Le circuit de la Coupe du monde de patinage de vitesse longue piste s'ouvre vendredi à Heerenveen, aux Pays-Bas, haut lieu de la discipline. Les Québécois composeront plus du tiers de l'équipe canadienne, une tendance à la hausse qui s'est amorcée l'an dernier. Le jeune vétéran Laurent Dubreuil, véritable encyclopédie de son sport, partage ses observations sur cette saison marquée par les Jeux olympiques de PyeongChang.

Sept Québécois

À l'image de l'an dernier, pas moins de sept patineurs québécois se sont qualifiés pour les Coupes du monde d'automne. Noémie Fiset se joindra au groupe pour l'étape de Calgary en décembre. Laurent Dubreuil les présente (et se présente lui-même).Alex Boisvert-Lacroix (Sherbrooke, 30 ans, 500 m)

Médaillé de bronze au 500 m aux Mondiaux 2016. «Il s'entraîne à Montréal en courte piste. On ne patine jamais ensemble. On se voit en compétition et lors des camps à Calgary. Il a fait de très bons temps aux sélections, comme à peu près tout le monde en sprint au Canada. Il a encore d'excellents départs et il me semble qu'il a amélioré son tour.»

Christopher Fiola (Montréal, 21 ans, départ groupé)

Triple médaillé aux Mondiaux juniors 2016. «Ce sera intéressant de le voir dans une distance particulière comme le départ groupé. Le peloton est beaucoup plus relevé sur la scène internationale. Chris est un sprinter, alors que la plupart des gars de départ groupé sont spécialisés dans le 5000 m. Le défi pour lui sera de conserver ses jambes pour le sprint final.»

Antoine Gélinas-Beaulieu (Sherbrooke, 25 ans, 1500 m, 5000 m)

Septuple médaillé aux Mondiaux juniors 2010 en longue piste et en courte piste. «C'est LE retour. Ça lui a pris beaucoup d'efforts pour revenir après des problèmes de santé et de surentraînement. C'est un patineur naturel, très talentueux, techniquement très fort. Même s'il n'a pas travaillé beaucoup sa vitesse, il a réussi des temps incroyables au 1500 m: 1 min 44,32 s, tu peux parfois gagner des sélections avec ça [il a fini troisième].»

Olivier Jean (Lachenaie, 33 ans, départ groupé)

Médaillé de bronze au départ groupé aux Mondiaux 2017. «Il s'entraîne aux Pays-Bas dans la meilleure équipe professionnelle, avec comme coéquipier Jorrit Bergsma, champion olympique du 10 000 m. Ils sont vraiment intenses à l'entraînement, avec beaucoup de volume en vélo. Olivier me disait qu'il tenait des vitesses moyennes similaires à celles des cyclistes pros. Je l'ai vu il y a quelques jours dans un marathon de 125 tours. La vitesse était ridiculement rapide, à peine plus lente qu'un départ groupé de 16 tours en Coupe du monde. Il devrait tirer son épingle du jeu.»

David La Rue (Saint-Lambert, 19 ans, 1000 m, 1500 m)

Quatrième au 1000 m aux Mondiaux juniors 2017. «Comme Alex [Boisvert-Lacroix], il s'entraîne à Montréal en courte piste. Aux sélections, il a battu le record canadien junior au 1500 m et il est passé à deux dixièmes du record mondial junior au 1000 m. Il fait du longue piste depuis moins d'un an. Il est très mature pour son âge. C'est rare qu'un junior se qualifie dans l'équipe canadienne. Ben Donnelly est le dernier en 2016 et il est devenu champion mondial junior.»

Alexandre St-Jean (Québec, 24 ans, 500 m, 1000 m)

Douzième au 1000 m aux Mondiaux 2017. «Il est étudiant en médecine dentaire à l'Université Laval. Il a pris l'année off ou presque pour se concentrer sur le patin. L'an dernier, il suivait six cours par session. C'était fou ! Le matin d'une course, il pouvait passer trois heures dans ses livres. J'aurais été absolument incapable de faire ça. Il est discipliné, c'est impressionnant.»

Laurent Dubreuil (Lévis, 25 ans, 500 m)

Médaillé de bronze au 500 m aux Mondiaux 2015. «J'ai été neuvième au monde ces deux dernières saisons, mais je me sens tellement mieux. Je suis à la recherche des feelings techniques de 2014-2015, où j'avais gagné plein de médailles. Je suis persuadé que je suis plus fort physiquement qu'à cette époque.»

