Sept ans et trois mois après le septième défilé en jaune de Lance Armstrong sur les Champs-Élysées, le cyclisme a déboulonné lundi de son piédestal l'ex-roi du Tour de France et réduit en cendres l'essentiel de son palmarès.

Cette fois, le dossier Armstrong est quasiment classé, pour le volet sportif tout au moins. Désireuse de tourner la page de ces sombres années, l'Union cycliste internationale (UCI) a décidé de «reconnaître et appliquer la décision motivée» de l'Agence antidopage américaine (USADA), qui avait rayé tous les résultats du Texan depuis le 1er août 1998.

«Lance Armstrong n'a pas de place dans le cyclisme», a martelé le président de la fédération internationale, Pat McQuaid, lors d'une conférence de presse à Genève. Et Lance Armstrong n'a donc plus sa place au palmarès du Tour de France, si ce n'est une piètre 36e place lors de la Grande Boucle 1995.

Tant pis si l'USADA n'est pas tendre dans son rapport avec l'instance dirigeante du cyclisme mondial, accusée d'avoir été complaisante, voire d'avoir couvert le Texan lors de son règne sur le peloton, ce que le patron de l'UCI «nie formellement». Et tant pis si le Code mondial antidopage fixe à huit ans le délai de prescription pour une infraction antidopage.

Lance Armstrong, qui bénéficiait d'un réseau de dopage «extrêmement sophistiqué», avec l'aide de ses amis, le «docteur» italien Michele Ferrari et le directeur sportif belge Johan Bruyneel, a écrit sa légende de survivant du cancer devenu champion de vélo à coups d'EPO, de transfusions sanguines, de testostérone. N'hésitant pas à intimider ses coéquipiers pour servir ses ambitions.

Photo: AFP

Le président de l'Union cycliste internationale (UCI), Pat McQuaid.

Passeport biologique

L'UCI ne lui laissera pas une autre chance en faisant appel au Tribunal arbitral du sport (TAS). Mais s'il le souhaite, Armstrong a jusqu'à la fin du mois pour le faire lui-même. Ce qui semble peu probable. Après avoir tenté d'enrayer l'enquête de l'USADA devant les tribunaux civils cet été, en clamant son droit à un procès équitable, il avait définitivement jeté l'éponge le 23 août.

«Nous sommes allés trop loin dans la lutte antidopage pour revenir en arrière», a estimé Pat McQuaid, arrivé à la tête de l'UCI juste après le dernier Tour victorieux d'Armstrong.

Le héros américain n'est plus qu'un mythe en miettes, dont le palmarès se résume désormais en bref à un titre de champion du monde en 1993, un titre de champion des États-Unis la même année, et deux victoires dans des classiques.

Roi déchu, Lance Armstrong risque surtout désormais de se retrouver un roi nu. Déjà six de ses commanditaires, dont son équipementier Nike, l'ont abandonné. Il a dû lâcher la présidence de sa fondation Livestrong contre le cancer. Des poursuites pour parjure pourraient le conduire devant les tribunaux, pour avoir menti lors de l'enquête fédérale pour dopage le visant. De plus, il devra probablement rendre toutes ses primes liées à ses podiums du Tour de France, de près de 4 millions $.

Le cyclisme, qui ces dernières années, s'est évertué à prendre les grands moyens pour faire le nettoyage dans le peloton, investissant des millions dans les contrôles antidopage et la mise en place d'un passeport biologique pour mieux scruter les coureurs via leurs globules, voit ses efforts ternis pas la passivité dont elle a fait preuve vis-à-vis du héros au regard d'acier.

Le Tour pour un palmarès vierge

«C'est la plus grave crise à laquelle le cyclisme a dû faire face», a reconnu Pat McQuaid. Mais selon lui, «le cyclisme a un avenir» et «a beaucoup changé». «C'est une crise mondiale, l'aura d'Armstrong touche tout le monde», a estimé à Paris le directeur du Tour de France Christian Prudhomme.

Si certains ont déjà crié «démission», tel l'Espagnol Oscar Pereiro, vainqueur du Tour 2006 sur tapis vert, Pat McQuaid a fait savoir qu'il n'avait nullement l'intention de quitter son fauteuil, pas plus que de demander de le faire à son controversé prédécesseur, Hein Verbruggen, un ami d'Armstrong, toujours président d'honneur.

Le nom d'Armstrong a beau avoir été effacé des palmarès, il n'est pas sûr que les Grandes Boucles de 1999 à 2005 auront un nouveau vainqueur, comme ce fut le cas en 2006 avec Pereiro à la place de Floyd Landis ou en 2010 avec Andy Schleck à la place de Contador. Dans les deux cas suite à des contrôles antidopage positifs.

L'UCI tiendra vendredi une réunion spéciale de son comité directeur pour décider si oui ou non ces podiums doivent être réattribués et si l'Américain devra rendre sa médaille de bronze olympique du contre-la-montre des Jeux de Sydney, en 2000. Le Tour de France a répété lundi qu'il était en faveur d'un palmarès qui reste vierge.

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