Le directeur du laboratoire antidopage de Lausanne, Martial Saugy, a réfuté vendredi avoir «donné les clés» à Lance Armstrong pour contourner les tests de dépistage EPO.

Le scientifique suisse ne comprend pas comment le patron de l'Agence antidopage américaine, Travis Tygart, un homme avec lequel il a déjà travaillé par le passé, ait pu raconter dans une émission télévisée l'avoir vu acquiescer à la question «Avez-vous donné à Lance Armstrong les clés pour contourner les tests de l'EPO?» lors d'un dîner en 2010.

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Un coup dur à encaisser pour ce laboratoire, prisé par plusieurs instances sportives à commencer le Comité international olympique (CIO). «Il a certainement quelques déficiences dans ses souvenirs», a estimé lors d'une conférence de presse, Martial Saugy, qui compte bien plus tard demander des explications à son collègue américain.

Certes, le biologiste a bien fait une présentation de la méthode de détection de l'EPO à Armstrong et son directeur sportif Johan Bruyneel à la demande de la Fédération cycliste internationale (UCI) avant le départ du Tour de France en 2002. Mais selon lui, il s'agissait «des données scientifiques qui étaient publiées par ailleurs».

«Une explication scientifique telle qu'on le fait dans les congrès, cela veut dire que un peu plus explicatif que dans un journal scientifique comme Nature ou Science», a précisé Martial Saugy, qui avait fait déjà la même au Tribunal arbitral du sport (TAS) lors de l'audience du Danois Bo Hamburger quelques mois plus tôt. «Est-ce que les clés pour contourner les tests antidopage ont été données à M. Armstrong? La réponse est claire: c'est non».

Au laboratoire, «les contrôles antidopage, c'est l'objectif de notre vie», a fait valoir cet homme posé. «Ce serait vraiment paradoxal que le laboratoire qui a sorti les premiers cas d'EPO, qui va se battre devant un tribunal quelques mois auparavant, fasse une rencontre avec un des plus grands athlètes pour lui expliquer comment échapper aux contrôles antidopage!»

25 minutes uniquement

Ses relations avec Armstrong se sont limitées selon lui à cette brève rencontre à Luxembourg: «Ce sont les seules 25 minutes où je lui ai parlé de ma vie.»

Le roi du peloton avait demandé à l'UCI d'avoir des explications sur le test mis au point deux années plus tôt par le Laboratoire de Paris, après avoir été avisé qu'un de ses échantillons du Tour de Suisse 2001 avait été jugé «suspect» mais pas positif à l'EPO.

«À la sortie du procès Bo Hamburger, la méthode a été très contestée dans le milieu sportif, dans le milieu médico-sportif et dans le milieu des scientifiques qui se demandaient si on était assuré d'utiliser une méthode suffisamment fiable», a souligné Martial Saugy. «L'UCI m'a mandaté pour aller donner des explications au numéro 1 pour couper court finalement à ces critiques».

Même si certains peuvent juger naïf de faire une telle présentation à un athlète soupçonné de dopage, le scientifique défend la nécessité pour les instances antidopage de jouer la transparence sur des méthodes pouvant conduire à sanctionner un sportif.

«Ce n'était ni une erreur, ni une naïveté comme certains le prétendent», a-t-il insisté, restant «persuadé que c'était la chose à faire dans le contexte».

Et d'insister: «Les sportifs ont toujours demandé, selon moi à juste titre, qu'ils sachent exactement avec quelles armes ils allaient être chassés. Non seulement les sportifs le demandent, mais ce sont les règles qui existent dans la lutte antidopage depuis des années.»