Trois fois champion du monde, six fois champion canadien, Patrick Chan a tout d'un surdoué et il va tenter à Sotchi de réussir un exploit inédit dans l'histoire du patinage artistique canadien: remporter une médaille d'or chez les hommes.

Déjà parmi les favoris il y a quatre ans à Vancouver, le patineur de 23 ans a tiré les leçons de sa décevante cinquième place, tout en puisant la motivation pour bien préparer Sotchi. «À l'époque, je n'avais que 19 ans, j'étais très jeune et à cet âge, on ne connaît pas la patience, on ne sait pas prendre son temps», expliquait Chan en point de presse, jeudi, à Ottawa.

«Je me sentais comme un chien dans une colonie de vacances pour les chiots. Tout m'excitait et je ne savais pas où me lancer pour profiter à plein de tout ce qui nous était offert. Rendu à la compétition, j'ai eu l'air d'un chevreuil qui voit des phares foncer sur lui!

«Avec le recul, je comprends que j'ai réalisé une belle performance à Vancouver et que j'y ai surtout gagné une expérience très importante pour préparer la suite de ma carrière et les Jeux de Sotchi.»

Vainqueur en Grand Prix à 16 ans, champion canadien à 17 ans, champion du monde à 20 ans, Chan a brûlé les étapes dans sa progression vers le sommet. Même s'il reste sur trois titres mondiaux consécutifs, sur six titres canadiens d'affilée - le septième lui est promis aujourd'hui - , le patineur a aussi subi des épreuves, aussi bien sur la glace qu'à l'extérieur.

Il s'estime aujourd'hui plus mûr, plus aguerri, et ne se laissera plus déconcentrer comme cela s'était produit à Vancouver. Battu il y a quelques semaines par le Japonais Yuzuru Hanyu, Chan n'a rien changé à sa préparation. «Je me suis demandé brièvement si je devais ajouter quelque chose à mon programme libre, mais nous avons compris que cette défaite n'était due qu'au programme court très moyen qui m'a laissé loin derrière Hanyu.

«Il ne faut pas oublier que la finale du Grand Prix était disputée au Japon, chez lui. Ce sera différent à Sotchi et ce seront ses premiers Jeux olympiques. Cela dit, je ne prends aucun adversaire à la légère. Yuzuru a obtenu de grosses notes aux Championnats japonais; Daisuke [Takahashi] a eu une saison difficile, mais il peut toujours surprendre, comme Javier [Fernández] ou Dennis [Ten].

En terrain connu

«Je vis maintenant seul, j'ai des responsabilités et j'ai acquis beaucoup de maturité, a expliqué Chan. J'espère pouvoir apprécier et profiter de l'ambiance olympique à Sotchi, mais quand viendra le temps de préparer la compétition, il n'y aura que cela qui comptera.»

Chan a aussi décidé de rester en terrain connu pour le programme libre le plus important de sa carrière. Il a choisi la musique des Quatre Saisons de Vivaldi. «J'utilisais cette pièce en 2008 quand j'ai gagné mon premier championnat national à 17 ans. Et c'est vraiment l'une de mes musiques préférées, des airs que je peux écouter des milliers de fois sans jamais m'ennuyer...»

Cette musique l'a aidé à battre son propre record du monde, en novembre, au Trophée Bompard de Paris, avec un total de 295,27 points.

Et c'est sans doute d'un pointage exceptionnel qu'aura besoin Chan à Sotchi s'il veut enfin briser cette «malédiction» qui semble poursuivre les patineurs canadiens aux Jeux olympiques. Quatre fois ils sont arrivés aux Jeux dans le rôle du favori, auréolés du titre de champion du monde. Brian Orser (en 1988), Kurt Browning (1992 et 1994) et Elvis Stojko (1998) ont tour à tour échoué dans leur quête d'un titre olympique. Tous présents à Ottawa, ils ont insisté à tour de rôle sur l'importance d'une bonne préparation mentale.

«Je suis bien d'accord, a répliqué Chan. J'ai déjà terminé ma préparation physique et technique plus tôt cette saison; désormais, c'est dans ma tête que ça va se passer. J'aimerais réussir encore une performance de qualité cette semaine [ce soir] aux Nationaux, mais je sais déjà que j'en suis capable.

«Cela me permet d'aborder la dernière étape de ma préparation avec une bonne base mentale. Je peux me dire: «Si je patine comme je l'ai fait à Paris, personne ne sera en mesure de battre mon pointage.» En fait, je n'ai qu'un adversaire: moi-même!»

Chan en chiffres

7

Il a remporté un total de sept titres canadiens, six chez les seniors et un chez les juniors. En principe, il sera encore couronné ce soir à Ottawa.

3

Avec trois titres mondiaux, Chan est à égalité avec Elvis Stojko. Kurt Browning les devance encore avec quatre titres. Le record absolu appartient au Suédois Ulrich Salchow, qui a donné son nom à un saut et qui a remporté dix titres mondiaux entre 1901 et 1911.

295,27

Chan a battu son record du monde à Paris en novembre lors de la course au trophée Bompard, une compétition du Grand Prix ISU. Il avait établi des marques pour le programme court, 98,52 points, et pour le programme long, 196,75 points, pour un total de 295,27 points.