Comme c'est devenu monnaie courante dans le cyclisme, le scandale s'est invité sous la forme d'un livre. Il y a un peu plus d'un an, Tyler Hamilton dénonçait le dopage de Lance Armstrong dans une autobiographie coup-de-poing. Mercredi, les extraits d'un titre à paraître ont accablé un autre cycliste, celui-là vénéré au Canada: Ryder Hesjedal.

Dans Gul Feber (La fièvre jaune), le Danois Michael Rasmussen raconte comment il s'est lui-même dopé. Mais Rasmussen, qui est passé aux aveux en janvier dernier, écorche au passage Hesjedal. Il affirme qu'il a montré au Canadien comment s'injecter de l'EPO.

L'accusation publiée mercredi dans un journal danois a eu l'effet d'une bombe. Hesjedal est devenu en 2012 le premier Canadien à remporter un grand Tour lorsqu'il a gagné le Giro d'Italie. L'exploit avait alors été salué par le premier ministre Stephen Harper comme un «moment marquant du sport canadien». C'était l'enfant chéri du cyclisme au pays.

Hesjedal, qui n'avait jamais été lié à un scandale de dopage, n'a rien nié. Mercredi en fin de journée, il a admis avoir triché.

«Il y a plus de 10 ans, j'ai choisi le mauvais chemin, peut-on lire dans un communiqué envoyé par son équipe, Garmin-Sharp. Même si ces erreurs se sont produites il y a plus de 10 ans et sur une courte période, je les ai commises et en suis depuis ce jour désolé.»

Il soutient avoir cessé de se doper il y a des années de cela - laissant entendre que sa victoire italienne était légitime - et avoir cessé bien avant de joindre sa nouvelle équipe, en 2008.

Puis, dans un style contrit aperçu dans les confessions de plusieurs autres cyclistes depuis un an, il s'excuse à ses amis, à sa famille, à ses fans et «aux coureurs qui n'ont pas fait ce choix». «Je m'excuse sincèrement pour mon rôle dans le sombre passé du cyclisme.»

Selon le communiqué de Garmin-Sharp, les agences antidopage américaine (USADA) et canadienne (CCES) ont communiqué avec Hesjedal il y a un an, soit en plein coeur de l'affaire Armstrong. Le Canadien a accepté de collaborer à leurs enquêtes.

Hesjedal ne sera vraisemblablement pas puni même s'il a triché. Les statuts de l'Agence mondiale antidopage (AMA) prévoient un délai de prescription de huit ans. Le cycliste n'admet s'être dopé qu'en 2003.

Hématocrite à 48%

Selon Rasmussen, Hesjedal, Seamus McGrath et Chris Sheppard, trois cyclistes de montagne canadiens, ont emménagé chez lui en août 2003 pour quelques jours. Ils voulaient se préparer pour les Championnats du monde et décrocher une place pour les Jeux d'Athènes.

«Je me suis entraîné avec eux dans les Dolomites et leur ai appris comment faire des injections de vitamine et comment prendre de l'EPO et du Synacthen», peut-on lire dans le quotidien danois Politiken, qui a publié mercredi de larges extraits du livre de Rasmussen, qui doit paraître le 4 novembre.

Le Synacthen est un produit dopant utilisé dans le peloton depuis les années 70, mais impossible à détecter avant 2009. L'EPO augmente pour sa part le taux de globules rouges dans le sang. Pour dépister cette substance interdite qui faisait alors des ravages, l'Union cycliste internationale calculait l'hématocrite des coureurs (soit le taux de globules rouges dans le sang). Un taux supérieur à 50% était sanctionné. Mais plusieurs cyclistes utilisaient l'EPO pour augmenter leur hématocrite juste sous la barre des 50%. La pratique était illégale, mais presque impossible à détecter.

C'est ainsi que, selon Rasmussen, Ryder Hesjedal et les autres Canadiens sont partis pour les Championnats du monde de vélo de montagne avec un hématocrite de 48%. Hesjedal a fini deuxième de l'épreuve.

Chris Sheppard, quant à lui, s'est fait prendre pour dopage en 2005.

Entouré de tricheurs

Deux ans après les événements racontés dans le livre, Hesjedal est passé au cyclisme sur route. Il a rejoint l'équipe US Postal de Lance Armstrong. Cette équipe avait créé, selon l'Agence américaine antidopage, «le programme de dopage le plus sophistiqué, le plus professionnel et le plus efficace jamais vu».

Le Canadien a rejoint l'équipe Phonak la saison suivante, en 2006. Cet été-là, le meneur de sa nouvelle formation, Floyd Landis, a remporté le Tour de France, mais a été épinglé pour dopage et déchu de sa victoire.

Hesjedal a poursuivi sa carrière avec Slipstream-Chipotle. En 2008, il a notamment aidé Christian Vande Velde à terminer quatrième au Tour de France. Vande Velde a plus tard admis avoir eu recours au dopage.

Ryder Hesjedal a été entouré de tricheurs pendant des années. Il n'a toutefois lui-même jamais subi un contrôle positif.

Sa carrière a pris de la vitesse en 2012. Le 27 mai de cette année, il a remporté le Tour d'Italie. Il s'agissait de la plus importante victoire pour un cycliste canadien.

Pour certains, la victoire d'Hesjedal au Giro relevait d'un symbole fort: la fin de l'époque du dopage généralisé en cyclisme. «Ryder Hesjedal veut mener le cyclisme dans une nouvelle ère propre», insistait la CBC en mars dernier.

A-t-il remporté cette course au pain et à l'eau? Hesjedal laisse entendre que oui. Pour l'instant. Après tout, il ne serait pas le premier cycliste à changer de version en cours de route.