Le Belge Philippe Gilbert n'a pas manqué de venir serrer la main de Guillaume Boivin dans le lobby du Château Frontenac, hier après-midi. Ce simple geste témoignait autant de l'amabilité de l'ancien champion mondial que de la considération dont jouit toujours le Québécois dans le peloton européen.« Ce sont de petites choses, mais c'est le fun de voir qu'on ne t'a pas oublié », a admis Boivin, qui partait rouler quand Gilbert l'a salué.

Après une année à l'écart, Boivin a bien l'intention de revenir dans les hautes sphères du cyclisme l'an prochain. Il est cependant minuit moins une pour l'athlète de 26 ans. Si rien ne se matérialise, le champion canadien pourrait tirer sa révérence après sa participation aux Grands Prix de Québec (demain) et Montréal (dimanche) et au Championnat du monde de Richmond (le 27 septembre). À contrecoeur.

« Ça fait bizarre à dire, mais si je ne retourne pas en Europe, il y a peut-être de bonnes chances que ce soit mes trois dernières courses, a laissé tomber Boivin, presque étonné de formuler ce constat. Ça m'attristerait de me retirer avec le titre de champion canadien. Mon objectif, c'est vraiment de retourner en continental pro ou World Tour. »

Passé à la trappe après la fusion entre Garmin et Cannondale l'an dernier, l'ancien médaillé de bronze aux Mondiaux U23 a porté les couleurs de l'équipe continentale américaine Optum Kelly Benefit (troisième division) cette année. Difficile à avaler, ce pas en arrière forcé devait lui permettre de se relancer et de retrouver le plaisir de courir.

Après un accident bête au Tour de Californie (guidon brisé sans avertissement), Boivin a renoué avec la victoire à la troisième étape du Tour de Beauce, en juin. Deux semaines plus tard, il s'est illustré de nouveau dans les rues de Saint-Georges, arrachant in extremis un premier titre national à la course sur route.

« C'était une belle surprise. Je n'y croyais plus à 40 kilomètres de l'arrivée, et on est revenus comme une balle dans le final. J'étais vraiment content. D'avoir enfin une belle victoire faisait tomber beaucoup de pression. » 

« Mettre le maillot de champion canadien, c'est aussi une fierté et une motivation supplémentaire chaque fois que tu vas t'entraîner. »

Un mois plus tard, Boivin a gagné la médaille de bronze à la course sur route des Jeux panaméricains de Toronto. Il s'est ensuite distingué au USA Pro Challenge et au récent Tour de l'Alberta, mais a dû se contenter des accessits. Comme ce maillot de coureur le plus combatif à la première étape au Colorado, où il a bien failli se rendre jusqu'au bout avec l'Australien Rohan Dennis, premier maillot jaune du Tour de France.

« Je n'ai peut-être pas couru toute l'année de la façon la plus intelligente en étant parfois dans des échappées qui n'étaient pas les plus stratégiques, mais j'aime courir agressivement. » 

« Des fois, c'est bon pour la tête de juste aller en échappée et d'écraser les pédales. Ça fait sortir le méchant. »

Ces jours-ci, Boivin se lève chaque matin en espérant trouver dans sa boîte de courriels un contrat qui le ramènerait en Europe. Son agent Andrew McQuaid a discuté avec deux formations, sans plus pour le moment. La pro continentale Bora-Argon 18, cocommanditée par le fabricant de vélos québécois, est l'une de celles-là.

« C'est sûr que ce serait bon d'avoir un Canadien là, a souligné le Montréalais. En même temps, je ne sais pas si c'est vraiment une option. Tout le monde joue tellement la game. Tu te demandes ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas. »

Chose certaine, il n'a pas l'intention de se réengager pour une autre saison dans une équipe continentale. Si les portes se ferment en Europe, il pourrait raccrocher son vélo.

« C'est loin d'être ce que je veux, a précisé Boivin. Je veux vraiment continuer et je ne pense pas à ça en ce moment. Je suis concentré à fond sur cette fin de saison et j'espère que l'aventure continuera. »

Un oeil sur Woods

À l'instar d'Antoine Duchesne (Europcar), 64e du contre-la-montre individuel hier, Guillaume Boivin a raté les classiques canadiennes l'an dernier pour s'aligner sur la Vuelta, où il s'est rendu jusqu'au bout (9e d'une étape). Vingt-cinquième à Québec en 2012, le champion canadien espère encore pouvoir s'illustrer autour du cap Diamant, où il courra sous les couleurs de l'équipe nationale. « J'ose espérer que je suis pas mal plus fort qu'il y a trois ans », a commenté Boivin, qui surveillera néanmoins attentivement son ami et coéquipier Michael Woods, révélation de l'année au Canada. « Mike est capable d'aller chercher un meilleur résultat. Si je vois que je n'ai pas les jambes, je ne ferai pas le tata non plus. »

Photo/Felipe Dana, archives Associated PRess

Guillaume Boivin (au centre) a gagné la médaille de bronze à la course sur route des Jeux panaméricains de Toronto, en juillet.