À sa première saison complète dans une équipe européenne, Joëlle Numainville doit apprendre à jouer les domestiques. Sur papier, ses résultats s'en sont ressentis. La perception des gens aussi.

À son retour à Montréal, la cycliste de 27 ans a senti le doute soulevé par son début de saison anonyme avec la formation suisse Bigla. Son meilleur classement était une 14e place au Tour des Flandres, troisième manche de la Coupe du monde.

«Voyons, ce n'est pas si horrible que ça, au contraire!», se défend Numainville, jointe lundi au téléphone.

L'annulation d'un vol la forçait à passer la journée à l'aéroport de Greensboro, en Caroline-du-Nord. La veille, elle avait terminé cinquième de la classique de Winston-Salem. Pour la première fois de l'année, la Québécoise avait reçu carte blanche pour cette épreuve du circuit américain.

«La course était difficile, et on m'a donné l'opportunité de faire ma propre course», souligne celle qui sort d'un stage en altitude au Colorado. «J'étais là, la forme est là. C'est juste que ces occasions n'arriveront pas tous les jours. Si tu veux faire partie de la meilleure équipe, ce n'est pas tout le temps toi la leader. C'est de même que ça marche.»

Après quatre saisons sur le circuit américain, Numainville a mis le cap sur l'Europe l'an dernier pour progresser d'ici les Jeux olympiques de 2016. Elle a fini la saison comme stagiaire avec la formation belge Lotto Belisol, avec qui elle croyait poursuivre en 2015.

À sa surprise, les nouveaux dirigeants de Bigla, en pleine relance, l'ont repérée durant les Championnats du monde de Ponferrada, en Espagne. Elle a conclu la course sur route à l'hôpital après une chute collective où sa tête a frappé le bitume.

Un nouveau contrat en poche, la sprinteuse est revenue à la maison préoccupée par son état de santé. Elle venait de vivre 18 mois d'enfer après une commotion cérébrale non diagnostiquée au printemps 2013.

Cette fois, les symptômes se sont vite résorbés. «Je courais [dimanche] et je me disais: "Mon Dieu, ça va vraiment bien"», s'encourage celle qui a terminé 12e aux Jeux olympiques de Londres. «Je n'y pense pas. Je roule de façon très agressive par rapport aux autres années. On dirait que le temps passé en Europe m'aide sur le plan technique. Les filles sont plus agressives.»

Plus fortes aussi. Avec Bigla, elle a appris à suivre des plans de course réglés comme des montres suisses. «Le directeur est derrière toi. Il le sait en tabarnouche, ce que tu fais! Il n'y a pas de niaisage.»

Numainville a parfois dû ravaler sa fierté quand des coureuses moins aguerries de l'équipe canadienne l'ont devancée.

Elle compte remettre les pendules à l'heure aujourd'hui (route) et demain (contre-la-montre) lors du Grand Prix de Gatineau, de même que dimanche à la classique de Philadelphie, où elle devrait être l'un des fers de lance de Bigla.

Les 25 et 26 juin, la double championne nationale 2013 sera à Saint-Georges de Beauce avec l'ambition de reprendre les deux titres que sa commotion l'avait empêchée de défendre l'an dernier.