L'équipe américaine US Postal a connu au début des années 2000 un succès sans précédent avec Lance Armstrong comme leader. Mais s'il faut en croire un rapport détaillé dévoilé mercredi par l'Agence américaine antidopage, ce succès n'était pas dû au hasard.

L'USADA a rendu publique mercredi la preuve accumulée contre le Texan sept fois vainqueur du Tour de France. Le rapport de quelque 200 pages est accablant et réunit le témoignage de 11 anciens coéquipiers d'Armstrong. Sa conclusion? La US Postal avait mis sur pied «le programme de dopage le plus sophistiqué, le plus professionnel et le plus efficace jamais vu».

Le système de dopage de l'USPS, dont Armstrong a été membre de 1998 à 2004, «a été mis en place pour entraîner les athlètes à se doper dangereusement, à éviter la détection, à assurer son secret et, ultimement, à gagner un avantage injuste sur le peloton grâce à des pratiques dopantes supérieures.»

Le rapport se fonde sur le témoignage de 26 personnes, dont 15 cyclistes, parmi lesquels 11 anciens coéquipiers d'Armstrong: Levi Leipheimer, Tyler Hamilton, George Hincapie, Frankie Andreu, Tom Danielson, Floyd Landis, Stephen Swart, Christian Vande Velde, Jonathan Vaughters, David Zabriskie et le Canadien Michael Barry.

On savait déjà que certains de ces coureurs s'étaient dopés. Mais d'autres ont décidé de participer à l'enquête de l'USADA même s'ils n'avaient jamais été pris. C'est le cas notamment d'Hincapie, de Barry, de Leipheimer et de Vande Velde.

«Jusqu'à récemment, lorsque les gens pensaient au dopage, ils pensaient à un gars qui, de lui-même, utilisait des substances dopantes pour être meilleur, explique ainsi l'Américain Leipheimer, qui a reçu une suspension clémente de six mois, mitigée par ses aveux. Mais ce que les gens ne réalisaient pas, comme moi je ne le réalisais pas avant d'entreprendre cette carrière, c'est que le dopage était organisé et partout dans le peloton. Le dopage n'était pas l'exception, c'était la norme.»

Tous les témoignages pointent vers Lance Armstrong, qui nie toujours avoir consommé des substances bannies. Les dénégations se sont poursuivies mercredi. L'un de ses avocats a accusé l'USADA d'avoir accouché «d'un brûlot à sens unique, d'une oeuvre de tabloïd financée par les contribuables qui ressasse de vieilles allégations sans fondement qui se basent largement sur des menteurs, des témoignages forcés ou obtenus contre des ententes juteuses.»

Un million de dollars au Dr Ferrari

Dans son rapport, l'USADA soutient entre autres que Lance Armstrong a payé, au cours de sa carrière, plus d'un million de dollars au médecin italien Michele Ferrari. L'agence a notamment mis la main sur les relevés bancaires du médecin, identifié par plusieurs témoignages comme le cerveau du dopage au US Postal.

Le travail d'enquête de l'USADA a commencé en 2010. Le vainqueur déchu du Tour 2006, Floyd Landis, avait alors contacté l'agence pour dénoncer un système généralisé de dopage au centre duquel trônait Lance Armstrong. Ce dernier a toujours soutenu que Landis avait fait ces déclarations pour se venger des succès d'Armstrong.

«C'est amusant, parce que j'écoutais quelqu'un, hier, qui avait été incriminé par Lino Zambito. Il se défendait, disant ce sont des menteurs pathologiques, c'est des gens qui ont menti auparavant, qui ont des intérêts à salir des gens. C'est la même chose qu'on entend en cyclisme en ce moment de la part de Lance Armstrong. J'ai trouvé que le parallèle était saisissant pour un Québécois», juge la spécialiste du dopage Christiane Ayotte.

Le septuple vainqueur du Tour a toujours refusé de collaborer à l'enquête de l'USADA, dénonçant sa partialité. L'agence voit dans ce choix un aveu déguisé.

La charge de l'agence antidopage survient un mois après la publication d'un livre fracassant de Tyler Hamilton. Dans The Secret Race, l'ancien coureur de la US Postal met en cause personnellement Lance Armstrong. «Pour Lance, le dopage est une réalité de la vie, comme l'oxygène ou la gravité. Soit tu te dopes et tu le fais au maximum, soit tu te la fermes et tu t'en vas», écrit Hamilton.

Le héros de la cause anti-cancer a d'ailleurs choisi «de la fermer» mercredi. Aucun communiqué. Aucune déclaration. Sur son compte Twitter, il a mis en ligne un lien vers un article sans aucun rapport avec la nouvelle du jour. Ceux qui espéraient entendre un déni - ou un aveu - devront attendre.