Aucun athlète canadien n'est présentement plus dominant que le patineur artistique Patrick Chan. Le Torontois de 20 ans a connu l'an dernier une saison exceptionnelle, ponctuée par un titre mondial enlevé avec un total record de 280,98 points et une priorité de 22,57 points sur son plus proche concurrent.

Sa nouvelle maîtrise des quadruples sauts, sa technique sans faille et sa quête continuelle d'une élégance artistique lui ont permis d'atteindre des sommets qu'aucun autre patineur ne semble en mesure d'approcher. Les «retraites» des anciens champions olympiques Evan Lysacek et Eugeny Plushenko l'ont laissé sans rival à sa mesure et les analystes se demandent jusqu'où il pourra aller.

«Ce qu'il a fait le printemps dernier à Moscou (aux Mondiaux) est vraiment historique», a souligné le grand champion américain Scott Hamilton, aujourd'hui analyste à la télévision. Il a complété trois quadruples sauts et plusieurs combinaisons inédites, tout en atteignant la perfection dans tous les autres aspects techniques comme les pirouettes ou les jeux de pieds.

«D'un coup, il a haussé le niveau de difficulté du patinage masculin d'une bonne vingtaine de points. Les jeunes qui croyaient s'approcher du sommet l'ont soudainement vu s'éloigner hors d'atteinte. Et les plus vieux, qui croyaient pouvoir revenir à Sotchi en adaptant un peu leurs programmes, vont vite constater qu'ils ne sont plus dans le coup.

«De plus, il ne faut pas oublier que Patrick n'a encore que 20 ans et qu'il va continuer de s'améliorer pendant plusieurs années encore, jusqu'à Sotchi et même après...», a conclu Hamilton, visiblement admiratif.

Le jeune patineur canadien assume d'ailleurs parfaitement son nouveau statut du «roi» du patinage artistique. Il y a quelques jours, en entrevue téléphonique, il a constaté: «Cette saison, je n'ai qu'eu seul rival: moi-même! Et je compte bien me dépasser chaque année, jusqu'aux Jeux de 2014.

«Cela dit, je suis un compétiteur et j'ai envie de rivaliser avec les meilleurs - Evan Lysacek, Eugeny Plushenko... - afin de prouver que je peux les vaincre. On ne sait pas encore s'ils seront à Sotchi, mais cela ne ferait que rendre la compétition plus intéressante pour moi.»

Maturité et élégance

Polyglotte, s'exprimant bien, à l'aise devant les médias, Chan a ajouté cette année la maturité à l'éventail de ses qualités. «Ma dernière saison m'a procuré l'assurance que me permet aujourd'hui d'être plus indépendant», a-t-il expliqué.

«Au cours des dernières années, j'ai suivi les conseils de mon entourage - de ma famille, de mes entraîneurs, de mes amis - et cela ne m'a pas toujours aidé, dans les mois précédents les Jeux de Vancouver par exemple.

«J'ai davantage l'impression de contrôler ma destinée aujourd'hui. Ma famille sera toujours importante - ils ont sacrifié tellement pour moi! -, mes entraîneurs aussi, mais c'est moi qui prends les décisions importantes.»

Le patineur s'entraîne principalement depuis quelques saisons à Colorado Springs, aux États-Unis, où plusieurs autres champions de nombreux pays sont réunis. Les entraîneurs Christy Krall (technique) et Kathy Johnson (artistique) l'aident à développer ses programmes, mais on sent très bien que Chan est en plein contrôle de sa carrière.

Il a ainsi choisi pour son nouveau programme long, la musique du Concerto d'Aranjuez de Joaquín Rodrigo, une oeuvre que plusieurs patineurs ont utilisée avant lui. L'Américaine Michelle Kwan en avait notamment offert une interprétation magistrale au milieu des années 2000 et Chan devra inévitablement subir les comparaisons.

«Ça ne me dérange pas que d'autres s'en soient servi auparavant; si je patine le programme dont je suis capable, personne ne se souviendra des autres patineurs, a assuré Chan, en riant. C'est important d'aimer la musique sur laquelle on patine, d'être capable de ressentir des émotions très fortes en l'écoutant. Après tout, on va écouter cette pièce des centaines de fois...»

Déjà la relève

Même si Chan est visiblement là pour longtemps, le Canada peut se targuer d'avoir une solide relève chez les hommes, avec notamment le champion du monde junior, Andrei Rogozine.

D'origine russe, le patineur de 18 ans est arrivé au Canada à l'âge de quatre ans et c'est ici qu'il a appris à patiner. Ses entraîneurs sont toutefois des expatriés russes, Inga Zuzev et Andrei Berezintsev, et il patine avec une élégance toute slave. Il fait ses débuts chez les seniors ce week-end à Skate Canada.

Le Québécois Elladj Balde, lui aussi un patineur d'origine russe, sera le troisième Canadien à Mississauga. Très charismatique, il s'exécutera sur la musique de Michael Jackson, ce soir, dans son programme libre.

CHAN N'EST PAS PARFAIT!

On attendait beaucoup du Canadien Patrick Chan, ce weekend, à la compétition Skate Canada International et le champion du monde en titre a un peu déçu en se contentant de la troisième place du programme court, vendredi soir, à Mississauga.

Chan a raté une quadruple boucle piquée et doublé un triple axel pour rester à près de 10 points de son record personnel avec un total de 83,28 points. Il a été devancé par l'Espagnol Javier Fernandez. (84,71) et par le Japonais Daisuke Takahashi (84,66). Chan aura toutefois toutes les chances de se reprendre ce soir dans le programme long.

Rogozine sixième

Andrei Rogozine, le premier Canadien champion du monde junior depuis 1971, a bien fait dans sa première compétition sénior avec une sixième place. Le Montréalais Elladj Balde est dixième.

Des ennuis pour Lacoste et Phaneuf

En simple féminin, Amélie Lacoste et Cynthia Phaneuf ont connu de petits ennuis dans le programme court et elles ne sont respectivement que sixième et huitième avant la finale de cet après-midi. Le classement est toutefois très serré derrière l'étonnante meneuse russe Elizaveta Tuktamisheva, une patineuse de 14 ans seulement qui débute chez les séniors. Lacoste et Phaneuf pourraient donc progresser, d'autant plus que le programme libre compte pour les deux tiers du pointage final.

Dubé et Wolfe sixièmes

En paire, Jessica Dubé et Sébastien Wolfe ont obtenu une encourageante sixième place pour leur premier Grand Prix. Meagan Duhamel et Eric Radford, qui vivent et s'entraînent à Montréal avec Richard Gauthier et Bruno Marcotte, sont les mieux placés des trois couples canadiens avec une deuxième place, à bonne distance toutefois des favoris russes Tatiana Volosozhar et Maxim Trankov.

En fin de soirée, les champions olympiques Tessa Virtue et Scott Moir étaient largement favoris pour prendre l'avantage en danse.