Assise en bordure du circuit Gilles-Villeneuve, dans l'île Notre-Dame, Valérie Maltais s'apprête à chausser les patins pour une séance d'entraînement matinale. «C'est-tu l'fun mettre ses patins quand il fait soleil comme ça!», lance-t-elle avec enthousiasme.

Après sept années à glisser sous les réflecteurs de l'aréna Maurice-Richard, l'athlète de 24 ans avait besoin d'air. Littéralement. La solution? Troquer les lames pour la «roulette», le terme des initiés pour désigner le patinage de vitesse à roues alignées.

L'athlète de 24 ans s'y adonnait déjà comme moyen de transport, mais jamais comme cette année, alors qu'elle s'y consacre à fond. Au point de remporter les Championnats québécois et canadiens, ce qui lui a valu sa qualification pour le Festival sportif panaméricain de Puebla, qui se déroule jusqu'à demain au Mexique.

Avec trois coéquipiers, dont le Québécois Christopher Fiola, Maltais représente le Canada à cette compétition préparatoire aux Jeux panaméricains de Toronto, à l'été 2015, où le sport à roulettes sera une discipline à part entière au même titre que l'athlétisme, la natation et les quilles. La patineuse de La Baie, au Saguenay, vise d'y prendre part.

Non, Valérie Maltais n'a pas l'intention d'abandonner le patinage de vitesse courte piste. Cette discipline, qui lui a valu l'argent au relais aux Jeux olympiques de Sotchi et le bronze aux Mondiaux de Montréal, le printemps dernier, reste sa priorité absolue.

«Mais cet été, j'ai vraiment du plaisir à faire ça, a-t-elle expliqué la veille de son départ pour le Mexique. En fait, j'en avais besoin. J'avais besoin d'un break. C'est une année post-olympique et ça faisait deux cycles que je faisais.»

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Maltais ne s'entraîne pas seule en dilettante sur le circuit. Elle rejoint plutôt six autres patineurs pour une séance dirigée par Jose Luis Munera, entraîneur de l'équipe du Québec. Ce dernier est originaire de la Colombie qui est au premier rang mondial du patinage sur roues alignées depuis plusieurs années. Avant d'émigrer à Montréal avec sa famille en 2011, il était entraîneur-chef de l'équipe nationale dans les années 90.

Faute d'une véritable «patinoire» officielle de 200 mètres avec virages inclinés, Munera entraîne sa petite troupe dans le virage en épingle du circuit Gilles-Villeneuve, qui fait un peu plus que la distance réglementaire. Les conditions sont plutôt rudimentaires. Maltais et ses sept coéquipiers doivent se méfier des tracteurs qui circulent. Et compter sur le bon vouloir des employés du parc Jean-Drapeau, qui leur laissent une petite ouverture dans la clôture barrant l'accès à l'épingle.

L'ambiance est bon enfant, mais le travail, sérieux. Les patineurs peuvent facilement atteindre les 50 km/h sur leurs quatre roues de 110 millimètres. Il faut les voir lancer une jambe sur la ligne pour remporter un sprint amical, exactement comme en courte piste.

«Hé qu'ils sont énervés!» rigole Maltais, amusée par l'enthousiasme de ses jeunes coéquipiers masculins, âgés de moins de 20 ans. Avec la présence de deux Colombiens d'origine, Juan Diego Zuluaga, le beau-fils de Munera, et Nicolas Laborde, récent vice-champion junior dans son pays natal, l'espagnol se mêle joyeusement au français.

«Au niveau technique, je pense que la roulette va m'apporter plus de rapidité et de force dans les jambes, qui sont plus affinées, je trouve», constate Maltais, initiée à ce sport par son compagnon Steve Robillard, ancien membre de l'équipe canadienne de courte piste qui a toujours été un adepte des roues alignées.

Dans les compétitions internationales, les distances varient entre le sprint (300, 500 et 1000 m) et les longues distances (10 km élimination et 15 km aux points et élimination). Il existe aussi des compétitions sur route de type marathon, auxquelles Maltais a déjà participé.

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L'entraîneur Munera est convaincu que Maltais aura gagné en technique, en puissance et en endurance lorsqu'elle retournera sur la glace le mois prochain. «Il y a quelques mythes au sujet du roller», constate le coach en balayant la piste du bout du pied pour éloigner quelques cailloux. «Des entraîneurs pensent que ce n'est pas bon pour la glace. Mais le sport commence à être de plus en plus reconnu.»

Des champions mondiaux de patinage à roues alignées, comme l'Américain Chad Hedrick et, plus récemment, le Néerlandais Michel Mulder, sont devenus médaillés d'or olympique sur l'ovale de longue piste.

Après un premier flirt de 1995 à 2001, la Fédération de patinage de vitesse du Québec (FPVQ) a d'ailleurs recommencé à s'intéresser au sport. Un comité pour la discipline de roues alignées est en place depuis 2011 et un championnat provincial a été organisé au printemps. Pour la première fois, une équipe du Québec a également été formée, dirigée par Munera et Robillard.

Pour le directeur général de la FPVQ, il s'agit d'une démarche «exploratoire à long terme» pour cette discipline estivale, cousine du courte et du longue piste. «Ça peut donc s'arrimer, estime Robert Dubreuil. Mais on ne veut pas prendre une tendance à l'américaine, où un bon pourcentage des équipes courte et longue piste était composé de gens provenant du roues alignées. (...) De toute façon, l'effervescence n'est plus la même. On pense qu'il y a un bon potentiel pour un sport de compétition, qui est également accessible à la masse.»

Le 24h Roller Montréal, principal événement de financement pour le sport, fêtera son 10e anniversaire les 23 et 24 août au circuit Gilles-Villeneuve. Les Championnats du monde auront lieu en Argentine en novembre. Maltais n'exclut pas sa participation, même si elle sera en pleine saison de courte piste.