Il n'y a jamais rien d'acquis dans la vie. Demandez à la patineuse de vitesse Valérie Maltais. Des 10 membres de l'équipe canadienne de courte piste, elle a été la seule à quitter les Jeux olympiques de Vancouver sans médaille.

Cette déception, elle l'a revécue pendant plusieurs mois lorsqu'elle accompagnait ses coéquipiers Marianne St-Gelais, Charles Hamelin et compagnie dans les nombreux événements qui ont suivi le triomphe olympique. Si on l'invitait, c'était par charité, sentait-elle. «Des fois, je ne me sentais pas à ma place.»

Elle ne se sentait pas plus à sa place sur la patinoire olympique du Pacific Coliseum. Nerveuse, «presque spectatrice», la cadette de l'équipe, à 19 ans, n'a pas couru à la hauteur de ses capacités. Quatorzième du 1500 m, sa seule épreuve individuelle, elle n'a pas reçu l'appel de son entraîneur pour la demi-finale du relais.

Ce fut «une claque dans la face» qu'elle n'a jamais vue venir. Ses parents, qui étaient sur place, non plus. Interloqués et choqués, ils ont quitté Vancouver. Maltais a dû composer avec leur désarroi et leur incompréhension. Encore aujourd'hui, le sujet est délicat.

Avec le recul, Maltais a compris pourquoi son entraîneur Sébastien Cros l'avait laissée de côté. À l'entraînement, elle avait la fâcheuse habitude de mettre les voiles quand ça n'allait pas à son goût. «Je démontrais un peu de caractère. Je me disais: OK, ça ne va pas bien, je lâche, je débarque de la pratique.»

Ce qui ne veut pas dire qu'elle approuve la décision de Cros. Elle est toujours persuadée qu'elle aurait pu tenir son bout dans la demi-finale du relais, qui a par la suite remporté l'argent.

Seulement, elle en accepte l'entière responsabilité. La prochaine fois, elle ne veut pas laisser le choix à son entraîneur.

«J'ai pleuré, mais j'ai renversé ce sentiment-là, affirme Maltais. Je vais tout faire en mon pouvoir pour que ça n'arrive pas aux prochains Jeux.»

Elle surprend à Shanghai

À l'évidence, ce ne sont pas que des paroles en l'air. En mars, Maltais a causé la surprise en gagnant l'argent aux Championnats du monde de Shanghai, grâce à une victoire en super finale du 3000 m. Elle a aussi gagné le bronze au 1000 m.

La saison morte ne l'a manifestement pas ralentie. Aux sélections nationales de Calgary, le mois dernier, la patineuse originaire de La Baie, au Saguenay, a gagné cinq des six épreuves. Elle est particulièrement fière de sa victoire au deuxième 500 m, au cours duquel elle a réussi un dépassement sur St-Gelais, vice-championne olympique.

Ironiquement, Maltais situe son «déblocage» à décembre dernier, au moment où l'équipe féminine était en pleine incertitude. Cros passait alors une bonne partie de son temps en Europe, où il rejoignait une nouvelle flamme. Frustrée de la situation, Maltais en a profité pour «élargir ses horizons».

L'athlète de 22 ans s'est tournée vers sa propre flamme, son chum Steve Robillard, entraîneur, ancien membre de l'équipe canadienne et préparateur de ses lames. Réticente au départ, elle s'est finalement laissé convaincre de modifier la configuration de ses lames.

Après une courte période d'adaptation, ce changement technique a été «presque une révélation»: meilleure glisse, plus d'amplitude dans le mouvement, utilisation de toute sa musculature et plus de stabilité dans les virages. Un mois plus tard, Maltais a gagné les championnats canadiens pour la première fois. «Je me sentais super bien. On dirait que ça avançait tout seul.»

Des conseils de Marc Gagnon

L'absence de Cros a aussi été l'occasion de longs entretiens avec Marc Gagnon, entraîneur au centre régional d'entraînement à l'aréna Maurice-Richard. Le quintuple médaillé olympique a prodigué à Maltais de nombreux conseils tactiques et stratégiques. «Il avait de la crédibilité, souligne-t-elle. Quand il te parle de feelings sur glace, de dépassements, tu sais qu'il l'a déjà expérimenté.»

Cros parti pour de bon - il entraîne maintenant l'équipe russe - Maltais et ses coéquipières sont maintenant dirigées par Frédéric Blackburn, autre ancien champion de la génération de Gagnon. «Ça se passe super bien, dit-elle. Il n'a pas tout changé. Il se base beaucoup sur le modèle de plan d'entraînement de Sébastien. C'est la même logique.»

«Une généraliste»

Du 19 au 21 octobre, Maltais entreprendra déjà sa cinquième saison internationale lors de la Coupe du monde de Calgary. Montréal suivra une semaine plus tard à l'aréna Maurice-Richard. Surtout reconnue au 1500 m, elle veut élargir son spectre. «Je me considère comme une généraliste», précise-t-elle.

Elle souhaite ajouter à sa collection de trois médailles individuelles en Coupe du monde et aimerait décrocher un titre cumulatif sur une distance. À un an et demi des JO de Sotchi, la concurrence promet d'être plus vive que jamais. La Chinoise Meng Wang, quadruple championne olympique, est de retour après une suspension de 13 mois pour une altercation avec son directeur d'équipe.

Maltais est prête. «Maintenant, tu ne me verras jamais lâcher dans un entraînement, affirme-t-elle. Quand je casse, je les finis, mes tours.»

Coûte que coûte. Parce qu'il n'y a jamais rien d'acquis.

Photo: Bernard Brault, La Presse