Accusés, levez-vous: l'appel de 39 des 42 athlètes russes suspendus à vie pour avoir profité d'un système de dopage institutionnalisé lors des Jeux olympiques de Sotchi en 2014 s'est ouvert lundi à Genève auprès du Tribunal arbitral du sport (TAS).

Alors que la matinée était «réservée aux questions de procédure et aux plaidoiries», selon une source proche du TAS, les premiers athlètes russes, trois patineurs de vitesse, sont arrivés sur place en début d'après-midi, a constaté un journaliste de l'AFP.

Alexander Rumyantsev, Artem Kuznetzov et Olga Fatkulina, qui portait une veste de survêtement de l'équipe de Russie, sont arrivés vers 13h GMT (8h heure du Québec).

«Maintenant je pense que tout ira bien», a déclaré à la presse Olga Fatkulina, médaillée d'argent à Sotchi sur 500 m et qui dans un premier temps ne comptait pas se présenter devant le TAS.

Un quatrième patineur de vitesse, Ivan Skobrev, a fait appel de sa suspension mais ne devrait pas se déplacer jusqu'à Genève.

Face au grand nombre d'athlètes attendus, le tribunal qui siège habituellement à Lausanne, a dû se délocaliser au Centre des conférences de Genève.

Conformément au règlement de la plus haute juridiction sportive, cette audience qui doit durer jusqu'à samedi ou dimanche n'est ouverte ni au public ni aux médias.

Rare par son ampleur, l'audience sera également marquée par le témoignage, à distance, de Grigory Rodchenkov, ancien patron du laboratoire antidopage de Moscou désormais réfugié aux États-Unis et qui a révélé le système de dopage d'État en Russie.

Le juriste canadien Richard McLaren, auteur pour l'Agence mondiale antidopage (AMA) d'un rapport qui a mis en lumière ce système de dopage, apportera également son témoignage.

Rodchenkov et McLaren «seront entendus durant la semaine, mais pas chaque jour. Ils témoigneront à un moment donné en une seule fois», a précisé Matthieu Reeb, secrétaire général du TAS.

Divisés en deux groupes, les sportifs vont se défendre devant deux trios de juges-arbitres qui devront se prononcer dans un délai très bref car 21 des 42 suspendus espèrent encore disputer les Jeux olympiques de PyeongChang, du 9 au 25 février, essentiellement en bobsleigh, skeleton, ski de fond et patinage de vitesse.

«Les athlètes seront entendus un par un et je peux confirmer que l'audition durera au moins jusqu'à samedi soir», a encore indiqué M. Reeb.

«Manque de preuves»

La défense des 39 Russes est assurée par des avocats russes et suisses, «dirigés par le cabinet suisse Schellenberg Wittmer», a indiqué le cabinet.

Ces athlètes ont été suspendus à vie de Jeux olympiques par une commission disciplinaire du CIO «malgré le manque de preuves à leur encontre et en violation de leurs droits fondamentaux», a estimé le cabinet dans un communiqué.

Un panel indépendant de la Fédération internationale de bobsleigh et skeleton (IBSF), qui a levé la suspension provisoire de plusieurs Russes «a déjà confirmé que les décisions du CIO avaient été rendues en violation de la Convention européenne des droits de l'Homme», selon le même communiqué.

Un panel identique de la Fédération internationale de luge a «confirmé qu'il n'existait pas suffisamment de preuves» pour imposer de telles sanctions, a ajouté le cabinet qui «espère» que le TAS va «suivre les arguments de ces deux panels» et donc lever les suspensions à vie.

La Russie rétrogradée

Au total, la Russie, qui avait terminé en tête au classement des médailles aux JO de Sotchi, a dû rendre 13 de ses 33 médailles en raison de ces disqualifications et a cédé sa première place à la Norvège.

Parmi les athlètes disqualifiés et interdits à vie de JO figurent de grands noms des disciplines hivernales, notamment Alexander Legkov (champion olympique en ski de fond, sur 50 km) et Aleksandr Zubkov, double médaillé d'or (bob à 2 et bob à 4).

Zubkov a pris sa retraite sportive, mais préside la Fédération russe de bobsleigh et sa suspension l'empêche d'être présent sur les rendez-vous internationaux.

Les appels des trois dernières athlètes russes suspendues, des biathlètes également retraitées, seront examinés plus tard.

Le TAS prévoit de rendre ses décisions «pas avant le 30 ou le 31 janvier», a précisé M. Reeb, alors que les JO débutent le 9 février.

Le tribunal a certes promis de clarifier au plus vite la situation des 42 Russes disqualifiés, mais il reste encore à connaître la liste finale des sportifs russes «invités» à participer, liste établie par un panel du CIO présidé par l'ex-ministre française des Sports Valérie Fourneyron.

Vendredi, le CIO a annoncé que 111 noms sur une liste initiale de 500, proposée par le Comité national olympique russe, avaient été écartés.

Samedi, le vice-premier ministre russe chargé des Sports, Vitaly Moutko, lui aussi suspendu à vie par le CIO, a estimé qu'environ 200 athlètes russes «propres» allaient participer aux prochains JO d'hiver.