«Mon nom est Lance Armstrong, je suis un survivant du cancer. Je suis le père de cinq enfants. Et, oui, j'ai gagné le Tour de France sept fois.»

C'était le 29 août dernier, au Congrès mondial sur le cancer à Montréal, une semaine après son refus de contester les accusations de l'Agence américaine antidopage (USADA). Lance Armstrong s'est présenté comme on l'a toujours connu: sûr de lui, frondeur, provocateur. En fin d'après-midi ce jour-là, quelques milliers de Montréalais l'accompagnaient pour un joyeux jogging sur le mont Royal.

Avec cette image fraîche en tête, c'était presque surréaliste de le voir s'incriminer sans retenue devant Oprah Winfrey après toutes ces années de dénégations. Lui, l'homme toujours à l'attaque, le couteau entre les dents, qui baisse finalement les bras.

Mais pas complètement. Oui, je me suis dopé, mais rien d'extraordinaire, dit-il en substance. Juste normal: EPO, transfusions sanguines et testostérone. Comme remplir ses bidons d'eau et gonfler ses pneus. Tout le monde y avait accès, tout le monde le faisait. Corollaire: j'étais quand même le plus fort.

Son programme de dopage? «Intelligent, mais très conservateur, juge-t-il après coup. Cette culture, je ne l'ai pas inventée, mais je n'ai pas essayé de la stopper. C'est mon erreur. Le sport en paie le prix. J'en suis désolé.»

Les contrôles? Inexistants ou faciles à contourner... jusqu'en 2008 et le passeport biologique. Vraiment?

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Croyez-vous ce menteur qui change sa version des faits au gré du temps? Voilà comment Armstrong s'employait à démolir ses détracteurs, au premier chef Floyd Landis, son ancien coéquipier à l'origine de ce spectaculaire déballage public.

Comment ne pas appliquer ce raisonnement à Lance Armstrong quand il affirme sans fléchir qu'il a disputé ses deux derniers Tours de France propre, propre, propre? Qu'en 2009, il a fini troisième derrière Contador et Andy Schleck à l'eau claire? Cherche-t-il à se ménager une porte de sortie dans le cadre de négociations avec l'USADA?

Sans surprise, il n'a mouillé personne et refusé de porter le chapeau de grand manitou d'un système de dopage sophistiqué au sein de son équipe. Tout au plus a-t-il concédé qu'en tant que leader, il menait par l'exemple. «On était de grands garçons, on a tous fait nos choix...»

La déclaration la plus choquante? Que le docteur Michele Ferrari, accusé par l'USADA d'avoir tout organisé, est un «homme bon et intelligent». «Je le pense encore...»

Attendons voir la suite ce soir, mais aucune question n'a été posée sur Johan Bruyneel, son grand ami et directeur sportif lors de tous ses Tours de France.

Armstrong, qui s'est autoproclamé un «bully», a appelé quelques-unes des personnes qu'il a intimidées sans vergogne, dont Betsy Andreu, la femme de son ex-équipier Frankie Andreu. La légèreté avec laquelle il a parlé de cette conversation donnait un peu froid dans le dos: «Je n'ai pas dit qu'elle était grosse!»

Alors, iriez-vous encore courir avec Lance Armstrong sur le mont Royal?

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LES DÉMENTIS

Avant de se confesser à Oprah Winfrey, Lance Armstrong a toujours fermement nié avoir fait usage de produits dopants. En voici quelques exemples:

«Je le dis, je l'affirme, je ne me dope pas.»

Dans son autobiographie Il n'y a pas que le vélo dans la vie, publié en 2000, l'année suivant sa première victoire au Tour de France.

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«Je dirai aux gens qui ne croient pas au cyclisme, les cyniques et les sceptiques, je suis désolé pour vous. Je suis désolé que vous ne puissiez avoir de grands rêves. Je suis désolé que vous ne croyiez pas aux miracles.»

Au public rassemblé sur les Champs-Élysées après sa septième conquête du Tour de France, en juillet 2005.

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«Je répéterai simplement ce que j'ai dit à plusieurs reprises: je n'ai jamais pris de drogues favorisant la performance.»

Sa réaction à la publication du dossier-choc de L'Équipe: le mensonge Armstrong, qui révélait la présence d'EPO dans six échantillons d'urine d'Armstrong lors du Tour 1999.

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«Si on considère ma situation: un gars qui revient, on peut dire, vous savez, d'une condamnation à mort, pourquoi alors je me lancerais dans un sport et me doper et risquer ma vie à nouveau? C'est fou. Je ne ferais jamais ça. Non. Ce n'est pas vrai.»

À Larry King sur CNN en 2005

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«Je ne me suis jamais dopé, et, contrairement à mes accusateurs, j'ai concouru comme athlète d'un sport d'endurance pendant 25 ans sans connaître de pic de performance et passé avec succès 500 contrôles antidopage. Que l'USADA ne tienne pas compte de cette distinction fondamentale et m'accuse plutôt que des dopés avoués en dit plus sur l'USADA, son manque d'impartialité et cette vendetta que sur ma culpabilité ou mon innocence.»

Dans une déclaration suivant sa mise en accusation par l'USADA, en juin 2012