Pour la spécialiste du dopage Christiane Ayotte, les preuves de l'USADA sont accablantes. La directrice du laboratoire contre le dopage de l'Institut national de la recherche scientifique s'est entretenue avec La Presse.

Q. Que pensez-vous des preuves amassées par l'USADA?

R. On parle d'une constellation d'éléments rassemblés qui je pense sont, ensemble, très probants. C'est cohérent et ça pointe dans une même direction. Il y a des preuves qui viennent de profils sanguins. Ils ont attaché ensemble des choses qu'on connaissait déjà en plus de témoignages très crédibles de cyclistes. On ne peut pas penser que ce sont des mensonges, que c'est une vendetta organisée.

Q. Avez-vous déjà cru Lance Armstrong lorsqu'il assure ne pas s'être dopé?

R. Jamais je ne l'ai cru. Pour moi, cette histoire n'avait pas d'intérêt, je ne comprenais pas pourquoi il fallait absolument savoir pourquoi les gens devaient absolument mettre un sceau de dopé sur la cuisse de Lance Armstrong. Mais j'ai bien saisi après que son attitude d'une extrême arrogance - il est baveux comme on dit au Québec - a creusé sa tombe. Une arrogance comme ça, c'est honteux.

Q. Mais il n'a toujours pas avoué...

R. Jamais, jamais. Il y a trop d'enjeux et il s'est peinturé dans le coin. Il ne peut pas faire de coming out. Pour les gens, c'est blanc ou noir. Ils se demandent 'comment peut-il faire du bien avec sa fondation sur le cancer et en même temps être un extrême tricheur'. Ben oui, ça se fait!

Q. Les révélations de l'USADA auront-elles des conséquences selon vous?

R. C'est important d'en parler pour que nos jeunes sportifs sachent que ce n'est pas valorisé. C'est pour ça que c'est important de jeter Lance Armstrong par terre, pour lui dire arrête de te pavaner, ce n'est pas beau. Ce n'est pas beau du tout.

Q. L'USADA a déjà retiré à Armstrong ses sept titres de vainqueur du Tour de France. L'Union cycliste internationale (UCI) va-t-elle selon vous entériner cette décision?

R. Le rapport est maintenant entre les mains de l'UCI. L'USADA lui a envoyé ce qu'on appelle sa «décision détaillée», qui explique pourquoi ils en sont venus à la conclusion que Lance Armstrong s'est dopé. Ça m'étonnerait beaucoup que l'UCI décide de porter en appel la décision de l'agence américaine et en réfère au Tribunal arbitral du sport. C'est complètement impossible, voyons donc! Elle se discréditerait complètement.

Q. Certains cyclistes, comme George Hincapie, laissent entendre que la jeune génération est plus propre. Croyez-vous à cette thèse?

R. Nous autres, on ne voit pas ça. Il reste beaucoup de travail à faire. Pour réduire le dopage, il faut faire peur et pour faire peur, il faut des dents, avec des tests antidopage partout et tout le temps. Sinon, les sous-cultures du dopage vont se répandre encore. Ce sera la même chose pour les nouveaux cyclistes. Sans la peur de se faire attraper, la dope va circuler. Pourquoi? Parce qu'elle est extrêmement efficace. Il n'y a pas de doute que l'EPO et les transfusions sanguines sont un plus en cyclisme.

Q. Faut-il déployer plus d'efforts aux niveaux québécois et canadien?

R. Absolument. Mais notre agence canadienne fait de bons efforts. On l'a vu l'an passé lorsqu'elle est allée dans des championnats nationaux et que deux cyclistes se sont fait attraper (Arnaud Papillon et Miguel Agreda, NDLR). Ils étaient un peu étonnés par ça. Ils ont dit: «D'habitude, il n'y a pas de test au Québec!»