Bien peu d'athlètes de haut niveau ont connu une vie aussi mouvementée que Mervin Tran, le patineur artistique montréalais qui avait enlevé la médaille de bronze des derniers Mondiaux en couple, mais qui ne sera pas à London cette semaine.

L'histoire de Tran passe par le Viêtnam, le Cambodge, la Saskatchewan et Saint-Léonard, avec un grand détour par le Japon, mais il rêve maintenant de représenter un jour le Canada aux Jeux olympiques.

«Mes parents étaient des réfugiés et je suis né à Regina, a expliqué Tran, la première fois que nous l'avons rencontré. Ce sont Bruno Marcotte et Richard Gauthier [ses entraîneurs au CPA Saint-Léonard] qui m'ont contacté pour me proposer de patiner avec une jeune Japonaise qui s'entraînait avec eux, Narumi Takahashi. Ils pensaient que ça ferait un bon match, en raison de mes origines asiatiques...»

Le «match» a effectivement été parfait pendant près de cinq ans. Pris en charge par la Fédération japonaise mais vivant à Montréal, le couple a rapidement progressé et s'est invité sur la troisième marche du podium, le printemps dernier, aux Mondiaux de Nice, en France.

Tran se voyait poursuivre l'aventure jusqu'aux Jeux de Sotchi, au point même de renoncer à sa citoyenneté canadienne pour prendre la japonaise, une condition essentielle pour représenter un pays aux Jeux. Il n'aura pas à le faire.

Après une série de blessures à une épaule, Takahashi a dû renoncer à la dernière saison pour subir une intervention chirurgicale. Rentrée au Japon, elle a longuement réfléchi à son avenir et a finalement avisé Trann en décembre dernier qu'elle souhaitait mettre fin à leur collaboration.

«C'était sa décision, pas la mienne, a expliqué le patineur la semaine dernière à Saint-Léonard. La Fédération japonaise m'a toujours soutenu, et j'étais prêt à signer les papiers pour devenir Japonais. Mais les règles sont strictes et, comme je ne parle pas la langue et que nous nous entraînons à Montréal, le dossier était compliqué.»

Repartir à zéro

Fidèle à son parcours, Tran est vite retombé sur ses patins. Avec Gauthier et Marcotte, il a étudié la liste des candidates susceptibles de patiner avec lui et il a vite arrêté son choix sur Natasha Purich, une Albertaine de 17 ans, deuxième des nationaux juniors avec Sebastian Arcieri.

«Je ne suis pas le plus grand des patineurs [1,75 m], et Narumi était vraiment menue, a rappelé Tran. Mais Natasha est encore plus petite [1,49 m] et elle a déjà une belle expérience sur la scène internationale. Nous n'en sommes encore qu'au tout début de notre collaboration, mais je crois que nous avons le potentiel pour aller loin.

«Je n'ai pu patiner en compétition cette année, mais j'en ai profité pour reprendre mes études en génie mécanique [à McGill] et pour travailler en gymnase. Je suis maintenant plus fort, plus solide pour porter ma partenaire. Et je n'ai encore que 22 ans et je me vois très bien patiner encore en 2018 ou même 2022.»

Richard Gauthier, qui a été l'entraîneur de David Pelletier et Jamie Salé, entre autres champions, croit lui aussi que ses deux patineurs pourraient surprendre. «C'est dommage pour Mervin qu'il n'ait pu continuer avec Narumi, mais je crois qu'il pourrait éventuellement aller encore plus loin avec Natasha.

«Le Canada pourrait avoir trois places en paires aux Jeux de Sotchi. Les deux premiers couples des nationaux - Meagan Duhamel-Eric Radford [qui s'entraînent aussi à Saint-Léonard] et Kirsten Moore-Towers-Dylan Moscovitch - sont excellents, mais la troisième place est à prendre...»

Tran avoue que le défi est de taille. «Il faut habituellement plusieurs saisons avant qu'un duo soit vraiment à l'aise sur la glace, et nous n'aurons que quelques mois, Natasha et moi, pour développer notre complicité, explique-t-il. Je suis prêt à y mettre le temps et les efforts nécessaires, et je sais que Natasha l'est aussi.»