Au lendemain du dépôt d'un rapport accablant contre Lance Armstrong, des critiques nourries ont fusé contre l'Union cycliste internationale (UCI). Plusieurs se demandent si la lutte antidopage ne devrait pas être retirée des mains de la fédération cycliste, accusée d'avoir couvert le Texan sept fois vainqueur du Tour de France.

La première pierre a été lancée par l'USADA elle-même. L'agence américaine antidopage n'a pas ménagé l'UCI dans son rapport de quelque 200 pages, chargé de faire la lumière sur les pratiques dopantes de l'équipe US Postal et de Lance Armstrong.

L'UCI a perdu toute crédibilité dans ce dossier, estime l'USADA, depuis qu'elle «a publiquement préjugé de la crédibilité des témoins». Le rapport rappelle que lorsque Floyd Landis a accusé son ancien coéquipier de dopage en 2010, le président de l'UCI a balayé son témoignage d'un revers de main. Ces allégations n'étaient «rien de nouveau», avait alors dit Pat McQuaid. Puis l'UCI avait poursuivi Landis en justice, puisqu'il laissait entendre qu'elle avait couvert les écarts du Texan.

Un autre ancien coéquipier d'Armstrong, Tyler Hamilton, est aussi passé aux aveux lors d'un entretien présenté en 2011 par l'émission 60 Minutes à la télé américaine. Le président honoraire de l'UCI, Hein Verbruggen, avait réagi au reportage: «C'est impossible, parce qu'il n'y a rien. Je répète: Lance Armstrong n'a jamais utilisé le dopage. Jamais, jamais, jamais.»

«Ces commentaires faits alors que l'USADA était en pleine enquête prouvent que l'UCI a préjugé et rejeté toute possibilité que M. Armstrong se dopait, bien fait que ni M. McQuaid ni M. Verbruggen ni aucun autre représentant de l'UCI n'ait rencontré MM. Hamilton et Landis, ni aucun autre des nombreux témoins de l'USADA», détaille un passage assassin du rapport de l'agence américaine.

Plus loin, on reprend les témoignages de Landis et d'Hamilton, qui affirment qu'Armstrong avait subi un contrôle positif en 2001 au Tour de Suisse. Selon Landis, Armstrong lui aurait dit s'être rendu personnellement aux bureaux de l'UCI afin de s'assurer de la disparition de l'échantillon sanguin incriminant en échange d'un don en argent.

Pat McQuaid a admis que Lance Armstrong et son directeur sportif, Johan Bruyneel, s'étaient présentés à ses bureaux en 2002. Ils ont alors fait un don de 100 000 $ à l'UCI «pour le développement du cyclisme». Mais l'Union a toujours nié que cette somme aurait servi à faire disparaître un échantillon sanguin.

L'Union cycliste internationale n'a pas répondu aux critiques contenues dans le rapport de l'USADA. Elle a toutefois assuré hier «ne pas vouloir faire traîner les choses». Elle a jusqu'à 21 jours pour faire appel de la décision de l'agence américaine de suspendre à vie Lance Armstrong et de lui retirer ses titres de vainqueur du Tour de France.

L'escarmouche entre l'agence américaine et la fédération cycliste illustre à merveille la complexité du système mondial antidopage. Certains programmes de lutte au dopage sont gérés par des agences indépendantes (comme l'USADA aux États-Unis ou le CCES au Canada), alors que d'autres sont laissés entre les mains des fédérations (notamment l'UCI pour le cyclisme et la FIFA pour le soccer).

«La première mesure pour qui veut prendre à bas le corps ce genre d'affaires consiste à retirer la lutte antidopage aux fédérations», assure Jean-Pierre de Mondenard, spécialiste du dopage et auteur de nombreux ouvrages sur la question. «Comment peut-on croire qu'une fédération va se tirer dans le pied. Vous connaissez un PDG qui est délégué syndical?

«Armstrong a passé 500 contrôles négatifs sous l'égide de l'UCI et serait dopé depuis toujours. Moi, je suis patron d'une entreprise qui a un tel bilan, je vire tout le monde», poursuit l'auteur du Dictionnaire du dopage.