Le maillot jaune serait-il maudit cette année sur le Tour de France? L'Allemand Tony Martin a chuté dans le final de la sixième étape, gagnée jeudi au Havre par le Tchèque Zdenek Stybar, et a dû renoncer à poursuivre la course.

Martin, clavicule gauche cassée, ne repartira pas vendredi à Livarot en direction de Fougères.

«À une certaine époque, on roulait avec une clavicule cassée. Aujourd'hui, c'est autre chose», expliquait à l'AFP son manager Patrick Lefevere.

Peu après sa chute, le coureur ne voulait pas encore penser à l'abandon. «Clavicule cassée. On va voir ce qu'on va faire», indiquait-il sur sa messagerie après le verdict des radiographies.

Les médecins l'ont vite ramené à la raison. «Le chirurgien orthopédique qui l'a ausculté lui a dit qu'il serait impossible de partir», a précisé sur Europe 1 le directeur de l'équipe Etixx, le Belge Patrick Lefevere, qui n'a pu goûter le succès de Stybar, un autre de ses coureurs.

Martin, auteur d'un écart imprévu dans la (large) montée d'arrivée, est le deuxième maillot jaune contraint de rentrer chez lui prématurément dans cette 102e édition de la Grande boucle.

Lundi, Fabian Cancellara avait été pris dans la maxi-chute sur la route menant à Huy en Belgique. Le Suisse, deux vertèbres cassées, n'avait pu poursuivre la course.

Les yeux hagards

Le maillot jaune revient de droit au Britannique Chris Froome, deuxième du classement à 12 secondes de Martin après l'arrivée au Havre. Mais, en pareil cas, le règlement laisse la liberté au Britannique de le porter ou non durant l'étape qui suit l'abandon du maillot jaune.

Martin, qui est tombé lourdement, a provoqué la chute de plusieurs autres coureurs. Entre autres de deux favoris, l'Italien Vincenzo Nibali, vainqueur sortant du Tour, et le Colombien Nairo Quintana, ainsi que du Français Warren Barguil et de l'Américain Tejay van Garderen.

Assis au sol, choqué durant plusieurs minutes, il a repris le vélo en se tenant l'épaule. Il a dû être poussé par plusieurs coéquipiers (Golas, Kwiatkowski, Trentin) pour franchir la ligne et conserver son maillot jaune, les temps étant neutralisés dans les 3 derniers kilomètres en cas de chute ou d'accident matériel.

Les yeux hagards, le bras en écharpe et l'épaule visiblement douloureuse, l'Allemand est ensuite monté sur le podium quasiment dans un état second. Abattu. Sans pouvoir expliquer vraiment la raison de sa chute.

«J'ai joué de malchance. Je ne me souviens pas des circonstances. Je touche la roue arrière de Bryan Coquard et je tombe de tout mon poids sur ma tête et mon épaule», a précisé Martin.

«Quand on ne va pas très vite, on tombe de son plein poids sur son corps, sans glisser. Cela peut être plus grave qu'une chute à haute vitesse qui se termine en glissade», a poursuivi l'Allemand, en tête du Tour depuis son succès mardi dans l'étape des pavés à Cambrai.

«Le Tour, une histoire de fou»

Nibali, qui n'a été que légèrement blessé, a fait part de la même incompréhension. «Je n'ai pas compris, a réagi le Sicilien. J'ai tapé un peu l'épaule et la jambe mais ça va. Je ne sais pas ce qui s'est passé.»

Ce coup de théâtre a éclipsé le premier maillot distinctif décroché dans l'histoire du Tour par un coureur d'Afrique noire.

Au Havre, l'Érythréen Daniel Teklehaimanot a revêtu, comme au récent Dauphiné, le maillot blanc à pois rouges qui désigne le leader du classement de la montagne.

Premier coureur d'Afrique noire subsaharienne à participer au Tour (avec son compatriote Merhawi Kudus), Teklehaimanot est passé en tête dans les trois petites côtes au programme.

Dans ce final à sensation, Stybar a trouvé l'ouverture. Pour ses débuts dans le Tour à l'âge de 29 ans, l'ancien triple champion du monde de cyclo-cross a touché au but et causé une (nouvelle) déception à Peter Sagan.

Le Slovaque a pris la deuxième place pour la troisième fois depuis le départ de cette édition et pour la quatorzième fois depuis ses débuts dans le Tour en 2012.

«C'est un sentiment mitigé, étrange. C'est extraordinaire, j'ai gagné une étape du Tour de France. Mais d'un autre côté, je suis vraiment triste pour Tony», a déclaré Stybar. «C'est le Tour, une histoire de fou. Il s'y passe toujours quelque chose. Le danger est partout».