Des preuves sinon rien ! Tous les sportifs russes et kényans, et pas seulement les athlètes, sont désormais dans la ligne de mire du Comité international olympique, qui a remis en cause mardi leur «présomption d'innocence» face au dopage, à six semaines des Jeux de Rio.

Lors de son «sommet olympique» à Lausanne, en Suisse, le CIO devait notamment aborder la question des athlètes russes, visés par des soupçons de dopage généralisé depuis un rapport cinglant de l'Agence mondiale antidopage (AMA) en novembre.

Mais désormais ce sont la Russie ET le Kenya qui sont visés, et non seulement les athlètes, mais bien tous les sportifs de ces deux pays.

«Il y a des doutes sérieux sur la présomption d'innocence des athlètes russes et kényans», a asséné Thomas Bach, le président du Comité international olympique. Et «d'autres sports que l'athlétisme pourraient être concernés».

Le patron du CIO a mentionné au passage le rapport qui devrait être publié d'ici le 15 juillet par Richard McLaren. Mandaté par l'Agence mondiale antidopage (AMA), ce professeur de droit canadien enquête depuis mai sur les soupçons de dopage russe aux JO d'hiver 2014 de Sotchi.

Haltérophilie et natation?

Pour espérer voir Rio cet été, les sportifs russes, comme kényans, «devront être déclarés éligibles par leurs fédérations internationales respectives, après une évaluation individuelle», a précisé le patron du CIO.

Cette déclaration conforte la décision de la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) vendredi, qui a prolongé la suspension de l'athlétisme russe et fixé des règles très strictes pour le repêchage des rares athlètes russes qui pourraient démontrer être «propres».

De fait, ces critères n'ouvrent la porte des Jeux qu'à ceux s'entraînant à l'étranger, ce qui exclurait «la tsarine» de la perche, Yelena Isinbayeva, ou le champion du monde du 110 m haies, Sergey Shubenkov.

Quels sont les sports dans le viseur du CIO, autre que l'athlétisme? Thomas Bach n'en a cité aucun. Mais il pourrait s'agir de l'haltérophilie, qui vient de révéler dix cas de dopage aux JO de Londres 2012, dont celui du Russe Apti Aukhadov, médaillé d'argent (85 kg). Voire de la natation: lundi, le président de l'AMA, le Britannique Craig Reedie, a annoncé que l'agence enquêtait sur des allégations dans ce sport, en Russie et en Chine.

Du côté du Kenya, seul l'athlétisme -sport roi dans le pays- semble visé. Et les Kenyans, dont les athlètes sont les plus contrôlés depuis un an au niveau international, semblent bien mieux lotis que les Russes.

Drapeau russe

Une fois passés le crible de ces contrôles, les sportifs reconnus non dopés par leurs fédérations internationales pourront donc concourir à Rio.

Les athlètes russes au-dessus de tout soupçon pourront même le faire sous les couleurs de leur pays, et non sous bannière olympique. «Ils concourront sous les couleurs russes car (...) le comité national olympique russe n'est pas suspendu», a expliqué Thomas Bach.

C'est un petit point de désaccord entre le CIO et l'IAAF, qui avait expliqué bien vouloir de ces athlètes, mais sous statut neutre. Ce différend sur le drapeau est néanmoins mineur, a assuré à l'AFP une source proche de l'IAAF: «L'essentiel était que le CIO reconnaisse la prérogative de l'IAAF sur qui peut aller aux Jeux».

Depuis Tcheboksary, où se déroulent les Championnats de Russie, la «Tsarine» de la perche Yelena Isinbayeva a en tout cas retrouvé epoir, et pas seulement parce qu'elle a réalisé la meilleure performance mondiale de la saison (4,90 m).

«Hier, j'étais désespérée, mais je suis très optimiste aujourd'hui. Cela veut dire que la fin de ma carrière, j'espère, sera à Rio», a commenté la double championne olympique.

Isinbayeva, comme le spécialiste des haies Sergey Shubenkov, ne semblent pas mesurer toute la difficulté pour eux à répondre aux critères rigoureux fixés par l'IAAF.

Gatlin argument des Russes

«Il y a de nombreuses conditions (pour être repêché), mais j'espère que je les remplis. Je suis heureux que le bon sens et le compromis l'aient emporté», a ainsi déclaré Shubenkov.

Seule la sauteuse en longueur Darya Klishina peut afficher un vrai sourire, elle qui s'entraîne depuis deux ans aux États-Unis avec des contrôles réguliers.

«J'étais contente non seulement pour moi, mais aussi pour les autres athlètes qui pourront participer aux jeux Olympiques malgré la situation», a déclarée la sportive, sacrée mardi championne de Russie avec un saut en longueur à 6,84 mètres.

Du côté des autorités, la Russie ne décolère pas pour autant.

«Serait-il juste de rendre impossible la présence de Yelena Isinbayeva aux JO de Rio, où sera engagé Justin Gatlin (le sprinter américain), double suspendu pour dopage?», s'est ainsi insurgé Alexandre Joukov, le patron de l'olympisme russe, durant le sommet de Lausanne. «Du point de vue des athlètes russes, c'est une injustice extrême et une humiliation».

À plus long terme, le CIO a appelé à la tenue en 2017 d'une conférence mondiale pour «entièrement réexaminer le système de lutte antidopage».

Une façon d'admettre qu'il sera difficile de faire un vrai ménage avant les JO de Rio, sauf à ce que toutes les fédérations internationales, et pas seulement l'IAAF, jouent le jeu de la transparence et répondent à l'appel du CIO en traquant les tricheurs.