Pour «envoyer un message», ils voulaient obtenir une rencontre avec le Comité international olympique (CIO), de passage en Russie. Tout ce qu'ont obtenu des militants russes de la cause homosexuelle est un refus et une vague promesse.

Le CIO s'est rendu en Russie cette semaine, 100 jours avant les Jeux. Au fait de la venue de l'organisme et de son nouveau président, Thomas Bach, des militants ont demandé une rencontre. Mais l'organisation a refusé.

«Ce meeting aurait envoyé un message très fort aux homosexuels en Russie. Ça nous aurait permis de croire que la communauté internationale se soucie de nous», explique en entrevue téléphonique Anastasia Smirnova, porte-parole de la Coalition russe LGBT.

Les militants souhaitaient soulever avec le CIO la question des droits des homosexuels en Russie. Selon Mme Smirnova, leur situation au pays s'est radicalement dégradée depuis l'adoption en juin d'une loi contre «la propagande» homosexuelle.

«Dans des villes, on a vu apparaître des enseignes sur des immeubles. Les enseignes disent: «Ici vivent des homosexuels. Attention: ils ressemblent aux autres, mais peuvent être dangereux. S'ils parlent à vos enfants, appelez la police», raconte Anastasia Smirnova. Ça nous ramène à l'époque soviétique. Un climat de délation est en train de s'installer.»

Le CIO a offert à la Coalition russe LGBT une audience vendredi dans ses bureaux de Lausanne. Le groupe a refusé, expliquant que la rencontre n'avait plus la même signification si elle n'avait pas lieu en sol russe.

Selon Anastasia Smirnova, le CIO a refusé de les rencontrer en Russie pour ne pas mettre en rogne les autorités et le président, Vladimir Poutine. «Je pense qu'ils ne veulent pas interférer avec le débat qui a lieu au pays en ce moment, dit-elle. C'est malheureux.»

Instrumentaliser le CIO

La question des droits homosexuels en Russie traîne derrière le CIO comme un boulet. La Charte olympique interdit la discrimination pour des raisons «de sexe». Mais le principe est vague dans le texte.

Un haut placé du CIO a mis fin au débat il y a un mois. «Le CIO n'a pas vocation de discuter des lois dans les pays dans lesquels les Jeux olympiques sont organisés, a dit Jean-Claude Killy. À partir du moment où la charte olympique est respectée, nous sommes satisfaits, et c'est le cas.»

«Cette loi, aussi odieuse peut-elle paraître à nos yeux, n'est pas du ressort du CIO, renchérit son ancien vice-président, le Montréalais Richard Pound. Le CIO peut seulement s'assurer qu'il n'y a pas de discrimination envers les athlètes gais et lesbiens qui seront à Sotchi. C'est tout.»

Vladimir Poutine a d'ailleurs réitéré cette semaine en présence de Thomas Bach sa volonté de «tout faire pour que les athlètes se sentent à l'aise, peu importe leur race ou leur orientation sexuelle» à Sotchi, du 7 au 23 février prochain.

Quant à cette rencontre avec le groupe d'Anastasia Smirnova, Richard Pound comprend que Thomas Bach l'ait refusée en sol russe. «En tant que président, il doit faire attention de ne pas être instrumentalisé», juge-t-il.

Mme Smirnova n'a pas fait une croix sur une rencontre avec le CIO en Suisse. Elle souhaite toutefois d'abord s'entendre sur une date, une durée et le contenu des échanges. Elle travaille aussi d'arrache-pied pour ouvrir une «Maison de la Fierté» aux Jeux de Sotchi, comme il y en avait une aux Jeux de Londres et de Vancouver.

«Les autorités nous mettent des bâtons dans les roues, dit-elle. Mais jamais un tel lieu n'a été aussi nécessaire qu'aujourd'hui, en Russie.»