Marianne St-Gelais avait terminé sa ronde d'entrevues quand la nuée de microphones et de caméras l'a de nouveau happée, mercredi matin. Yves Hamelin, patron du programme de courte piste canadien et incidemment son beau-père, venait de confirmer aux médias ce que tout le milieu savait depuis plus d'un mois: Kalyna Roberge se retirait définitivement du patinage de vitesse.

«Ah non, pourquoi il a annoncé ça!» a lancé St-Gelais, mi-sérieuse, mi-blagueuse, en levant les yeux vers le plafond de l'aréna Maurice-Richard. La vice-championne olympique du 500 mètres comprenait que la traditionnelle journée médiatique du début de saison prendrait une autre tournure.

Parce que le départ de Roberge, qui vient d'avoir 25 ans, est une perte considérable pour le programme féminin. Malgré une fin de carrière en dents de scie, la patineuse de Saint-Étienne-de-Lauzon était un pilier, une «force» comme l'a dit St-Gelais, déçue de la retraite de cette coéquipière talentueuse.

L'absence de Roberge se fera sentir autant en compétition qu'à l'entraînement, où elle agissait souvent comme locomotive au sein d'un groupe relativement jeune.

«À la fin d'un entraînement, quand on était toutes fatiguées, elle allait souvent devant pour tirer un dernier tour, a relaté St-Gelais. On n'était pas capables de la suivre parce qu'elle était trop forte pour nous.»

L'étincelle n'était plus là

La décision de Roberge, ancienne championne mondiale du 500 m et double médaillée olympique au relais, a été accueillie avec résignation par la direction de Patinage de vitesse Canada. Depuis plusieurs années, l'athlète avait exprimé son malaise de devoir vivre à Montréal pour pratiquer son sport, alors que son chum, sa famille et son coeur étaient à Québec. L'an dernier, elle a choisi de prendre une année sabbatique pour pouvoir se consacrer à la construction de sa maison et à ses études collégiales en éducation à l'enfance.

Le patin lui a cependant manqué et, au printemps, elle avait décidé de remettre les lames pour la prochaine saison. Roberge a rejoint l'équipe en juin pour un camp en altitude à Font-Romeu, en France. Athlétiquement et techniquement, son retour a été un succès, surtout considérant l'année complète qu'elle avait ratée.

Mais l'étincelle n'était plus là. «On s'en doutait un peu, a dit St-Gelais. On était plusieurs filles à sentir qu'elle avait des réticences à l'entraînement.»

À la fin d'août, de retour chez elle pour reprendre ses études tel que prévu, Roberge a prévenu ses entraîneurs qu'elle ne reviendrait pas pour les sélections automnales. Yves Hamelin a reçu la confirmation de sa retraite lors d'un entretien téléphonique la semaine dernière.

«Elle ne se sentait pas prête à consacrer les deux prochaines années et demie au patin, a-t-il expliqué. Elle voulait mobiliser ses énergies pour ses objectifs scolaires et familiaux. Connaissant très bien Kalyna, je sais que c'est le fruit d'une longue réflexion. Je ne peux que respecter sa décision, même si ce n'est jamais réjouissant de perdre l'une de ses meilleures athlètes.»

Le relais canadien, qui ambitionne de se rapprocher de la Chine et de la Corée, risque d'en pâtir.

La retraite de Roberge coïncide aussi avec celles de Marie-Andrée Mendès-Campeau et Laurie Marceau, deux jeunes qui commençaient à se faire les dents sur la scène internationale. L'olympienne Jessica Gregg (séquelles postcommotion) et Valérie Lambert (dos) soignent pour leur part des blessures. Pour pallier ces pertes, des jeunes patineuses du club de développement Montréal-International s'entraînent maintenant à Maurice-Richard deux fois par semaine.

«On n'a pas le choix, il faudra chacune faire notre parti pour combler le vide que Kalyna va laisser», a souligné St-Gelais.