«Nibali peut être battu...», titrait L'Équipe mercredi. Sur deux pleines pages, le quotidien sportif français, propriété de la société organisatrice du Tour de France, énumérait ce qui pourrait arrêter la marche victorieuse de l'Italien avant l'arrivée à Paris. L'exercice relevait davantage du voeu pieux que de l'analyse objective.

Trois jours de course plus tard, il paraît encore plus dérisoire. Après Christopher Froome et Alberto Contador, arrêtés par le bitume, deux autres prétendants se sont écroulés. L'Américain Andrew Talansky n'est pas reparti jeudi, au lendemain de sa longue et courageuse agonie.

Hier, en cette première journée dans les Alpes, ce fut au tour de Richie Porte de défaillir dans la montée finale vers Chamrousse (+ 8 min 48 s). L'Australien de la Sky, dont on supputait à l'avance les qualités au contre-la- montre, a démontré combien il est difficile de changer de rôle en cours de route, surtout quand il s'agit d'occuper le siège de Froome.

Alejandro Valverde, nouveau deuxième, a vu son déficit se creuser de presque une minute malgré la mise en scène notable de John Gadret et de ses équipiers de Movistar. Peut-être les Pyrénées lui conviendront-elles mieux, comme l'annoncent certains. Encore faudrait-il qu'il soit toujours dans le coup rendu là. À voir la façon dont il s'est disputé avec Thibaut Pinot vers Chamrousse, l'Espagnol a plutôt l'air du gars qui protège sa position de second au général.

À ce rythme, Nibali pourra utiliser son vélo de route si ça lui chante lors du contre-la-montre de Bergerac, veille de l'arrivée. Le leader d'Astana mérite amplement cette position enviable. Un peu isolé après la chute de Jakob Fuglsang, il s'est détaché de Pinot et Valverde sur une seule accélération. Le Sicilien s'est ensuite servi des jeunes Rafal Majka (Tinkoff-Saxo) et Leopold König (NetApp-Endura) comme station intermédiaire avant la dernière poussée.

Déjà triple gagnant d'étape, on ne reprochera pas au maillot jaune de manquer de panache. Ce qui n'empêche pas de se demander ce qu'il aurait fait avec Froome et Contador dans les pattes.

Le Tour est donc fini, comme nous l'écrivions à La Planche des Belles Filles, ce qui a soulevé le courroux de quelques lecteurs. Fini ne veut pas dire inintéressant, pour peu qu'on se concentre sur autre chose que la victoire finale.

Quoi qu'il en soit, les Français s'en donnent à coeur joie. Le duel que se livrent Romain Bardet et Thibaut Pinot (FDJ.fr), désormais troisième et quatrième au général, ne manque pas de piment. Sans oublier le «vieux jeune» Jean-Christophe Péraud (6e), coéquipier de Bardet chez AG2R, qui ajoute son grain de sel en faisant cavalier seul.

Premier attaquant dans le groupe des favoris, l'indomptable Pinot poursuit son irrésistible ascension. Un peu moins bien et visiblement frustré, Bardet a eu la délicatesse de remercier l'Américain Tejay van Garderen (5e), qui l'a tracté dans les derniers hectomètres. Il conserve ainsi le maillot blanc de meilleur jeune par 16 secondes devant Pinot.

Tous trois âgés de moins de 26 ans, Bardet, Pinot et van Garderen peuvent viser le podium final. Respectivement deuxième et troisième à l'arrivée, Majka et König, 24 et 26 ans, contribuent eux aussi à ce vent de fraîcheur. On se retiendra quand même de parler de Tour du renouveau, terme chargé dans le cyclisme, c'est le cas de le dire.

Aujourd'hui, l'étape-reine des Alpes, avec les cols du Lautaret et de l'Izoard (sommet du Tour à 2360 m) et arrivée au sommet à la station de ski de Risoul. Alessandro De Marchi (Cannondale), auteur d'une longue échappée hier, s'y était imposé en clôture du Critérium du Dauphiné 2013. Une autre occasion pour Nibali? Eh oui.