans les vapes, j'ai perdu connaissance sur le bord de la bande», a-t-elle raconté à notre collègue Simon Drouin. En panique, elle avait du mal à respirer. En congé forcé pendant quatre jours, elle a néanmoins participé aux compétitions. Mais elle a été disqualifiée trois fois en trois présences (18e du 1500 m et 7e du 1000 m, 4e du relais).

«Mes Jeux s'arrêtent ici, a-t-elle déclaré en larmes aux journalistes, quelques minutes après avoir disputé sa dernière épreuve olympique (1000 m). Malgré tout, j'ai eu beaucoup de plaisir. Je suis très contente de ma préparation, je voulais arriver à PyeongChang sans regrets. J'ai fait beaucoup de progrès, j'étais en grande forme.»

C'était il y a trois semaines.

«Je suis déçue de mes Jeux, mais dès notre retour, on a repris l'entraînement sans attendre. J'aime vraiment ces périodes d'entraînement intense, où on fait beaucoup de volume. On a ensuite pris du temps pour se reposer et j'ai pu me mettre la tête aux Championnats», nous a-t-elle dit mercredi. Les patineuses canadiennes visent un podium au relais 3000 m.

À PyeongChang, le relais canadien, médaillé d'argent à Sotchi, a terminé au pied du podium en raison d'une disqualification qui a laissé l'équipe sans mots. «C'était crève-coeur. On a été déçues du résultat, mais on faisait tellement une belle course. Tabarouette que ça allait bien! On voudra assurément se reprendre. J'ai vraiment hâte.» Plus de 4500 spectateurs seront là pour les encourager, les applaudir dès aujourd'hui.

Photo Bernard Brault, La Presse

Valérie Maltais, emportée par une chute de deux patineuses italiennes lors de l'épreuve du relais féminin lors des Jeux olympiques de PyeongChang.

Photo Bernard Brault, La Presse

Kasandra Bradette, Marianne St-Gelais, Kim Boutin, Jamie MacDonald et Valérie Maltais (à l'arrière) après l'annonce de la disqualification de l'équipe canadienne.