Avec la retraite de Jennifer Heil, l'année de reconstruction d'Alexandre Bilodeau et la commotion cérébrale subie par le champion du monde des sauts Warren Shouldice, les attentes envers l'équipe canadienne de ski acrobatique étaient forcément plus modestes cet hiver.

Et pourtant, le bosseur presque parfait Mikaël Kingsbury, 19 ans, et le sauteur repentant Olivier Rochon, 22 ans, trônent au sommet du classement de leur discipline respective. Justine Dufour-Lapointe, 17 ans, occupe le deuxième rang en bosses. Aucun de ces athlètes n'a participé aux Jeux olympiques de Vancouver.

Au début du mois, Kingsbury, Rochon et Dufour-Lapointe ont contribué à une «super» fin de semaine pour le sport d'hiver canadien en montant quatre fois sur le podium à la Coupe du monde de Deer Valley. Leurs exploits se sont presque perdus dans une mer de résultats brillants qui ont causé quelques maux de tête aux pupitreurs des journaux canadiens.

Pendant qu'à Chamonix les skieurs Jan Hudec et Erik Guay se congratulaient pour un podium historique, le fondeur Devon Kershaw gagnait une Coupe du monde en Russie. Quelques heures plus tard, les patineurs de vitesse Olivier Jean, Liam McFarlane et Charles Hamelin balayaient une épreuve de 500 mètres à Moscou. De retour sur la piste olympique de Whistler, bobeurs et spécialistes de skeleton canadiens montaient cinq fois sur le podium.

Par chance, ni la patineuse de vitesse Christine Nesbitt ni la planchiste Dominique Maltais, meneuses du classement dans leur sport, ne couraient à ces dates...

Du 2 au 5 février, les athlètes canadiens ont récolté pas moins de 20 médailles sur les différents circuits de la Coupe du monde. «Je crois bien que c'est du jamais vu», a souligné Ken Read, directeur, sports d'hiver, d'À nous le podium, le programme d'excellence lancé en 2003 en prévision des Jeux de Vancouver.

En l'absence de Championnats du monde cette saison dans la majorité des sports, il est difficile d'évaluer la progression des équipes canadiennes par rapport à l'hiver dernier. «Néanmoins, si on regarde le portrait d'ensemble, on peut dire que l'on connaît une légère amélioration», a noté Read depuis ses bureaux de Calgary, plus tôt cette semaine.

«Derrière ça, il y a le message qu'on continue d'investir après les Jeux de 2010», a poursuivi l'ancien Crazy Canuck, qui dispose d'un budget annuel de près de 22 millions, grâce entre autres à une nouvelle collaboration avec le Comité olympique canadien. «L'inquiétude était très grande. Si les ressources avaient été réduites, notre capacité de conserver les entraîneurs, la direction technique et les meilleures athlètes aurait pu être compromise. Ça n'a pas été le cas. On voit que l'investissement continue de rapporter.»

Rares sont les médaillés de Vancouver qui se sont retirés. Même Jasey-Jay Anderson, champion olympique en surf des neiges, est revenu à la compétition cette saison à l'âge de 36 ans.

À cette «classe de 2010» s'est jointe une nouvelle génération d'athlètes, comme Kingsbury, qui a égalé un record en remportant six victoires consécutives avant d'en ajouter une septième le week-end dernier en Chine. Justine Dufour-Lapointe a pour sa part fini six fois deuxième en sept départs. Les deux bosseurs pouvaient bonifier leur fiche la nuit dernière au Japon.

Les prestations de Kingsbury et Dufour-Lapointe ont permis à l'équipe canadienne de ski acrobatique de maintenir le rythme en dépit de l'absence de Heil et de Bilodeau. Le directeur général de la fédération canadienne, Peter Judge, les savait aptes à gagner un jour donné, mais il est surpris par leur constance. «Ce sont des jeunes qui ont une mentalité «pourquoi pas?»», note Peter Judge, directeur général de la fédération canadienne. «Ils n'en savent pas assez et ils sont trop jeunes pour savoir pourquoi ils ne devraient pas le faire. Alors, ils le font!»

En ce sens, les succès aux Jeux de Vancouver ont représenté un véritable catalyseur pour les athlètes et le public, croit Judge. «C'est comme la barrière du quatre minutes au mille. Une fois qu'elle a été brisée, c'était plus facile de voir la voie à suivre. Forcément, les attentes des gens sont aussi plus grandes, ce qui est une bonne chose.»

Collaboration

La contribution d'un groupe comme B2Dix, structure d'entraînement financée par des fonds privés, a eu son effet, ajoute l'un de ses dirigeants, Dominick Gauthier. «D'une certaine façon, on a forcé les organisations à mieux faire les choses, a-t-il noté. On est un peu les anges gardiens des athlètes.»

La perception et la compréhension de B2Dix, qui travaille avec une dizaine des meilleurs athlètes canadiens d'hiver, ont aussi changé. «Avant, certains pensaient qu'on était un genre de secte, il n'y a rien qui n'a pas été dit!» s'est rappelé Gauthier, dont le budget global frise les 3,3 millions.

Depuis Vancouver, la relation de B2Dix avec les autres organisations de sport est beaucoup plus harmonieuse. «Par exemple, on travaille en étroite collaboration avec À nous le podium, qui nous voyait comme un compétiteur. On n'est pas obligés de s'entendre sur tout, mais il y a au moins une belle intégration qu'on ne voyait pas avant Vancouver.»

Canada Alpin a aussi permis à Erik Guay, champion du monde de descente, de travailler avec B2Dix à Montréal, une première. Ce que plusieurs percevaient comme le «début d'une chicane» s'est plutôt transposé en une entente «sans anicroche», soutient Gauthier.

Blanchis à Vancouver, le ski de fond et la luge comptent parmi les sports qui ont largement contribué à la vague de succès canadienne cet hiver. «Ils ont manqué les médailles par quelques centièmes de seconde, et depuis, ils sont sur le podium et même champions du monde, souligne Ken Read. Ils ont simplement manqué de temps et depuis 2010, on voit ces programmes émerger. La patience est en train de payer.» Kershaw a d'ailleurs inscrit une deuxième victoire en Coupe du monde lors d'un sprint, hier en Pologne.

À nous le podium finance aussi le Consortium nordique, destiné à améliorer les chances du Canada en ski de fond, en biathlon et, dans une moindre mesure, en saut à ski et en combiné nordique. Ces quatre disciplines représentent un potentiel de 90 médailles aux Jeux olympiques. Le Canada n'en a gagné aucune à Vancouver. Le consortium, qui dispose d'un budget de 400 000$, a pour mandat de développer des stratégies communes pour maximiser les chances des athlètes à la feuille d'érable. «Par exemple, quelqu'un est allé à Sotchi la semaine dernière pour évaluer la neige sur les pistes», a illustré Ken Read.

En revanche, les nouvelles disciplines olympiques comme le slopestyle (ski et snowboard), la demi-lune (ski) et le relais en luge sourient au Canada, comme ce fut souvent le cas. Ainsi, les Québécois Kaya Turski (ski) et Sébastien Toutant (planche), qui sont des vedettes du slopestyle depuis déjà quelques années, se font connaître davantage du grand public et des médias généralistes. Sotchi 2014 pourrait les consacrer.