Ryder Hesjedal n'a pas tardé à se montrer au Tour d'Italie. Ses trois attaques, dans la montée puis la descente de la Sella di Cantona (troisième catégorie), à la fin de cette troisième étape, hier, n'ont pas fait de dommages, mais ont démontré deux choses: le Canadien est en grande forme et il sautera sur la moindre occasion. Des deux grands favoris, Vincenzo Nibali a été le plus prompt à réagir, suivi peu après de Bradley Wiggins.

Troisième de l'étape remportée par l'Italien Luca Paolini, nouveau maillot rose, Hesjedal a été récompensé de huit secondes de bonification pour ses efforts. Ce n'est pas énorme, mais il s'est imposé par 16 secondes l'an dernier.

Hesjedal se dévoile-t-il trop tôt? «Sur des routes étroites et sinueuses comme celles-là, être à l'avant et non à l'abri ne te fait pas dépenser tant d'énergie», a fait valoir sur Twitter le patron de Garmin-Sharp, Jonathan Vaughters, vantant au passage «l'intelligence tactique» de son directeur sportif Charles Wegelius. Ce dernier s'est entretenu avec La Presse avant le départ à Milan. En voici les principaux extraits:

Q La Presse: Après la victoire-surprise de Hesjedal l'an dernier, vous attendez-vous à ce que les autres équipes roulent différemment contre vous?

R Charly Wegelius: Ce qui s'est passé l'an dernier avec l'équipe, ça peut se passer seulement une fois. C'est clair que les autres, ils vont nous regarder beaucoup plus. On ne peut pas jouer à cache-cache tout le temps. Il reste que les équipes favorites sont Sky, Astana, Cannondale. On ne sera peut-être pas oubliés comme l'an dernier, mais ça ne fait pas de nous l'équipe qui doit contrôler la course pendant trois semaines.

Q: C'est une position enviable...

R: Oui, absolument. Si on regarde la façon dont l'équipe a couru à Liège-Bastogne-Liège (victoire de Dan Martin après une attaque de Hesjedal, ndlr), on peut s'attendre à quelque chose de similaire. On forme une bonne équipe, mais en même temps, on a la liberté de se déplacer dans la course sans toujours avoir à penser comment on va contrôler.

Q: À quel point l'ajout d'un contre-la-montre individuel de 55 km change- t-il les données cette année?

R: Oui, il y a ce contre-la-montre, mais le plus grand changement, ce sont les secondes de bonification qui vont être offertes tous les jours. Ça va complètement changer la course. Ça favorisera ceux qui ont le courage d'attaquer. Ça va faire une course beaucoup plus intéressante.

Q: Quand même, ce contre-la-montre n'est-il pas un peu long pour Ryder?

R: Pas du tout. Parce que ce n'est pas un contre-la-montre classique de style Tour de France, avec les longues lignes droites. C'est vraiment accidenté. Il y a une première partie qui longe la mer. Ça monte, ça descend. C'est très, très technique. Le passé de mountain biker de Ryder pourra l'aider à très bien se défendre. Je ne pense pas que ce soit si mal, même si c'est favorable à des mecs comme Bradley Wiggins, ça, c'est clair.

Q: La préparation de Hesjedal semble supérieure à l'an dernier. Qu'en pensez-vous?

R: Ouais, physiquement, il a passé un très grand hiver. Pour tous les coureurs, c'est très important. Le succès de l'an dernier lui a permis d'avoir une grande confiance en lui. Ça peut devenir de la pression pour certains coureurs. Pour Ryder, ça lui donne seulement de la tranquillité. C'est ce qu'il faut pour être performant. Donc, il est vraiment cool!

Q: Malgré son statut de champion en titre, il semble un peu négligé. Y voyez-vous un certain manque de respect?

R: Je ne pense pas qu'il faille interpréter cela comme un manque de respect. C'est peut-être parce qu'il est vraiment tranquille. Je peux vous dire que ça convient très bien à toute l'équipe et à lui. L'important, c'est le résultat, pas le chit-chat avant la course...

Q: Dans un Grand Tour, Hesjedal a souvent construit son succès dans la dernière semaine. Quel est le secret de sa résistance?

R: Son physique et sa régularité. Ce n'est pas quelqu'un qui fait des explosions ou de grands numéros. Il a un moteur un peu diesel. Il marche toujours au même régime. Pour bien faire dans les grands tours, c'est ce qu'il faut à la fin. Parce que ce n'est pas le grand numéro qui te gagne la course. C'est de ne jamais avoir un jour sans. Lui, il est très, très régulier. C'est sa force, vraiment.

Q: En tout cas, il semble très calme. Sent-il la pression?

R: La pression est comme une petite bête: si tu la laisses entrer dans ta tête, c'est difficile de la faire sortir. Ça peut te déconcentrer de ce qui est vraiment ton boulot, qui est d'appuyer sur les pédales. C'est vraiment tellement simple qu'il ne faut pas rendre les choses plus compliquées.

Q: Avez-vous ciblé des étapes-clés?

R: Il y en a, mais je ne parle pas de ça avec vous, les journalistes...

Chose certaine, Hesjedal sera marqué au fer, mardi, lors de cette quatrième étape de 244 km, la plus longue du Giro, avec une arrivée 5 km après un col de deuxième catégorie.