Jean-René Bernaudeau est celui qui a annoncé à David Veilleux qu'il participerait au prochain Tour de France, lundi matin. L'ancien coureur et directeur d'Europcar explique les raisons de cette sélection historique pour le Québec.

Q: Pourquoi avoir choisi David Veilleux?

R: Parce qu'il a une vraie progression logique d'un coureur qui a des clés de base intéressantes et surtout une intelligence et une volonté forte. L'enjeu d'être le premier Québécois de l'histoire est peut-être unique, mais ça lui ressemble bien. C'est quelqu'un d'ambitieux qui se donne les moyens pour réussir. C'est un gros travailleur.

Q: Pourquoi l'avoir sélectionné maintenant et non pas après les Championnats de France, le 23 juin, ce qui était attendu?

R: Aujourd'hui, on n'a plus grand-chose à lui demander. Il n'y a pas de championnats qui seront déterminants pour nous. Vu sa victoire en Italie l'année passée [les Trois Vallées varésines], sa volonté, il a perdu trois kilos, il travaille bien. Il a compris ce qu'était un grand tour. Il essaie de se projeter. On s'est dit qu'il n'y a plus de paramètres à récupérer. Ce n'est pas le cas des autres, qui ont encore une course importante et un championnat.

Q: C'est délicat de choisir un Canadien plutôt qu'un Français pour le Tour de France?

R: Absolument pas, je ne regarde pas ça. C'est uniquement le coureur que je sélectionne. S'il était Français, avec les mêmes qualités, il serait sélectionné aujourd'hui. On ne fait pas un coup médiatique.

Q: Ce n'est pas ce que j'entendais. En choisissant David, il y a un autre coureur qui n'a pas cette place, fort probablement un Français...

R: J'ai beaucoup parlé à David. Je lui ai dit: ''Voilà comment on voit le Tour de France. On va avoir Pierre Rolland à protéger. On veut quelqu'un qui frotte bien, qui passe partout.'' [David] passe les cols quand il marche bien. Il y a beaucoup d'étapes où il sera très important pour des leaders. Il y a Thomas Voeckler qui va le diriger. Donc, voilà, j'ai beaucoup discuté avec David sur la façon dont on fait une sélection. Ce n'est pas neuf noms. C'est: pourquoi on le met et pour quel rôle.

Q: À quel moment ç'a été clair dans votre esprit que David ferait le Tour?

R: On avait beaucoup parlé de lui avec les directeurs sportifs. Sa victoire au Dauphiné nous a totalement convaincus. On s'est dit: ''On ne peut pas attendre plus tard.'' On était donc sûrs de nous avant le Dauphiné. Et il nous a totalement et définitivement convaincus au Dauphiné.

Q: Il y a cette victoire à la première étape au Dauphiné. Est-ce que le fait de bien passer les montagnes était aussi un facteur déterminant?

R: On savait ce dont il était capable aux Vallées varésines. On sait qu'il passe les côtes. Le Tour de France va être une course de mouvements, et il va s'inscrire dans une course de mouvements. Quand ce sera difficile et qu'il n'y aura plus que 80 coureurs, il y aura encore David Veilleux pour travailler.

Q: Vous le voyez donc jouer un rôle dans les étapes de haute montagne?

R: Je pense que David peut jouer un rôle en haute montagne jusqu'à une heure de l'arrivée. C'est exactement ce qu'on lui demande.

Q: À quel point est-il passé près d'être choisi l'an dernier?

R: Non, David, c'est allé trop vite. L'an dernier, sa progression était là, mais on ne peut pas se précipiter. On veut des confirmations. C'est vrai qu'on lui a bâti un programme en vue du Tour de France, pour voir ce qu'il valait, et il a nous a convaincus.

Q: Pour la première fois, il s'attaquera à une course de trois semaines. Peut-il se rendre jusqu'à Paris le 21 juillet?

R: Ce n'est pas l'objectif. La gestion du Tour de France, je le sais parfaitement, ce ne sera pas plus compliqué que le Giro ou la Vuelta. Il sera à Paris, évidemment, pour fêter un grand Tour de France. On part sur cette hypothèse. On en est persuadés: David a eu la santé, le programme adapté, il a confirmé. Après, le Tour de France, c'est une gestion. Les jours où il ne peut pas être opérationnel, il peut rester aussi dans le gruppetto. Et il ne faudra pas lui demander un classement. On lui demande seulement d'être efficace au moment voulu. Il ne courra pas pour lui, ça, c'est affirmatif.

Q: À l'occasion, aura-t-il le feu vert pour se glisser dans une échappée?

R: Parfois. Il y aura des jours où il aura des bons de sortie, évidemment.

Q: Il est arrivé dans l'équipe en 2011 comme un spécialiste des classiques. Il s'est graduellement transformé en coureur de course à étapes. Cela vous a-t-il surpris?

R: C'est la marque de quelqu'un d'ambitieux. Il a goûté aux classiques les plus grandes du monde, c'est-à-dire Paris-Roubaix et le Tour des Flandres. Il a réussi un bon Paris-Roubaix la première fois [25e]. Mais il a vu qu'il pouvait élargir son registre parce qu'il a côtoyé des coureurs qui travaillaient plus que lui, qui travaillaient différemment. Et comme c'est quelqu'un d'intelligent qui écoute beaucoup, il a maigri, il a changé physiquement. Il a rêvé très, très vite de Tour de France.

Q: Est-ce vrai que David est le seul coureur que vous avez embauché sans l'avoir vu courir?

R: Pas vraiment. Il a fait un petit séjour en Vendée très jeune, à La Roche-sur-Yon. On savait qui c'était. Mon fils Mathieu le connaissait. Ils ont un an d'écart et il l'a rencontré au Tour de l'Abitibi. On le connaissait, et c'est surtout Louis Garneau qui nous a bien parlé de lui. Il est arrivé chez nous grâce à Louis Garneau, ça, c'est clair. On avait envie de prendre un bon coureur, bien élevé, parce qu'on compte beaucoup sur l'éducation chez nous. Louis Garneau s'est porté garant, on va dire. David a un bon profil pour être un ambassadeur du cyclisme au Québec.