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Surcharge

Très constant l'hiver dernier, Dubreuil a terminé neuvième au classement cumulatif de la Coupe du monde et des Mondiaux. «Je suis tanné d'être neuvième au monde, prévient le patineur de 25 ans. J'ai envie d'être dans les premiers, de gagner des médailles. Dans deux semaines, ça fera deux ans que je n'en ai pas gagné. J'ai fait beaucoup de top 10, je suis passé proche, mais je suis tanné, c'est aussi simple que ça.  Ma valise est un peu trop pesante, mais ça ne me dérange pas de payer un surplus de 50 $ pour ramener deux, trois médailles...»

18 centièmes

C'est l'écart maximal qui a séparé Dubreuil du podium aux Mondiaux et lors des six épreuves de Coupe du monde où il a fini parmi les 10 premiers.

Pédale douce à l'entraînement

Après trois années à augmenter la charge à l'entraînement, Dubreuil a fait une coupure quasi radicale cette saison. Il a par exemple réduit de plus de moitié son volume à basse intensité en vélo. «L'an passé, je pense que j'en ai trop fait, observe-t-il. Je reste un gars de 500 m et je me sentais moins explosif, moins rapide, comme endormi. J'ai donc beaucoup coupé et j'ai remplacé ça par... rien. J'ai beaucoup mis l'accent sur la récupération et rester en santé. Ça peut sembler contre-intuitif de moins s'entraîner, mais à date, toutes les courses et mes sensations sur la glace confirment que c'était la bonne décision.»

Groupe B

Avant de penser à renouer avec le podium, Dubreuil et Alex Boisvert-Lacroix devront d'abord sortir du groupe B dans lequel ils sont relégués pour le premier 500 m de l'année, vendredi à Heerenveen. Pour ce faire, ils devront se classer parmi les cinq premiers. Pour l'heure, seul Gilmore Junio, gagnant des sélections, patine dans la division A. La faible représentation canadienne dans cette épreuve traditionnellement forte est attribuable aux mauvaises prestations des patineurs la saison dernière. «Je tiens à dire que si on avait eu assez d'argent pour envoyer une équipe complète à la cinquième Coupe du monde, on aurait deux places dans le groupe A», affirme Dubreuil.

Domination

Les Néerlandais ont écrasé la concurrence aux derniers Jeux olympiques de Sotchi, gagnant 8 des 12 médailles d'or à l'enjeu, remportant un total de 23 médailles et montant sur le podium dans chacune des épreuves. Ça ne risque pas de changer à PyeongChang. «Ce qui est fou, c'est la profondeur de leur équipe d'année en année, souligne Dubreuil. Aux Jeux, 50% de leurs patineurs n'auront pas été là la dernière fois. Les résultats vont être les mêmes. Ils vont probablement gagner deux courses sur trois et avoir deux personnes sur le podium à chaque épreuve.»



Le Canada en hausse

Le Canada a gagné deux médailles à Sotchi, l'oeuvre de Denny Morrison (et de Gilmore Junio qui s'était désisté pour lui céder la place). Le pronostic s'annonce meilleur pour PyeongChang. «On ne contera pas de menteries, si Denny avait connu une mauvaise fin de semaine à Sotchi, on n'avait pas vraiment de chances de médaille, analyse Dubreuil. On était dans un creux, Christine Nesbitt et Cindy Klassen étaient en fin de carrière et la relève n'était pas arrivée à temps. Depuis, on s'est vraiment améliorés chaque année.» Pour la deuxième année de suite, les patineurs canadiens sont montés trois fois sur le podium aux derniers Mondiaux, grâce à Ivanie Blondin (bronze, 5000 m), Vincent De Haître (argent, 1000 m) et Olivier Jean (bronze, départ groupé). Heather McLean, Marsha Hudey, Isabelle Weidemann et Ted-Jan Bloemen ont aussi frappé à la porte, sans compter la poursuite masculine et encore De Haître au 1500 m (4e).

Les sélections

Les patineurs canadiens pourront sécuriser leur participation aux Jeux de PyeongChang en montant sur le podium au moins une fois et en terminant parmi les cinq premiers au classement cumulatif d'une épreuve lors des quatre Coupes du monde automnales. Ils devront aussi enregistrer un temps parmi les 16 meilleurs. Sinon, les places seront attribuées à l'issue des sélections olympiques de Calgary, du 4 au 9 janvier. En départ groupé, Olivier Jean et Christopher Fiola devront simplement finir parmi les 16 premiers au classement cumulatif des quatre premières Coupes du monde.

Jasons patin

Communicateur né, Laurent Dubreuil coanime avec son coéquipier William Dutton une nouvelle émission sur le patinage de vitesse diffusée sur YouTube. Appelée Speed Skating Chats, l'émission est produite par le patineur finlandais Mika Poutala, qui s'entraîne à Calgary depuis quelques années. Pour tout savoir sur le dernier espoir japonais, la qualité douteuse de la glace à Séoul ou le mystère de la paternité chez les meilleurs sprinters...

Photo Ivan Sekretarev, archives Associated Press

Ivanie Blondin