François-Louis Tremblay était sur le mont Royal dimanche pour assister au Grand Prix cycliste de Montréal. Ce n'est pas sans un léger pincement au coeur qu'il a vu David Veilleux effectuer ses derniers coups de pédale sous les applaudissements du public et de sa famille.

Tremblay n'a pu s'empêcher de penser qu'il n'a pas eu droit à ce dernier tour de piste.

Quatre semaines plus tôt, à l'aréna Maurice-Richard, la carrière du patineur de vitesse courte piste s'est terminée de façon abrupte. En demi-finale du 1000 mètres, dernière épreuve de la sélection pour les Jeux olympiques de Sotchi, il a tenté un dépassement audacieux. Olivier Jean lui a fermé la porte et les deux sont tombés, entraînant Charles Hamelin dans leur chute. Blessé, le double champion olympique perdait ainsi sa chance de réussir le balayage des neuf épreuves. Frustré, il est sorti de la glace avec fracas.

Tremblay s'attendait à ce que les arbitres consultent la reprise vidéo. Il a plutôt reçu un carton jaune, le tout premier de sa carrière de 15 ans sur la scène internationale. Loin de blâmer les arbitres, il croit néanmoins que l'onde de consternation qui a balayé l'aréna a influencé leur jugement.

Ce carton jaune le disqualifiait et le privait de point pour cette épreuve et, par le fait même, d'une dernière occasion d'améliorer son sort dans le processus de sélection. Plutôt que de se battre pour la troisième, la quatrième ou la cinquième place, il était relégué au septième rang. Il pouvait faire une croix sur une participation à ses quatrièmes JO.

«J'en ai braillé pendant des heures. À l'aréna, chez nous. Je n'arrivais pas à m'arrêter. J'étais inconsolable», raconte François-Louis Tremblay.

À 32 ans et après deux saisons difficiles, il était prêt à accepter l'idée de se faire battre à la régulière. Mais la préparation estivale avait été excellente et, à la surprise générale, il était au plus fort de la course pour un poste. La disqualification a tout changé. Surtout, elle l'a privé d'un dernier tour de piste.

«Ç'aurait été une manière de dire merci au public et à ma famille, regrette-t-il. Je n'ai pas eu cette dernière course-là. Pas de main d'applaudissements, de commentaire de l'annonceur. Je suis parti en étant montré du doigt parce que j'avais blessé Charles. Ça me touchait profondément. J'aurais tellement aimé avoir un dernier moment comme David Veilleux. Pas une ovation, mais un petit clin d'oeil. Je suis parti dans le silence.»

Six jours plus tard, il a été convoqué par son entraîneur Derrick Campbell. Sur la base de ses qualités de relayeur, il espérait être choisi comme réserviste. Finalement, un coéquipier lui a été préféré. Pour «Flou», il n'y avait plus d'intérêt à poursuivre l'entraînement: «Grosso modo, je suis rentré dans le bureau pour me faire dire que je prenais ma retraite...»

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François-Louis Tremblay raconte cela sans rancoeur. Ce dénouement lui a fait de la peine, mais il est prêt à passer à autre chose. Hier après-midi, alors que ses collègues rencontraient les médias avant leur départ en Coupe du monde, il a officiellement annoncé son retrait d'un sport qu'il pratique depuis l'âge de 4 ans.

«Comme beaucoup d'autres, j'ai commencé à patiner grâce à Gaétan Boucher», se souvient Tremblay. Jamais il n'aurait cru pouvoir dépasser les quatre médailles olympiques de l'illustre patineur. Avec cinq podiums à Salt Lake City, Turin et Vancouver, il est l'olympien canadien masculin le plus médaillé avec Marc Gagnon.

Tremblay ne fait pas de cas de ce record, rappelant le rôle de «pionnier» de Boucher, qui s'illustrait à une époque où les athlètes canadiens ne connaissaient pas de tels succès. «Le nombre de médailles, ça ne veut pas tout dire, souligne-t-il. Il faut toujours mettre les choses en perspective. Un patineur ou un bosseur n'a qu'une chance de gagner une médaille. Moi, j'en avais quatre par Jeux.»

Titré deux fois sur 500 m aux Championnats du monde, Tremblay n'a jamais pu s'imposer sur une distance individuelle aux JO. Il garde cependant un souvenir impérissable de son dernier relais qui a permis au Canada de conquérir l'or à Vancouver. Il avait alors toute la pression d'une équipe et d'un pays sur les épaules. «Si on fait une gaffe, on sait que tout le monde va t'en vouloir...»

Le moment le plus difficile? Son exclusion de l'équipe pour les Mondiaux de 2003 et de 2004. Dans le regard des autres, il a senti qu'on lui disait qu'il était temps de se retirer. Il est revenu, ce qu'aucun patineur canadien n'avait réussi jusque-là. «Se battre pour donner tort aux autres avec tes performances, ça aussi, ça fait du bien.»

Tremblay se donne deux ans pour terminer son baccalauréat en finance à l'UQAM. Une maîtrise l'intéresse. Allumé et touche-à-tout, il veut explorer d'autres horizons, même si la flamme sportive l'anime encore.

La «vie de moine» ne lui manquera pas, ni l'obligation de dire non à des amis qu'on finit par perdre de vue.

Il regrettera cependant la compétition et l'entraînement au sein d'un groupe «exceptionnel», le meilleur qu'il ait connu. Et qui a perdu l'un de ses piliers.