Le docteur espagnol Eufemiano Fuentes, principal accusé dans le procès de l'affaire de dopage sanguin Puerto, a reconnu mardi qu'il avait eu «d'autres sportifs que des cyclistes» comme clients, réitérant des propos tenus en 2006 qu'il avait par la suite réfutés.

Pendant quatre heures, Fuentes a répondu avec courtoisie, mais aussi parfois avec mordant aux questions du procureur, jetant le soupçon sur de nombreux sports.

Questionné sur l'identité des propriétaires des poches de sang saisies dans deux appartements de Madrid en mai 2006 par la Garde civile, le médecin de 57 ans a eu cette réponse: «Cela pouvait être d'autres sportifs (que des cyclistes). Mais en 2006 (au moment du démantèlement du réseau), c'était majoritairement des cyclistes».

Auparavant, Fuentes avait déjà affirmé au sujet de la période 2002-2006: «Je travaillais à l'époque avec des sportifs à titre individuel, de tous types, ce pouvait être des athlètes, des footballeurs. J'assurais leur suivi médical, leur suivi diététique, des tests physiques et médicaux pour être sûr que leur santé ne s'altère pas».

Fuentes avait déjà tenu de tels propos dans Le Monde du 8 décembre 2006, avant de se rétracter: «J'ai eu d'autres sportifs comme clients: athlètes, joueurs de tennis, footballeurs».

Cette révélation - importante pour le volet sportif de l'affaire - n'aura toutefois pas de conséquences directes pour Fuentes, accusé de «délit de santé publique» et non d'aide au dopage, un chef d'accusation qui n'existait pas en Espagne au moment des faits.

Professionnalisme

Le procureur n'a d'ailleurs pas rebondi sur cette affirmation fracassante.

Devant les quatre autres accusés - sa soeur Yolanda, également médecin, et les anciens directeurs sportifs d'équipes cyclistes Manolo Saiz, Vicente Belda et José Ignacio Labarta, Fuentes a souligné à plusieurs reprises son professionnalisme, élément-clé pour éviter d'être condamné pour ce délit contre la santé publique.

«Chaque fois que nous recevions (avec le docteur Merino) un sportif dans notre lieu de consultation, nous lui faisions un contrôle sanguin, pour savoir s'il avait un hématocrite élevé. Si c'était le cas, nous procédions à une extraction de sang parce qu'avoir un hématocrite élevé est dangereux», a expliqué Fuentes.

«Après avoir congelé la poche de sang, nous ne la réinjections que si son hématocrite était trop bas parce que cela aussi est dangereux pour la santé», a-t-il ajouté dénonçant au passage le fait que l'UCI (la Fédération internationale de cyclisme) ne fixe pas de seuil minimum d'hématocrite.

Le docteur s'est presque vanté de l'acquisition de deux centrifugeuses «au prix de 33 000 euros toutes deux», ajoutant toutefois qu'elles avaient été payées par Merino, le deuxième docteur de l'affaire.

«Agenda sanguin»

Fuentes a aussi insisté sur la méticulosité avec laquelle il gérait «l'agenda sanguin» de ses clients grâce à des codes identifiant les propriétaires des poches de sang congelées.

«Il était impossible de se tromper et en aucun cas un sportif n'a reçu un jour le sang d'un autre», a affirmé Fuentes.

Il a également souligné la qualité des poches de sang conservées.

Jesus Manzano, ancien cycliste de l'équipe Kelme, dont Fuentes fut le médecin jusqu'en 2002, avait pourtant assuré le contraire au journal espagnol AS en 2004, racontant avoir vécu dans sa propre chair les effets d'une autotransfusion de sang frelaté.

Fuentes s'est également efforcé de ne pas impliquer Manolo Saiz, Labarta et Belda, accusés à ses côtés.

«Je ne sais pas dans quelle mesure les coureurs informaient leurs directeurs sportifs des transfusions. Je suppose qu'ils en rendaient compte, mais je ne peux pas l'assurer».

Mercredi, le procès, auquel la future déclaration de l'Américain Tyler Hamilton, acceptée mardi par la juge, apporte encore du piquant, reprendra avec les interventions de la défense du docteur Fuentes.