Pour la première fois, des vélos québécois rouleront au Tour de France l'été prochain. Argon 18 a annoncé la conclusion d'une entente avec une équipe actuellement en course sur la Grande Boucle. Pour des raisons contractuelles, le manufacturier montréalais doit attendre la fin de l'épreuve pour dévoiler le nom de la formation qu'il équipera au moins jusqu'en 2017.

«On entre dans un club sélect», a lancé avec fierté Gervais Rioux, copropriétaire d'Argon 18, au téléphone mardi matin. L'ancien coureur s'est rendu en Angleterre au début du mois pour sceller le contrat de «plusieurs centaines de milliers de dollars», deux jours avant le grand départ du 101e Tour.

«Au salon Eurobike, il y a 200 marques de vélo, peut-être même 300, relève l'homme d'affaires. C'est sûr qu'il y a un contingentement pour accéder aux équipes qui vont au Tour de France. Ce n'est pas facile.»

Déjà bien implanté et reconnu sur la scène internationale dans le domaine du triathlon, Argon 18 vise à accroître sa notoriété et à élargir son marché dans le vélo de route grâce à cette percée au plus haut niveau. Avec des ventes de plus de 10 000 unités, exclusivement dans la catégorie haut de gamme, la PME, qui emploie une trentaine de personnes, est présente dans 40 pays.

«Ça va nous donner une visibilité beaucoup plus importante», prévoit Rioux, qui a fondé le volet manufacturier avec son frère Martin il y a 14 ans, mais qui était déjà lié à la marque à sa retraite comme coureur, il y a 25 ans. «Il n'y a aucun marché où on ne peut pas doubler nos ventes, même au Canada. Pour nous, c'est aussi une belle plateforme pour développer et faire avancer nos produits. Là, le vrai travail commence. Ce n'est pas juste une visée marketing, au contraire.»

M. Rioux caresse ce rêve depuis plusieurs années. Une formation de premier niveau a pris contact avec lui en 2008, mais le projet n'a pas abouti pour des raisons financières. Argon 18 a poursuivi le développement de son matériel en s'associant entre autres à l'équipe canadienne pro continentale SpiderTech (deuxième division), disparue subitement à la fin de 2012. L'an dernier, Argon 18 est arrivé deuxième dans la course pour équiper une autre grande équipe. «Le produit était A1, sauf qu'on avait moins de budget», soutient le copropriétaire.

Le «buzz» ressenti à la conclusion de cette entente est comparable à ceux qu'il vivait à l'époque où il était coureur. Il juge cependant que le monde des affaires est beaucoup plus «complexe» et ingrat.

«Quand tu finis deuxième dans une course, tu es sur le podium et tu reçois une bourse», dit celui qui a participé aux Jeux olympiques de Séoul, en 1988. «Quand tu es deuxième en affaires, t'as rien.»

Rioux refuse de révéler le moindre indice sur l'identité de l'équipe qu'il commanditera, pas même si elle fait partie du circuit World Tour. Elle participera au Tour de France et évoluera dans tous les grands marchés cyclistes, «pas seulement en Europe», se contente-t-il de dire.

Faute de grande «machine marketing», Argon 18 est parfois perçu comme «une compagnie sympathique du Québec», constate Rioux. Il espère que la présence de l'entreprise dans la plus grande course cycliste permettra de changer cette impression: «On fait de bons produits, pensés, réfléchis. On met beaucoup d'efforts dans les détails. Ça nous permet de passer dans la cour des grands et de nous battre. Notre travail, maintenant, est d'offrir le meilleur vélo du peloton.»

Et peut-être favoriser l'arrivée dans le peloton européen d'autres cyclistes québécois et canadiens. «Bon, on ne peut pas faire de promesses, prévient Rioux, mais c'est sûr qu'on a un pied dedans. Des fois, on peut positionner du monde. Ça serait intéressant aussi.»

Un coureur québécois sur un vélo québécois en échappée sur le Tour? Ça devient possible.