Il paraît que l'hiver a été exécrable en Toscane. Pluie et temps frais ont été le lot quotidien de Guillaume Boivin depuis son installation à Lucca, en janvier. Une belle tempête de neige attendait le cycliste à son retour à Montréal, la semaine dernière. Pour faire exprès, le beau temps est revenu en Italie, comme en témoignent les soleils qui scintillaient sur le site météo de son téléphone intelligent, hier matin.

Après son abandon précipité à Paris-Roubaix, où il a été ralenti par une sinusite contractée quelques jours plus tôt, Boivin est revenu au pays un peu plus tôt que prévu. Exit, donc, la Flèche Brabançonne, le Grand Prix de Denain et, peut-être, l'Amstel Gold Race, où il espérait racheter un début de saison franchement décevant.

«Sur le coup, ça a quand même été dur. Je m'étais entraîné vraiment fort. J'avais fait des sacrifices pour avoir un niveau qui était, à mon avis, le meilleur de ma carrière», a expliqué Boivin dans un café de Griffintown, devant un doppio macchiato, sa boisson de prédilection quand il est «cassé» au milieu d'un entraînement.

Ses premiers pas dans le World Tour, au sein de sa nouvelle équipe Cannondale, n'ont pas été de tout repos. «J'ai un peu manqué mon audition», avoue franchement le cycliste de 23 ans. Il ne cherche pas d'excuses pour ce faux départ. À ses yeux, l'explication est simple: il a subi les conséquences de sa décision de commencer sa préparation à l'intérieur à Montréal, en décembre et en janvier, plutôt que de s'expatrier. D'autant qu'il avait coupé très tôt la saison précédente, après les Grands Prix de Québec et Montréal, en septembre.

Boivin en a payé le prix à ses premiers coups de pédale sous les couleurs vertes fluo de Cannondale, aux tours du Qatar et d'Oman. Il estime que son manque de forme lui a coûté des sélections pour Paris-Nice et les classiques flandriennes, auxquelles il rêve et pour lesquelles il est bâti sur mesure.

«Je n'ai pas réussi à le faire. Ce n'est de la faute de personne sauf la mienne», constate le médaillé de bronze des Mondiaux U23 en 2010. «J'ai fait un choix et ce n'était juste pas le bon. Je n'ai pas su me préparer adéquatement pour le début de saison. Ça m'a fait beaucoup grandir. Je vais donc essayer de ne pas répéter les mêmes erreurs.»

Boivin a déjà su rebondir. Il venait de signer une prolongation de contrat de trois ans avec SpiderTech quand la formation canadienne a été subitement mise à l'arrêt à l'automne. SpiderTech a accepté d'honorer la première année de l'entente, ce qui a permis au Longueuillois de se trouver du boulot en Italie.

Chez Cannondale, propriété de Dorel, multinationale basée à Montréal, Boivin dit retrouver un esprit de famille semblable à ce qui prévalait chez SpiderTech. Le niveau d'organisation est impressionnant. «Une chose est sûre, on ne manque de rien. On est très bien traités.» Suivis à la trace, aussi. En course, gare au coureur à qui viendrait l'idée de partir en promenade.

«On se le fait dire: "qu'est-ce que tu fais sur tes jambes?"», raconte Boivin. «Tu apprends des gars qui ont de l'expérience. Les directeurs sportifs sont tous d'anciens grands coureurs. Ils me disent: chaque parcelle d'énergie que tu vas économiser ne te fera peut-être pas gagner la course en fin de semaine. Mais après 75 courses, si tu as tout bien fait, tu vas voir la différence. La saison est longue. Tu pousses tout le temps ton corps à la limite.»

Avec un coureur comme Peter Sagan, la sensation de l'heure, chaque départ représente une occasion de gagner. «Il y a une culture de la victoire dans l'équipe, et c'est clair qu'il n'y a pas d'autres objectifs», souligne le Québécois, qui s'est découvert des affinités avec d'autres équipiers de sa génération, Moreno Moser, Daniele Ratto ou le sprinter Elia Viviani, à qui il préparait les sprints aux récents Trois jours de La Panne (2e et 3e).

«Ce n'était évidemment pas la perfection, parce qu'il n'a pas gagné, mais je pense qu'il y a peut-être un début de chimie là.»

Boivin part samedi pour l'Arizona en vue d'un stage de trois semaines en altitude avant le Tour de Californie, du 12 au 19 mai. «Je vais essayer de prendre tous les watts que je peux aller chercher pour essayer de passer à travers les montagnes».